— Par Jean-José Alpha —
La Man-Chomil de Georges Mauvois, portée à la scène théâtrale par Aurélie Dalmat du Tam Théatre, a été jouée pour le Madinina du Rire (mdr), devant un important parterre de séniors acquis à la Comédie créole, dans la salle Aimé Césaire de l’Atrium à Fort de France.
Il est vrai que du lever de rideau au dénouement final, le public rit à gorge déployé des personnages qu’il reconnait aisément. Les situations subies par les usagers du bureau postal communal où se déroule l’action, sont rythmées par les crises d’hystérie de dame Chomul (Aurélie Dalmat), postière et petite nièce du sénateur. Quant à la receveuse du bureau de poste (Suzy Singa), pendue au téléphone et débordée par ses affaires personnelles, par la balourdise de la dame Dagobert, standardiste de son état (Sarah-Corine Emmanuel), par les erreurs de comptabilité de la dame Chomul qui n’en démord pas de hardiesse, de mépris et de profitations à l’égard des usagers, elle entretient les cancans et la division entre les deux comparses pour sauvegarder son autorité, et protéger, du même coup, ses relations adultérines avec Monsieur l’inspecteur des postes Macaron (Jean Emmanuel Emile).
On rit des comiques de situations, de mots, de gestes et de postures que le public reconnait sans difficulté, d’autant qu’ils caractérisent le fonctionnement des agents de l’administration néocoloniale décrite avec dérision par le dramaturge Georges Mauvois observateur critique des sociétés antillaises.
Si la pièce ne trouve son rythme qu’à l’arrivée inattendue de l’inspecteur contrôleur (Marc Julien Louka), pratiquement à la troisième partie du déroulement, les clowneries, les chutes, les cris, les tombéléta, les coups de pied, les menaces au rasoir et les révélations cocasses, participent au ravissement du public témoin notamment des agissements méprisants pour les petites gens, d’une classe privilégiée, les fonctionnaires locaux du bureau de poste.
Le trio infernal : receveuse, postière et standardiste fonctionnent bien pour le bonheur du public. Leurs minauderies et allégeances à la gendarmerie blanche (Ricardo Miranda) de l’autorité coloniale, mettent en lumière leur insupportabilité des usagers de la classe d’en bas bien campés par Appoline Steward, Aliou Cissé, Maximin Plancy et Emile Pelti, dont les seuls revenus sont les aides sociales qu’ils perçoivent au bureau de postedont ils sont dépendants et où ils sont dominés.On y voit là la caricature du pouvoir local qui n’a que faire des droits de respect, de service et d’accompagnement dont les populationsont effectivement droit.
L’inspection inopinée du jeune contrôleur des postes, porteur d’espoir de changement, n’y pourra rien face aux stratagèmes de compromission et de séduction déployés par les matadores du bureau soutenues par l’inspecteur Macaron, amant notoire de la receveuse.Les facteurs (Sandra Ali Chaout et Jean Michel Lotaut) apportent une belle fraicheur à l’ensemble.
La distribution est bonne, le rythme général gagnerait avec un resserrement des situations dès le lever de rideau, les lumières sont à enrichir, mais la comédie créole fonctionne.
Une tournée de la pièce sur l’ensemble du territoire ravirait les Martiniquais.
J.A