— Par Michel Tondellier —
Le 18 février, plusieurs organisations syndicales publiaient en urgence un commu- niqué de presse visant à alerter la communauté universitaire, les élus et la populations sur les risques que faisait courir à la future Université des Antilles le vote de transformation de l’UAG en UA, plus un mois et demi après la création officielle de l’Université de Guyane. L’introduction d’amendements de dernière minute à propos desquels personne n’avait été informé était de nature à susciter nos pires craintes. Les débats du lendemain au sein de l’hémicycle de l’Assemblée nationale ont démontré que la vérité dépassait largement ces craintes…
Que s’est-il passé à Paris en janvier-février ? Un travail de veille syndicale mené sur le suivi de cette loi avait permis de « débusquer » une série d’amendements déposés à la faveur de l’article 88 du Règlement de l’Assemblée. Autrement dit, alors que le texte de loi qui avait été validé à l’unanimité par le Sénat puis par la commission des affaires culturelles et éducatives n’attendait plus que le vote des parlementai- res de l’Assemblée nationale pour créer – enfin! – l’Université des Antilles, le gouvernement et plusieurs hommes politiques ayant des intérêts aux Antilles ont déposé des amendements de nature à modifier de façon significative les conséquences du texte pour le futur établissement… au risque de retarder la transformation de l’établissement. Les amendements déposés par les parlementaires ont été étudiés dans le cadre de la procédure accélérée le 18 février au matin en commission. Ils ont été à une très lourde majorité, pour ne pas dire sèchement, rejetés. La loi pouvait donc être votée et l’université créée dans la foulée permettant ainsi de rompre près de deux ans d’instabilité institutionnelle.
Nuitamment, un revirement…
Alors que la loi bénéficiait d’une unanimité sénatoriale et au sein de la Commission parlementaire, elle est attaquée par une fronde du gouvernement et par des parlementaires ultra-marins proches de celui-ci. Les amendements retoqués en commission la veille sont réintroduits par le gouvernement en cours de séance.
Les amendements Lurel et gouvernementaux empruntaient peu ou prou les mêmes termes. Ils portaient : ?-sur les critères de répartition des crédits budgétaires entre les deux pôles. Il s’agissait d’inscrire dans la loi, les critères permettant de ventiler les crédits de l’État entre les deux pôles ;-sur les modalités d’élection de la présidence de l’université et des vice-présidences de pôle. Le Sénat, auteur d’un volumineux rapport sur le fonctionnement de notre établissement, a proposé un amendement à l’ordonnance proposant non pas une élection des VP par Pôle en amont de l’élection de la présidence, mais une élection coordonnée d’une équipe, Présidence + les deux VP, de façon à assurer à l’établissement un projet commun et favoriser la stabilité de la gouvernance. Des tensions polaires passées était tiré l’enseignement de la nécessité d’un engagement commun évitant à la présidence d’être appelée à travailler dès son élection dans le cadre d’une « cohabitation » . C’est cette proposition du Sénat, introduite dans la nouvelle loi, validée à deux reprises par la commission des Affaires culturelles que l’on désigne communément « ticket à trois » .
L’amendement portant sur la répartition des crédits est rejeté par une coalition relativement inédite de parlementaires (UMP, PS, RDG, PC) qui dénonce une tentative du président de Région Guadeloupe – présent et votant au titre de son mandat parlementaire – d’imposer à l’établissement une clé de répartition des budgets favorable à son pôle au risque de laisser exsangue le Pôle Martinique. Le rejet de cet amendement était donc conforme aux prescriptions du Sénat et de la Commission.
L’amendement visant la suppression du « ticket à trois » a par contre été lui adopté malgré la même opposition des parlementaires de UMP, PS, RDG et PC. Il l’a été de quelques voix venues gonfler le nombre de votants par un de ces moments curieux que nous réserve l’exercice démocratique français. Les orateurs se sont succédés à la tribune pour fustiger cet amendement puis Patrick Bloche, député PS et président de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée prend longuement la parole pour expliquer que finalement le législateur est placé en position d’incertitude… La manoeuvre est dila- toire… M. Bloche ne peut pas désavouer publiquement le rapporteur de la loi et les travaux de la commission qu’il préside, il ne peut pas non plus ne pas soutenir le gouvernement. Pris en tenaille, il pavoise le temps pour les présents de jouer du portable et joindre des collègues éventuellement présents dans leurs bureaux et dans les couloirs pour faire basculer le vote. C’est ce qui s’est passé. (…)
Quelles conséquences concrètes de ce fait d’arme?
La promulgation de la loi de transformation de l’UAG en UA est retardée. Alors qu’aux Antilles deux pôles universitaires ne savent plus quel est leur nom depuis la création de l’Université de Guyane (soit un mois et demi), l’inconséquence gouvernementale et de certains parlementaires mettent une nouvelle fois en danger le fonctionnement d’établissement déjà passablement éprouvé au moment où celui-ci travaille sur son budget, où des dépenses doivent être engagées, etc. L’introduction d’un amendement appelle à emprunter un nouveau circuit législatif.
La tentative d’inscrire dans la loi des clés de répartition des crédits en faveur d’un pôle ou d’un autre, est en totale contradiction avec les principes d’autonomie des universités. Le législateur figerait ainsi les modalités de répartition des crédits, amputant ainsi les prérogatives du conseil d’administration de l’établissement. Cette tentative, portée par V. Lurel et le Gouvernement, n’est pas de nature à favoriser un apaisement des relations interpolaires (…)
Les mêmes ferments de division sont contenus dans l’opposition du gouvernement au « Ticket à trois » . L’introduction de cet amendement a été de nature à noyer le débat, chacun arguant de l’intérêt des étudiants alors que le jeu autour des modalités de désignation de la présidence et des VP est clairement un jeu et un enjeu de pouvoir. Qu’est-ce qui gêne ainsi le gouvernement et les élus locaux dans l’idée d’un « ticket à trois » ? La réponse est sans doute à chercher dans l’adage selon lequel il faut diviser pour mieux régner. Cet amendement doit être dénoncé comme étant de nature à favoriser la division des pôles.
Pour le SNESUP-FSU Michel Tondellier