— Par Roland Sabra —
« Syncrétismes » tel est le premier mot de l’éditorial de Manuel Césaire pour présenter le programme de la saison 2019-2020 de la Scène nationale Tropiques Atrium. Le mot, avec une certaine habileté, est judicieusement choisi. Dans le domaine culturel le Larousse le définit comme « une synthèse de deux ou plusieurs traits culturels d’origine différente, donnant lieu à des formes culturelles nouvelles. ». Le site EDUSCOL du Ministère de l’Éducation nationale, moins angéliste ou plus réaliste, comme on voudra, le présente comme « le résultat d’un processus d’adaptation endogène généralement imposé par une culture exogène. » et résume le débat autour du mot en précisant : » L’usage du mot est tantôt stigmatisé comme contamination par l’autre, tantôt valorisé comme synthèse créative. » On notera l’insistance de Manuel Césaire dans la mise en valeur du mot par sa pluralisation qui laisse ouverte la question de ses acceptions inclusive ou exclusive. Par cet usage du mot le Directeur de la Scène nationale, ne fait pas l’impasse sur la complexité de la situation culturelle du pays, mais fait un choix, comme on le constatera dans la lecture de son texte de présentation ci-après.
Lors de sa conférence de presse il a précisé vouloir approfondir le travail de formation développé par son prédécesseur Hassane Kassi Kouyaté, rappelant à cet égard que la diffusion de spectacles ne représentait que la moitié de l’activité de la structure. La formation comprise dans son sens le plus large ne concerne pas seulement le monde artistique, elle inclut aussi la formation du spectateur, qu’il s’agisse des élèves et étudiants de la communauté de communes autour de Fort-de-France ou des publics plus éloignés de la ville -capitale et moins sollicités par la fréquentation des spectacles. A ce sujet Manuel Césaire a évoquer l’éternel serpent de mer de la décentralisation qui prend la forme cette année d’un « Aller vers » sous la dénomination « Territoires en Culture » le plus souvent autour de l’utilisation du chapiteau que moins de 20 % des communes de Martinique ont sollicité pour accueillir des spectacle jusqu’à aujourd’hui. Au delà de l’endettement endémique de certaines municipalité la responsabilité des élus dans leur faible attirance pour la dimension culturelle de leur mission pour ne pas dire son absence totale est de toute évidence le plus puissant frein à la diffusion des œuvres au sein du tissu martiniquais. À s’en souvenir lors des prochaines élections dans quelques mois….
Le cinéma devrait revenir dans la Salle Frantz Fanon de Tropiques-Atrium mais l’achat d’un projecteur numérique, réclamé par une partie du public depuis plusieurs années n’est toujours pas programmé. Ce seront donc des films anciens utilisant le support DVD qui seront programmés dans une perspective de « redynamisation d’un réseau cinématographique caribéen. » (!) La délégation de service public qui n’ose dire son nom, costumée d’un « partenariat avec le multiplexe de Madiana» va se poursuivre pour les films récents des séances en V.O. Je peux supposer que le groupe Elysé en acceptant de diffuser les films en V.O. de la Scène nationale est dans une stratégie de niche qui lui permet en occupant ce créneau de faire obstacle à la création d’un véritable cinéma Art & Essai. Le projet de trois salles annoncé en 2011 lors de la visite Frédéric Mitterrand du Ministre de la Culture autour de la rénovation du Pax a échoué devant le refus des occupants du lieu de le restituer à la municipalité de Fort-de-France qui l’avait déclaré « Bâtiment d’intérêt architectural ». Le dernier projet en date, place de la Savane dans l’ancien cinéma près du snack Elysé(!) est pour le moment dans une impasse en raison de problèmes que l’on qualifiera par pudeur techniques. Madinin’Art reviendra prochainement sur ce projet. Il est regrettable que pour des raisons d’économies sur l’achat d’un projecteur, et de frais de fonctionnement ( pas de billetterie, pas de personnels mobilisés etc.) la Scène nationale, à l’encontre de tout son engagement réel en faveur d’un cinéma de qualité, se fasse l’alliée d’un groupe davantage motivé par des soucis de profits que par le désir de répondre aux besoins des cinéphiles. Comme cela a été dit, et je laisserai la responsabilité de ce dire à son auteur, les séances Art et Essai de Tropiques-Atrium « seront noyées dans la richesse de la programmation de Madiana ». 😀
Pour le reste de la programmation pas de grosses nouveautés, si ce n’est, et c’est à signaler, une belle place accordée aux arts du cirque au mois de mars prochain autour du projet « Cirq’ulez » avec une entrée en matière de qualité les 20 et 21 septembre 2019 et qui porte le joli nom d’Afrique en Cirque. Il faudra en être !
