Le Comité Devoir de Mémoire, se doit de réagir devant un événement passé le 15 Août dernier, lors de la fête patronale de Case Pilote. Monsieur Alain Huygues Despointes a été mis à l’honneur et médaillé, en présence de plusieurs personnalités politiques.
En 2009, suite au reportage diffusé sur Canal+ « Les Derniers Maîtres de la Martinique », Monsieur Huygues Despointes a été traduit en Justice pour des propos infamants, à caractère racistes qui ne peuvent être oubliés :
….. « Dans les familles métissées, les enfants sont de couleurs différentes, il n’y a pas d’harmonie. Moi, je ne trouve pas ça bien. Nous (ndlr : les Békés), on a voulu préserver la race » « Les historiens ne parlent que des aspects négatifs de l’esclavage et c’est regrettable » …… « Les bons côtés de l’esclavage et les colons qui étaient très humains avec leurs esclaves, qui les ont affranchis et qui leur donnaient la possibilité d’avoir un métier ».
Propos qui, dans un élan de spontanéité, traduisait le cœur de sa pensée.
Ces propos, dans notre société, avec son histoire esclavagiste et la monstrueuse infériorisation de l’homme noir qu’elle a engendrée ne peuvent être banalisés, voir oubliés !
Or, non seulement ils le sont, mais pour des raisons encore obscures, M. Huygues Despointes, se voit félicité pour sa vie exemplaire, lavé de toute opprobre, honoré et médaillé. Une telle attitude est lourde de sens pour ceux qui la cautionnent. Dans un pays en perte de valeurs, à la recherche de repères, c’est le signe, donné par des responsables politiques que tout peut se faire, se dire, que tout est acceptable.
Nous ne devons pas cultiver la haine, bien évidemment, que nous devions œuvrer à ce que les différentes composantes, partout multiples, dans nos sociétés mondialisées, travaillent à vivre ensemble dans le respect mutuel, tombe sous le sens !
Prôner la réconciliation, entre les composantes de la société martiniquaise, békés inclus avec qui nous vivons sur le même sol depuis plus de 300 ans sans jamais se confondre, est bien sûr nécessaire, pour une société apaisée, Césaire nous y invite par ce geste symbolique, en plantant un arbre en compagnie de Bernard Hayot…
Mais prôner la réconciliation n’implique pas d’accepter l’inacceptable :
Les bienfaits de l’esclavage, et la supériorité de la race de ceux qui nous ont avili pendant 300 ans.
« On a voulu préserver la « race » …
Monsieur Huygues Despointes veut nous expliquer la politique d ‘ « eugénisme » des Békés.
Qu’un homme quel qu’il soit, blanc, nègre, béké, s’enorgueillisse de propos outranciers, racistes, qui blessent profondément non seulement la mémoire, mais l’être humain, n’en fait certes pas le porte-parole de son groupe, son clan, sa communauté… Les propos de M. Despointes, n’engagent vraisemblablement que lui, mais doivent être entendus comme tels et réprouvés par l’ensemble de la société comme allant à l’encontre de simple valeur de respect et d’humanisme.
Lorsque de façon volontaire, ostensible, quelques personnes représentatives, semble-t-il au nom de tous, choisissent d’ignorer cette ignominie, pas seulement de pardonner, d’oublier, mais de féliciter, d’honorer, cela devient proprement inacceptable, et ne peut que jeter le désarroi et le trouble dans la conscience du plus grand nombre.
Nous sommes dans une confusion totale des repères et des valeurs qui doivent structurer une société, confusion entretenue par des politiques pour des raisons incompréhensibles, ou inavouables.
M. Despointes n’a pas été condamné par la justice, soit ! M. Sarkozy non plus, lorsqu’il s’est permis de parler des « bienfaits de la colonisation » alors qu’il était président ! Ces propos même venant d’un Président de la République restent condamnables.
Est-ce pour autant acceptable ?
Doit-on honorer de telles injures à la mémoire dont nous sommes faits ?
Les mots blessent plus profondément et plus durablement que les actes.
Une telle légèreté, de la part de personnes élues par toutes les composantes du peuple martiniquais en fait, égare le peuple, et ne participe pas à son émancipation mais davantage à son aliénation.
Comité Devoir de Mémoire
Fort-de-France, le 26 août 2016.
BP 1196 – 97249 fort de France Cedex
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