Le circuit Elysé à Madiana : palme d’or de l’incurie !

—Par Roland Sabra —

madiana_incurieCe n’est pas la première fois qu’une séance en V.O programmée à Madiana est annulée à la suite de l’incompétence des services de projection incapables de sélectionner le fichier VOST (Version Originale Sous-Titrée) dans le package numérique téléchargé. Hier soir la Palme d’Or du festival de Cannes 2016, Moi, Daniel Blake de l’immense Ken Loach annoncée en VO a été programmée en VF. Inadéquation entre les mouvements des lèvres et les mots sensés être dits, silence des comédiens, bouche cousue, au moment où ils parlent, traduction approximative pour limiter au possible ce décalage etc. On avait là tous les travers de la VF.

Devant le dol manifeste, cette tromperie sur la marchandise, des cris, des sifflets se font entendre. Des spectateurs se lèvent, vont protester auprès des guichetiers, qui n’en peuvent mais. L’un d’entre eux vient dans la salle, demande au public nombreux de bien vouloir attendre, promet un redémarrage du film en VO. Le film se poursuit en VF. Un quart d’heure plus tard nouvelle sortie de spectateurs courroucés. Pas de responsable dans le complexe cinématographique. Tentative de joindre untel au téléphone qui peut-être pourrait réparer. Ça sonne dans le vide, aux abonnés absents. Devant les protestations le film est interrompu. Nouvelle attente. Intervention d’un agent de sécurité qui annonce l’annulation de la séance et le remboursement des tickets. La salle se vide. Devant l’unique comptoir qui délivre des à-valoir la foule se presse. Une partie d’entre elle, bonne fille demande une reprise de la projection en français ! On la lui accorde !

Ainsi va l’incurie des responsables du circuit Elysé, pour ne pas dire la morgue, le mépris  à peine dissimulé à l’égard des spectateurs. Qu’ils soient encouragés dans ce faire par une partie moutonnière du public en dit long sur le respect voué à l’Autorité, aux autorités quelles qu’elles soient, dans ce beau pays.

Les séances en VO relèvent en fait d’une double programmation. L’une de Tropiques-Atrium et l’autre du circuit Elysé, sans que l’on sache très bien ce qui relève de l’un et de l’autre. On le découvre en début de séance. La présence de Steeve Zébina marque la séance du sceau de Tropiques-Atrium. Ce n’est donc qu’une fois dans la salle que l’on découvre de façon indirecte de quelle instance relève le film annoncé. Confusion entretenue par Madiana qui dans ses prospectus ou sur son site s’abstient bien évidemment de différencier l’origine de la programmation ou alors ment effrontément en attribuant au CMAC ( sic !) l’idée du film. Le nom du CMAC n’apparaît plus aujourd’hui que dans la rubrique judiciaire mais Elysé ne semble pas le savoir. Moi, Daniel Blake a donc été attribué au CMAC (re-sic!) tout comme Le pape François prévu pour le dimanche 20 novembre 2016 ( voir ci-dessous). Le film, qui fait silence total sur le rôle du Cardinal Jorge Mario Bergoglio durant  la dictature argentine,  est une  hagiographie qui présente le pape comme, ni plus ni moins, qu’une réincarnation du Christ!

Le côté cul béni de la direction du circuit Elysé, très absorbée semble-t-il par le Réveil chrétien, essaierait-il d’endormir la vigilance des cinéphiles en faisant passer des grenouilles de bénitier pour des canards sauvages ?

D’une façon plus générale c’est bien la question de la déportation des activités de la Scène nationale dans un circuit privé, obsédé par la rentabilité financière et peu soucieux de la vraie qualité des films qui pose problème. Les films à l’affiche dans leur ensemble balancent entre nanars de troisième zone et sous-merdes popcornisées. Pour qui en doute on rappellera que la Palme d’Or de cette année n’était programmée qu’à une seule séance ! Après avoir contraint à la fermeture les cinémas de communes, le monopole éhonté dont dispose le circuit Elysé sur la programmation le dispense de toute politique culturelle digne de ce nom.

Il est grand temps que cette délégation de service publique au privé qui n’ose dire son nom prenne fin. Elle porte préjudice aux spectateurs et à l’image même de Tropiques-Atrium qui se trouve récupérée, utilisée et noyée dans un flot programmatique fort éloigné de ce que sont les obligations d’une scène nationale. Le minimum d’honnêteté intellectuelle exige que dans un premier temps apparaisse très clairement ce qui relève de Tropiques-Atrium et de ce qui relève du circuit Elysé. Dans un second temps il faut envisager le rapatriement des séances dans la salle Frantz Fanon. Il est vrai que cette salle est inconfortable, que les dossiers des sièges sont à angle droit, qu’elle n’est pas encore équipée pour des projections en numérique, que le stationnement n’est pas toujours facile, qu’en la matière tous les engagements pris par les inttutions voisines n’ont pas été respectés, tout comme il est vrai que la déportation des séances a permis de toucher un public plus large. Mais il est temps que les cinéphiles de Tropiques-Atrium assument leur identité de façon pleine et entière, qu’ils s’autonomisent, qu’ils deviennent indépendants et que les problèmes matériels qui subsistent soient pris en charge. En un mot que les tutelles de la Scène nationale se bougent le… tempérament!

Fort-de-France,

le 09/11/2011

R.S.

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