La tonalité globale de la saison est celle d’un humanisme affiché et revendiqué. Et c’est tant mieux
Fort-de-France, le 13/09/19
R.S.
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La présentation de Manuel Césaire
Syncrétismes _ Entrecroisement de mémoires, entrelacement de cultures, amalgame de savoir faire ,concert d’esthétismes, croisée des influences, la saison artistique 2019/2020 sera syncrétique et pluridisciplinaire. En théâtre, musique ou danse, le répertoire sera convoqué et revisité, les démarches contemporaines investiront les planches, en toute décomplexion, hardiesse et impertinence. Non pas un syncrétisme subi mais un syncrétisme accoucheur de synthèses créatives et d’humanisme inspirant. Les identités artistiques seront conviées, les récits populaires déclamés, les tranches de vie décryptées, sans frontière, sans barrière, sans enfermement et en tutoyant l’universalité des mots, des maux, des espérances conquérantes et de l’altérité gourmande et assumée.
Le cinéma réinvestira les salles à Tropiques Atriumet hors-les-murs avec une programmation exigeante et la volonté d’être un acteur de la redynamisation d’un réseau cinématographique caribéen. Les Arts visuels feront découvrir de nouveaux talents tout en mettant en lumière ceux qui ont fait et font encore la richesse des Arts contemporains martiniquais, caribéens et internationaux.
Les festivals ponctueront la saison : Martinique Jazz Festival, La Ribotte des petits, Festival des Petites Formes, Biennale internationale de Danse et Rencontres Cinémas Martinique. Chacun de ces temps forts sera décliné en salle, dans le cadre de Territoires en culture et vers les scolaires.
Le cirque occupera une place significative cette saison avec un temps fort Cirq’ulez, il y a tout à voir, en mars. Le conte et la poésie rejoindront le cercle pluridisciplinaire. La musique classique révélera des envolées sublimées par un lyrisme complice.
La formation sera également pluridisciplinaire. Autour de la formation théâtrale des jeunes, accessible dès la classe de 2nde, d’autres actions de formation seront adressées aux professionnels et aux amateurs. Tropiques Atrium continuera d’accompagner les artistes par le biais de résidences de création, résidences de projets et résidences tremplins.
Connectés à notre société et conscients des enjeux et problématiques de son évolution, Tropiques Atrium accueillera des conférenciers qui éclaireront et enrichiront nos débats.
Nous accueillerons plusieurs résidences croisées, conférences et projections sous le label Africa 2020. Nous continuons à établir des passerelles afin de faciliter la circulation des artistes martiniquais, en concrétisant de véritables échanges (Rép.Dominicaine, Haïti, Cuba, Québec, Burkina Faso, Sénégal, OECS…). Nous nous inscrivons aussi dans un réseau professionnel (Institut français, Association des Scènes nationales, ONDA, Cité internationale des Arts, Africa Simply the Best, Les Récréatrâles …).Nous remercions nos partenaires institutionnels, la Collectivité Territoriale de Martinique, la DAC etle Ministère de la Culture pour leur soutien infaillible,notre Conseil d’Administration, nos partenaires privés, les artistes et le public.
Nous souhaitons que cette nouvelle saison soit sous le signe d’un syncrétisme nourrissant, invitant au voyage, se moquant des frontières et des langues, véritable liant humain, ramification culturelle, abreuvant d’humanisme chaque territoire visité. Un syncrétisme rythmant inlassablement le feuillage des flamboyants du refus de l’avilissement ;un syncrétisme vertébral des ensoleillements annonciateurs d’avenir.
L’équipe de Tropiques Atrium vous souhaite une flamboyante saison culturelle !