En 2022 en Europe, au moins 895 000 personnes étaient toujours sans abri.
A l’occasion de la publication de la 8e édition du rapport « Regard sur le mal-logement en Europe », la Fondation Abbé Pierre et la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri. (FEANTSA) révèlent une nouvelle estimation du nombre de personnes sans-abri en Europe et font la lumière sur l’habitat indigne.
Une augmentation préoccupante du nombre de sans-abri
– En Allemagne, où un recensement a été mené pour la première fois à l’échelle nationale, 84 500 personnes vivent à la rue et en situation de sans-abrisme caché
– En Espagne 28 552 personnes sont sans domicile, soit 24 % de plus qu’en 2012
– En Irlande entre le 24 et le 30 décembre 2022, 11 632 personnes étaient prises en charge dans les centres d’hébergement d’urgence. Le nombre de personnes faisant appel aux services d’hébergement a augmenté de 40 % au cours des deux dernières années.
En regard de l’augmentation du nombre de personnes privées de « chez-soi » constatée dans la majeure partie des pays européens, les réponses politiques apportées sont encore très insuffisantes. L’urgence comme mode de gestion trouve ses limites et il est aujourd’hui plus que nécessaire de mettre en place les nouvelles politiques annoncées au sortir de la pandémie pour apporter une réponse durable aux personnes sans-domicile.
L’Union Européenne semble avoir pris conscience de la situation avec l’inscription du sans-abrisme à l’agenda politique et certains pays comme la Finlande, le Danemark ou encore l’Autriche font même figure d’exemple avec une légère baisse du nombre de personnes sans domicile. Les initiatives lancées dans le cadre de la Plateforme européenne de lutte contre le sans-abrisme apparaissent aussi comme des signaux positifs mais les efforts des États membres doivent être accrus.
L’habitat indigne en Europe, un enjeu de santé publique à prendre en compte
La Fondation Abbé Pierre et la FEANTSA dressent dans cette étude menée auprès des membres de la FEANTSA et de leurs partenaires, un état des lieux de l’habitat indigne, encore trop largement invisible et difficile à mesurer.
En Europe, 19,2 millions de personnes vivent dans un habitat indigne selon Eurostat. Si la qualité moyenne des logements n’a cessé globalement de s’améliorer au cours des vingt dernières années, habiter un logement insalubre, mal isolé, non fonctionnel ou trop exigu reste une réalité pour une frange conséquente de la population européenne. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, plus de 100 000 personnes décèdent chaque année en Europe à cause de l’insalubrité de leur logement.
Face à ce constat, il est nécessaire que les gouvernements et les institutions de l’Union Européenne reconnaissent l’habitat indigne comme un enjeu de santé publique. La « vague de rénovation de logements » que souhaite porter l’UE doit être l’opportunité d’éradiquer ce phénomène en Europe à condition d’apporter aux ménages les plus vulnérables un accompagnement et un soutien financier suffisant.
Source : Fondation Abbé Pierre
Retrouvez ici l’étude complète =>
Lire la brève synthèse de Madinin’Art ci-après :
Situation préoccupante en Europe
Le huitième regard sur le mal-logement en Europe révèle une situation préoccupante, exacerbée par les répercussions de la guerre en Ukraine. Cette crise du logement pèse lourdement sur les populations les plus vulnérables et soulève des défis majeurs en matière d’accueil des réfugié·e·s ukrainien·ne·s. Le rapport met également en lumière l’ampleur du problème du logement indigne en Europe, ses conséquences sur la santé et la qualité de vie des occupants, ainsi que les recommandations pour y remédier.
Impact de la guerre en Ukraine
La situation du logement en Europe s’est détériorée en raison des répercussions de la guerre en Ukraine. Cette crise affecte particulièrement les ménages les plus modestes, qui sont durement touchés par la montée des prix, notamment celle de l’énergie et des denrées alimentaires. Cette hausse des coûts a été alimentée par la fin de l’approvisionnement en gaz russe, ce qui a entraîné une augmentation significative des prix de l’énergie (25 % en décembre 2022). De plus, l’Ukraine et la Russie représentent près de 30 % des exportations mondiales de blé, ce qui a contribué à la hausse des prix des denrées alimentaires (14 % en décembre 2022).
