—Par Roland Sabra—
Quand Georges Feydeau écrit en 1911 « Mais n’te promène donc pas toute nue » il est séparé de son épouse depuis deux ans Fatiguée des incartades de son époux, cocaïnomane avéré et bi-sexuel pratiquant, elle a pris un amant et Feydeau, dépité ou soulagé a quitté le domicile conjugal. Dés lors son écriture théâtrale va s’orienter vers une étude plus approfondie de la comédie de mœurs, genre dans le quel il va croquer avec férocité la médiocrité de la classe bourgeoise. L’argument de « Mais n’te promène donc pas toute nue » en témoigne.
« Le salon du députe Ventroux. Celui-ci reproche à sa femme de se montrer trop souvent en tenue légère devant leur fils ou devant Joseph, leur domestique.
Lorsque M. Hochepaix, maire de Moussillon-les-Indrets et adversaire politique de Ventroux, vient solliciter une faveur pour ses administrés, Clarisse apparaît encore dans la même tenue, provoquant à nouveau la fureur de son époux.
La jeune femme est piquée à la croupe par une guêpe. Persuadée que son cas est grave, elle prie son mari de bien vouloir sucer la plaie. Ce dernier s’y refuse. M. Hochepaix, sollicité à son tour, se dérobe également. On va donc faire appel à un médecin.
Sur ces entrefaites, on annonce la visite de Romain de Jaival, journaliste au
Figaro venu interviewer Ventroux. Celui-ci passe dans la pièce voisine afin d’y poursuivre son entretien avec M. Hochepaix et il demande au reporter
de bien vouloir patienter quelques minutes. Survient alors Clarisse qui, prenant Jaival pour le médecin, lui fait examiner l’endroit douloureux et extirper l’aiguillon.
Entrant à ce moment précis, Ventroux, indigné, repousse brutalement le journaliste dont il révèle l’identité à sa femme. Soudain il s’aperçoit que Clemenceau, son voisin, se trouve à sa fenêtre: il a assisté au spectacle et il ricane. « Ah! je suis foutu! ma carrière politique est dans l’eau! » s’exclame le parlementaire, pendant que Clarisse, avec une inconscience désarmante, adresse de petits saluts au tribun.(1)
La mise en scène de Jean Marzouk, que l’on retrouve dans le rôle principal est dans l’ensemble plutôt solide et fidèle à l’auteur, respectueuse entre autres des nombreuses didascalies qui encadrent le texte. La seule « modernité introduite consiste à changer quelques noms, Clémenceau devient ainsi Mélenchon, et Deschanel, Raffarin, au motif que personne aujourd’hui ne se souviendrait du Clémenceau tribun, quant à Deschanel il serait passé corps et âme aux oubliettes. Comme beaucoup de textes de Feydeau celui-ci sue la misogynie. Clarisse est une ingénue, écervelée, peu cultivée, mais comme beaucoup de personnages féminins de Feydeau, son caractère entier peu apte aux compromis, son refus des convenances bourgeoises et de l’hypocrisie sociale, sa dénonciation de l’abaissement moral des hommes prêts à tout pour sauvegarder les apparences la rendent plutôt sympathique. La misogynie chez Feydeau n’est pas au service de la glorification d’une image masculine, elle semble n’être qu’une variante d’une misanthropie désabusée et constitutive qu’une vie de noctambule triste n ‘égaiera jamais vraiment.
Lors de la première les comédiens couraient encore isolément après le texte, sans être tout à fait ensemble, petit défaut inhérent aux spectacles débutant, et qui devrait vite disparaître. La pièce est présentée pendant une huitaine de jours dans le cadre « Chefs d’oeuvre du théâtre du 27 juin au 27 octobre 2013. Au théâtre du Nord-Ouest, 13 rue du faubourg Montmartre 75009