Paris – Sa première barre a été dans un studio du Caire, entouré de filles. Malgré une formation tardive et les préjugés, Luca Abdel-Nour est devenu le premier Egyptien primé à un prestigieux concours de ballet à Lausanne et aimerait inspirer d’autres garçons du Moyen-Orient.
A 17 ans, le danseur, également français par sa mère et formé ces trois dernières années à la Zurich Dance Academy, est sur un petit nuage depuis février: au Prix de Lausanne, exigeante compétition annuelle internationale, il a raflé le deuxième prix, le prix du public et le prix du meilleur candidat suisse.
« Quand ils ont révélé le nom des finalistes, je ne pouvais pas y croire, j’ai éclaté en sanglots« , raconte-t-il à l’AFP. A l’annonce des résultats, qui s’est faite en ligne tout comme le concours pour cause de pandémie, « ça a été un choc, un très beau choc; je ne m’attendais à en arriver là« .
Déjà embauché par une compagnie dont il ne peut encore révéler le nom, il n’en revient toujours pas d’avoir reçu des textos de félicitations de danseurs qu’il admirait sur des vidéos quand il était enfant.
– « C’était pour les filles » –
ans son pays d’origine, son succès a généré beaucoup de réactions sur les réseaux sociaux, certains se disant fiers de lui, d’autres se montrant sarcastiques, voire agressifs.
« Il y a bien sûr des commentaires négatifs, mais il y a beaucoup de gens qui m’ont vraiment soutenu et affirmé que je les ai inspirés à faire du ballet dans une société où ce n’est pas vraiment encouragé« , dit-il.
Son amour pour la danse remonte au temps où cet élève de l’Ecole Oasis Internationale participait chaque année à un spectacle dans cet établissement du Caire, avant d’être formé au ballet jazz, au contemporain et au hip-hop.
C’est vers 12 ans, à l’occasion du stage international de Châteauroux, en France, qu’il se fait remarquer. « Un prof m’a dit qu’il fallait absolument que je fasse du ballet parce que j’avais beaucoup de potentiel. Ma réaction initiale était que je ne voulais pas car je pensais que c’était pour les filles« , se rappelle le jeune danseur qui a trois soeurs.
Sa mère l’encourage jusqu’à ce qu’il décide de franchir le pas. Initié dans plusieurs studios du Caire, il est pris en charge par deux étoiles du Ballet du Caire, Ahmed Yehia et Anja Ahcin, dans leur école de danse, Premier Ballet Academy.
« Ils étaient exigeants, me répétaient que le ballet était une chose sérieuse, que ce n’était pas un métier facile, me mettant ainsi devant la réalité des choses« , souligne-t-il.
Pas évident pour un petit garçon, alors que les préjugés sur les danseurs classiques masculins persistent même dans les pays occidentaux.
« J’étais entouré de petites filles et il y en avait beaucoup« , se rappelle-t-il.
A l’école, ses camarades de classe étaient au courant. « J’en parlais ouvertement, je me faisais traiter de tous les noms mais je m’en moquais. Je leur disais +vous faites votre truc, je fais le mien« .
– Reprendre la technique de zéro –
Au Caire, où il s’entraînait deux fois par semaine, il savait qu’il était « en retard » par rapport à d’autres enfants qui embrassent cette vocation parfois dès l’âge de 8 ans, avec des cours quotidiens.
Un besoin de formation intensive qui l’emmènera en Europe à l’âge de 14 ans. Ses parents, au départ inquiets, le soutiennent. Il participe à une compétition en Italie, reçoit une bourse d’un an à Budapest avant d’atterrir à Zurich où il reprend toute la technique de zéro, se donne à fond et est blessé aux jambes la première année.
La directrice du Ballet du Caire, Erminia Kamel, a affirmé à l’AFP être « fière » de lui et veut l’inviter à se produire dans le pays.
Lui aimerait « inspirer d’autres garçons à faire du ballet s’ils le souhaitaient, qu’ils viennent d’Europe ou du Moyen-Orient« .
« Et leurs parents devraient les soutenir tout comme ils le feraient si leurs enfants voulaient faire du foot« , assure-t-il.
Source : AFP