— Par Irene Bonnaud, Véronique Timsit, Samuel Churin, Nicolas Bouchaud Pour la Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France —
Dans la nuit du 21 mars, un accord Unedic a été conclu en quinze minutes après onze heures de suspension de séance et de conciliabules de couloir. Alors que le chômage touche des millions de personnes, comment est-il possible que les règles de son indemnisation soient dictées dans les locaux du Medef, sans aucun contrôle démocratique, sans vraies négociations, sans droit de regard ni de la représentation nationale ni des principaux concernés ?
Ces vingt-cinq dernières années, le Medef et la CFDT ont régné sur la direction de l’Unedic. Résultat : 6 chômeurs sur 10 en France ne sont pas indemnisés. Réforme après réforme, on limite les dépenses en cessant d’indemniser une partie des allocataires. Les économies sont faites sur le dos des pauvres, priés de devenir encore plus pauvres.
EN PERIODE DE CRISE, C’EST UN MASSACRE
Aujourd’hui, l’annexe 4 est vidée de son contenu : pour plus de 70% des intérimaires, c’est une baisse de revenu qui atteindra en moyenne 300 euros par mois. Autres victimes de l’accord, les « chômeurs à activité à temps réduit », les chômeurs âgés, toujours les plus fragiles dont on croit le pouvoir de nuisance médiatique presque nul. Pour les intermittents, l’accord reprend l’ensemble du texte désastreux de 2003 et l’aggrave. Ce sont plus que jamais les nombreux exclus du régime qui paieront les assedics des rares salariés à hauts revenus. Au final, 400 millions d’euros d’économies sur le dos des chômeurs et des précaires. En période de crise, c’est un massacre.
Pourtant, malgré les chiffres catastrophiques du chômage, le montant global des cotisations est toujours supérieur aux indemnités versées. En 2011, le solde entre cotisations et versements était positif de 4,5 milliards d’euros. Mais les 6 milliards engloutis par l’Unedic et Pôle emploi en frais de gestion ont entraîné un déficit d’1,5 milliard.
Pourquoi n’examine-t-on jamais ce coût de fonctionnement ? Combien coûtent les entreprises d’audit et de coaching censées contribuer à l’employabilité des chômeurs ? Combien de millions dépensés pour contrôler, culpabiliser, obliger les chômeurs à chercher activement des emplois qui n’existent pas ? Pourquoi l’immolation par le feu de Djamal Chaar devant une agence de Nantes le 13 février 2013 ?
L’UNEDIC NE DEFEND PLUS LES PLUS EN DIFFICULTES
La gestion paritaire de l’Unedic serait devenue un « système quasi mafieux » où il n’est plus question de défendre les principaux concernés. Les syndicats patronaux ont refusé toute hausse des cotisations, sauf dans le secteur du spectacle dont les employeurs ne sont pas représentés à la table des négociations. Les compagnies de théâtre et maisons de production de l’audiovisuel indépendant subiront de plein fouet cette mesure dont le gain pour le budget de l’Unedic sera négligeable. Quant au syndicat FO, on se demande combien d’emplois réservés on lui a laissé entrevoir pour qu’il signe un accord opposé à ce qu’il a toujours défendu.
Comment ce paritarisme à la dérive parvient-il à imposer ses coups de force sans provoquer une révolte générale ? Par de pures campagnes de propagande. Rappelons que l’auteur des rapports de la Cour des comptes sur l’intermittence est Michel de Virville, un ancien cadre du Medef, président de l’Unedic poussé à la démission pour « affaires ». Ces « experts » communiquent sur un pseudo déficit et désignent ensuite un bouc-émissaire, celui qui coûte trop cher. Quand on sait que les 110 000 intermittents du spectacle ne représentent que 3,5% des chômeurs indemnisés et 3,4 % des dépenses de l’Unedic, on voit que l’accusation est grotesque, qu’il s’agit d’un projet idéologique. Comme l’a un jour affirmé un de leurs représentants : « L’important n’est pas que ce soit vrai, l’important c’est que tout le monde le croit. »
Pourquoi le Medef prend-il pour cibles les intermittents, si peu nombreux, les intérimaires, si précaires ? Parce que les annexes 4, 8 et 10 de l’assurance-chômage faisaient partie des rares dispositifs de protection sociale pensés pour l’emploi discontinu. Aujourd’hui 86% des embauches se font en CDD, il y a des millions de salariés pauvres ou à temps partiel. Le Medef ne veut pas que le régime des intermittents du spectacle ou des intérimaires servent de modèle aux autres : il s’agit d’empêcher à tout prix les précaires de réclamer des droits sociaux en échange de l’hyper-flexibilité voulue par leurs employeurs. On procède à des licenciements massifs et dans le même temps on détruit les droits de ceux qui les subissent.
NE PAS COURIR APRÈS LE MODÈLE ALLEMAND
La Coordination des intermittents et précaires a élaboré des contre-propositions pour tous les intermittents de l’emploi. Notre slogan de 2003 : « Ce que nous défendons, nous le défendons pour tous » est devenu une évidence. Défendre les régimes d’indemnisation qui assurent une continuité de revenu face à la discontinuité de l’emploi, c’est défendre l’ensemble des salariés.
Après le désaveu des municipales, le nouveau gouvernement est confronté à un choix historique : rester au service des stratégies néolibérales, courir après le modèle allemand du plein emploi sous-payé, avec ses « petits boulots en-dessous du smic » chers à Pascal Lamy, ou opter pour une autre société que celle de la pauvreté et de la précarité de masse, pour une solidarité permettant de vivre au présent et de penser le futur.
Le comité de suivi sur l’intermittence réunissant députés, sénateurs et des représentants des employeurs et salariés du secteur culturel a élaboré des propositions justes, adaptées et plus économiques. Le nouveau ministre du travail, François Rebsamen, a soutenu toutes ces mesures en signant tribune rendue publique le 9 mars. Comment pourrait-il agréer un accord qui ne reprend aucune de ses préconisations ?
Irene Bonnaud, Véronique Timsit, Samuel Churin, Nicolas Bouchaud Pour la Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France