— Par Selim Lander —
De part et d’autre de l’immense plateau du Grand Théâtre de Provence, quatre beaux chevaux d’un noir de jais, chacun à côté de son sac de foin où il puise de bon appétit. Sur l’un des quatre monte bientôt une écuyère, Johanna Houe, avec son accordéon, commandant sa monture des jambes et de sa musique, musique complétée par un guitariste et par un Indien au tabla, lequel chante aussi. Le cheval navigue sur une piste rectangulaire qui occupe la plus grande partie du plateau. Arrive un homme, Manolo Bez, dit Manolo, qui prend le relais sur le cheval ; désormais, il sera le seul cavalier, montant successivement les quatre chevaux pour des exercices différents. Un très bon cavalier et les chevaux sont bien dressés : on admire en particulier comment ils peuvent partir au galop sur la piste en diagonale et stopper brusquement, in extremis. On ne verra pas cependant d’exercice de haute école, à part quelques déplacements latéraux.
Le but n’est pas, en effet, la performance ; il s’agit, nous prévient l’artiste, de montrer que l’homme peut exister en symbiose avec l’animal, non pas le faire danser mais danser avec lui. D’où le titre de ce spectacle, Animal, danser avec le vivant. Quel beau programme !
On est d’autant plus déçu par la réalisation que l’on attendait beaucoup. Puisqu’il s’agit de danse, Manolo a fait appel à une chorégraphe d’un certain renom, Kaori Ito et à une danseuse, Léonore Zurflüh. K. Ito est aussi une performeuse qui n’évite pas les excès. Et en fait de danse, L. Zurflüh gesticule beaucoup, quand elle ne court pas frénétiquement autour de la piste devant ou à côté d’un cheval conduit par Manolo. Ce dernier met lui aussi parfois pied à terre et se déchaîne pareillement. À la fin, installé sur le quatrième cheval parfaitement immobile, il se dénudera lentement (gardant néanmoins son slip – des enfants sont dans la salle).
Le spectacle confère ainsi une idée de l’animalité comme sauvagerie. Les animaux comme les « sauvages » sont nus, au sens où ils ne portent pas d’habit, nul ne le contestera. Mais que dire de ces trémoussements hystériques ? Ne sont-ils pas plutôt propres aux humains qu’à nos frères et sœurs les bêtes ? C’est en tout cas ce que donne à penser le contraste entre l’impeccable dignité des quatre beaux chevaux et l’image de l’humanité véhiculée par la pièce.
Manolo Bez, Théâtre du Centaure, Animal, danser avec le vivant. Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, 25 et 26 novembre 2022