Impact sur les populations précaires
Le poids de ces dépenses énergétiques et alimentaires est particulièrement lourd pour les travailleurs modestes et précaires, qui habitent souvent dans des logements mal isolés. Cette situation les rend vulnérables à la flambée des prix. Les gouvernements européens ont mis en place diverses mesures pour atténuer l’impact de ces hausses de coûts sur la population, mais bon nombre de ces mesures se sont avérées insuffisantes pour empêcher les plus vulnérables de sombrer dans la précarité. De plus, de nombreux gouvernements ont opté pour des mesures non ciblées visant à maîtriser les prix, au détriment de politiques de soutien aux revenus des ménages.
Défis de l’accueil des réfugié·e·s Ukrainien·ne·s
La législation européenne oblige les États membres de l’Union à accueillir les réfugié·e·s ukrainien·ne·s, ce qui a conduit à l’accueil de plus de 4,5 millions de personnes sous la protection subsidiaire, dont plus de 1,4 million étaient enregistré·e·s en Pologne en septembre 2022. L’accueil de ces réfugié·e·s pose divers enjeux, notamment en ce qui concerne le logement. Malgré les fonds européens mis à disposition pour aider les États membres à offrir un hébergement adéquat, les autorités publiques ont eu du mal à élargir suffisamment l’offre existante. Cela a poussé de nombreux gouvernements à subventionner des logements privés, tels que des hôtels, pour héberger les réfugié·e·s.
Défis de l’intégration des réfugié·e·s
Cependant, la transition vers une location à long terme pour les réfugié·e·s s’est révélée complexe dans de nombreux pays européens. Les aides financières destinées à l’hébergement ont été réduites pour encourager les réfugié·e·s à intégrer les systèmes locatifs nationaux. Cela a créé une pression supplémentaire sur un marché locatif déjà saturé. De plus, les réfugié·e·s peuvent faire face à des obstacles liés à la langue, à la méconnaissance du marché locatif local, à l’insuffisance de leurs revenus et à l’incapacité à fournir les documents requis par les propriétaires. Dans certains cas, des comportements discriminatoires et des préjugés envers les étranger·ère·s ont également entravé l’accès au logement.
Fléau du sans-abrisme
La crise du logement en Europe se manifeste également à travers le fléau du sans-abrisme. Pas moins de 895 000 personnes vivent sans domicile fixe en Europe, ce qui témoigne de l’incapacité des pays européens à garantir le droit au logement. Cette estimation, basée sur des données fragmentaires, ne prend en compte que les formes d’exclusion du logement les plus visibles.
Pays ayant réussi à réduire le sans-abrisme
Cette situation perdure voire s’aggrave dans la majorité des États membres. En Allemagne, par exemple, 262 645 personnes étaient sans domicile fixe en 2022. L’Espagne a enregistré 28 552 personnes sans domicile fixe cette même année, soit une augmentation de 24 % par rapport à 2012. En Irlande, 11 632 personnes étaient hébergées dans des centres d’urgence fin décembre, et le nombre de personnes recourant à ces services a augmenté de 40 % au cours des deux dernières années. Seuls quelques pays, tels que la Finlande, le Danemark et l’Autriche, ont réussi à réduire significativement le nombre de sans-abri sur leur territoire. Inverser cette tendance exige des efforts politiques considérables et des mesures structurelles audacieuses.
Conditions de logement inacceptables
Malgré une amélioration globale de la qualité des logements européens au cours des dernières décennies, de nombreuses personnes continuent de vivre dans des conditions inacceptables. L’insalubrité, le surpeuplement, la difficulté à maintenir des températures adéquates, l’exposition à des polluants, l’absence d’installations sanitaires, le risque d’incendie et d’effondrement demeurent une réalité quotidienne pour de nombreux Européens.
