— Par Yves-Léopold Monthieux —
Je vous adresse une communication en deux parties que j’ai fait paraître sur mon mur facebook les 9 et 10 janvier 2017. Au moment où j’écris ce courrier, les deux textes ont été lus respectivement 201733 et 201716 fois. Ils m’ont été inspirés par trois idées.
La première est que la ligne de partage gauche-droite est obsolète (c’est manifeste en Martinique) et que s’y accrocher relève d’une forme de conservatisme voire de paresse. C’est ainsi que le repli identitaire remplit le vide de la pensée politique avec ses relents d’ostracisme et de xénophobie. Ce recul est classé à l’extrême-droite en métropole, à gauche en Martinique, preuve de la vacuité de ces notions.
Deuxième idée : la 5ème république est sur le point d’atteindre le record de longévité détenu par la 3ème république, 70 ans. Or elle s’essouffle : les modifications qui lui ont été apportées, le retour de la prépondérance des partis politiques ainsi que la détérioration des mœurs et des pratiques en ont altéré l’esprit et l’efficacité.
Troisième idée : au moment où des phénomènes politiques bousculent l’Europe et l’équilibre du monde, il m’est apparu que la France ne pouvait pas demeurer quasiment le seul pays occidental où il ne se passerait rien d’important au plan de son organisation politique. Sauf qu’en France les crises se terminent souvent par un changement de république.
Ylm Monthieux·lundi 9 janvier 201733 lectures sur le NET
« 1) Certains observateurs dénient à Emmanuel Macron le droit de dénoncer le système parce qu’il en fait partie. C’est comme si on déniait aux indépendantistes martiniquais le droit de se faire élire députés. Dans l’histoire la plupart de ceux qui ont voulu changer l’ordre établi en avaient fait partie eux-mêmes. Marx était un bourgeois, de même que Fidel Castro. Tandis que Mitterrand avait fricoté avec Touvier et d’autres. Devenu président de la République, il a fait voter l’abolition de la peine de mort alors qu’en sa qualité de ministre des colonies, il avait donné des avis défavorables à des demandes de grâce sollicités pour des condamnés à la peine capitale.
2) Beaucoup de Français estiment que la remise en cause du système est inéluctable, et la jugent souhaitable. C’est mon point de vue. Inévitablement, un jour ou l’autre, l’un d’entre eux sera capable la mener à bout. Ce ne sera peut-être pas Macron, mais ce sera un homme, comme lui, qui NE VIENDRA PAS DE NULLE PART. Celui-ci aura auparavant occupé une haute fonction publique (issu donc du fameux système). Deux hommes politiques ont été avant lui banquiers chez Rothschild : Georges Pompidou, ancien président de la république, et Henri Emmanuelli, actuel dignitaire du parti socialiste.
3) Emmanuel Macron a été comparé à Marine Le Pen pour signifier que les deux seraient dans l’incapacité d’obtenir une majorité politique pour gouverner la France. Cette comparaison paraît infondée s’il est vrai que si la diabolisation du Front national continue au plan de la représentation nationale, du moins dans les postures, il n’en est rien en ce qui concerne Emmanuel Macron. Des cohortes de députés ne manqueraient pas de se jeter dans les bras du nouveau président. S’il est élu, celui-ci permettrait sans doute, enfin, à des élus de droite et de gauche de collaborer au sein d’un même gouvernement, dans l’attente d’un clivage politique autre que le désuet “droite-gauche”.
4) Précisément, certains refusent le label de “gauche” à Macron parce qu’il est issu de la banque et qu’il serait riche. C’est absurde. La majorité des magnats de la presse française est de gauche tandis que c’est la gauche “bobo” parisienne qui détermine la politique de la gauche française, en se tenant méticuleusement éloignés des pauvres des banlieues ».
Macron aura-t-il un destin national ? (Suite)
Ylm Monthieux·mardi 10 janvier 201716 lectures
“Et voilà que Monthieux compare Macron à de Gaulle”, se disent certains. C’est facile, ça frappe les esprits et ça évite d’aller au fond des choses. On le sait, l’histoire se répète parfois mais jamais dans les mêmes termes. Il ne faudrait donc pas prendre à la lettre l’expression « Discours de Bayeux » (évoqué dans la discussion sur le net). Il n’y aura toujours qu’un seul Charles de Gaulle, celui qui était tant décrié à la Martinique. Le « discours » fait référence à une vision des institutions qui a donné naissance à la 5ème république. Il avait été prononcé au cours d’une période d’instabilité politique et de manque de confiance, un peu comme aujourd’hui. Par un homme qui n’était pas d’un parti politique, comme Macron.
De Gaulle avait proféré son adresse aux hommes de la finance alors qu’il était au pouvoir, pas avant. « La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille », disait-il, une fois élu. De même, le général s’était écrié « vive l’Algérie française » pour proclamer plus tard, lorsque les circonstances allaient le permettre : « le sort des Algériens appartient aux Algériens ». Puis, en homme d’Etat, contre vents et marées (OAS, Droite et y compris parfois la gauche classique) il signa les accords d’Evian mettant fin à la guerre d’Algérie, laquelle avait commencé sous la gauche « historique » dont on se rappelle l’intransigeance coloniale. Personne ne pensait alors qu’un général se désolidariserait des autres généraux qu’il a fait condamner à mort, l’un d’eux ayant été exécuté. Alors Emmanuel Macron missionné par le grand capital, etc… c’est facile, mais quelles preuves ?
Plus généralement, la vie institutionnelle française avance par à coups : révolutions, coups d’Etat, guerres. Cinq républiques, c’est unique pour un grand pays démocratique. C’est pourquoi le professeur Maurice Duverger avait intitulé son cours de Droit constitutionnel par quelque chose comme « L’inexpérience constitutionnelle de la France ». Ces républiques ont été entrecoupées par l’épopée napoléonienne et des soubresauts de la royauté qui font que, depuis 1789, la France a connu près d’une dizaine de pratiques ou écritures constitutionnelles différentes. On voit bien qu’une 6ème République est inévitable mais laquelle ? Si la France est en crise, seule une circonstance exceptionnellement grave paraît devoir, comme par le passé, conduire à la rédaction d’une nouvelle constitution, laquelle devrait en toute hypothèse conserver l’élection présidentielle au suffrage universel.
Cette circonstance pourrait être l’élection de Marine Le Pen qui serait susceptible d’entraîner des accrocs majeurs au fonctionnement régulier des institutions.
C’est dans ces cas de figure que les hommes providentiels apparaissent. Si Emmanuel Macron devient prochainement président et que la République « tombe » avec lui, il pourrait disparaître de la vie politique en qualité de dernier président de la Cinquième. S’il perd honorablement et refuse, par exemple, de devenir député (ce qui confirmerait son refus d’entrer sinon de demeurer dans le système) il pourrait prétendre à être un recours, le moment venu. Lors du petit séisme provoqué par le départ du président Charles de Gaulle, en 1969, Georges Pompidou était prêt à lui succéder. Il avait, au grand dam du général, fait son « appel de Rome » : « J’aurai, si Dieu le veut, un destin national ».
Texte reproduits le 27 février 2017
Yves-Léopold Monthieux