Dans le pays, chercher à boire ou à manger est devenu un travail à plein temps. Un sport de combat qui étouffe les velléités de rébellion.
Elle s’est d’abord excusée de ne pouvoir nous recevoir chez elle, « à cause du rat ». Après deux semaines sans eau, les canalisations ont séché, et un rongeur y a fait son nid, privant Geraldine Montero de sommeil. La mère de 34 ans, webdesigner, qui refuse de révéler son vrai nom, de peur de s’attirer des représailles du gouvernement, habite sur les hauteurs de Caracas, dans le quartier de Catia, à l’ouest de la ville. « Je n’ai pas pu mettre de la mort-aux-rats, si jamais l’eau revenait tout serait contaminé ! », raconte-t-elle, encore effrayée.
Depuis 2015, les coupures d’eau sont incessantes à Caracas et dans le reste du Venezuela. Mais voilà quinze jours que l’eau ne monte plus du tout jusqu’à son domicile, ni jusqu’à celui des autres habitants du quartier. Pour boire, Geraldine remonte des bonbonnes d’eau qu’elle achète à prix d’or au marché.
Les plus démunis remplissent, eux, des réservoirs en plastique d’un liquide trouble issu d’un tuyau débouchant sur l’autoroute, plus bas dans la vallée. Pour se laver, tout le monde s’est converti au baño frances (« bain français »), c’est-à-dire une toilette de chat. « Maduro nous a renvoyés au Moyen Age », soupire-t-elle.
Dégradation vertigineuse des infrastructures
Le gouvernement de Nicolas Maduro, à la tête du pays depuis la mort d’Hugo Chavez, en 2013, a longtemps justifié les rationnements d’eau par la sécheresse ou le phénomène climatique El Niño. Mais, lorsque l’eau a complètement cessé d’abreuver les robinets, du fait des apagones, des black-out géants, le chef d’Etat devenu autocrate a parlé d’un « sabotage » des installations électriques orchestré par « l’impérialiste américain » visant, selon lui, à en finir avec la révolution bolivarienne qu’il prétend défendre. Les experts mentionnent, plus prosaïquement, la dégradation vertigineuse des infrastructures, faute d’entretien…
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