Facteurs contribuant à l’indignité du logement
Ce problème est le résultat d’une série de facteurs sociaux, économiques et politiques, notamment la précarisation des ménages modestes, la dérégulation du marché du logement, la spéculation immobilière, les politiques publiques défaillantes, les normes juridiques inadaptées et le parc de logements sociaux insuffisant ou délabré. Une partie de la population, faute de moyens ou d’offres sociales adéquates, se retrouve captive d’un marché locatif dégradé ou dans l’incapacité de rénover ses propriétés.
Impact de l’habitat indigne
L’indignité du logement est inégalement répartie en Europe en raison des disparités entre les parcs de logements nationaux. Dans certains pays, une proportion importante de la population vit dans des logements qui ne répondent pas aux normes moyennes d’habitabilité. L’habitat indigne a des conséquences graves sur la vie de ses occupants et de leur voisinage immédiat. Les manifestations les plus dramatiques sont les effondrements et les sinistres des bâtiments ayant entraîné le décès de leurs habitants. Deux cas récents ont particulièrement marqué l’imaginaire collectif européen : l’incendie de la Tour Grenfell à Londres en 2017 et l’effondrement des immeubles rue d’Aubagne à Marseille en 2018.
Solutions pour lutter contre l’habitat indigne
Globalement, l’habitat indigne participe à une forme d’exclusion sociale : les conditions de logement inadéquates privent les occupants d’opportunités sociales et économiques. Pour lutter efficacement contre l’habitat indigne en Europe, il est essentiel de soutenir financièrement les ménages à faibles revenus. Les transferts sociaux restent un levier important pour réduire les inégalités et endiguer le logement inadéquat. Cependant, les politiques axées sur la demande peuvent parfois répercuter les hausses des coûts du logement sur les loyers, ce qui peut être contre-productif.
Amélioration de la qualité du parc de logements
Les mesures spécifiques pour améliorer la qualité du parc de logements sont tout aussi essentielles. Il est nécessaire d’encourager la rénovation énergétique et l’amélioration des normes de qualité dans le secteur du logement. Cela peut inclure des incitations fiscales pour les propriétaires qui investissent dans des améliorations énergétiques, des subventions pour les ménages à faibles revenus pour les aider à rénover leurs logements, et des réglementations strictes en matière de logements insalubres.
Construction de logements sociaux abordables
Enfin, la création de logements sociaux abordables et de qualité reste un objectif clé pour résoudre la crise du logement. Les gouvernements doivent investir dans la construction de nouveaux logements sociaux et s’assurer que ces logements restent accessibles aux ménages à faibles revenus à long terme.
Conclusion
En conclusion, la crise du logement en Europe est un problème complexe qui touche de nombreuses facettes de la société, de l’économie à la santé en passant par la cohésion sociale. Les répercussions de la guerre en Ukraine ont exacerbé cette crise en augmentant les coûts de l’énergie et des denrées alimentaires, ce qui a pesé lourdement sur les populations vulnérables. L’accueil des réfugié·e·s ukrainien·ne·s a également mis en lumière les défis liés au logement en Europe, en particulier l’accès au logement pour les populations déplacées. Parallèlement, le fléau du sans-abrisme persiste dans de nombreux pays européens, et de nombreuses personnes vivent encore dans des logements insalubres, surpeuplés ou mal isolés. Les conséquences de l’indignité du logement sont graves, allant de problèmes de santé à l’exclusion sociale. Pour résoudre ces problèmes, il est nécessaire de mettre en œuvre une combinaison de politiques d’offre et de demande, de soutien financier aux ménages à faibles revenus, de rénovation du parc de logements et de construction de logements sociaux. Il est temps pour les gouvernements européens de prendre des mesures audacieuses pour garantir le droit fondamental au logement pour tous les citoyens, quel que soit leur statut économique ou leur origine.