— Par Eric Picot, pour l’association Baie des Princes —
La fermeture de l’hôtel Le Marouba du Carbet le 31 mai dernier suite à la liquidation par le Tribunal mixte de commerce de Fort-de-France prononcée le 12 mai renvoie le Nord de la Martinique à ses réalités historiques, économiques et sociales : ce territoire n’a jamais connu le développement qu’on lui promet depuis longtemps et qu’il attend encore. Seule entreprise importante dans ce secteur, cet hôtel de 134 chambres emploie 51 salariés et sa fermeture laissera 51 familles sur le carreau.
Comment en est-on arrivé là ? Que se passera-t-il maintenant ? De quoi sera fait demain ? Comment allons-nous vivre ? Qu’allons-nous devenir ?
Ces questions légitimes sont posées par les salariés qui risquent de perdre leur emploi et par leurs familles. Mais elles interpellent tout le Nord, dont une grande partie de la population pense dorénavant que son territoire n’a pas de chance et qu’il est victime de la fatalité. La réalité est inverse : le Nord est la chance de la Martinique, le Nord est l’avenir de la Martinique ! Ce territoire est porteur de nombreux projets, qui visent tous les mêmes objectifs : valoriser les hommes et les patrimoines martiniquais, créer des activités pérennes et lucratives, améliorer la situation économique, sociale et l’image de la Martinique.
Prévu à la Pointe Melon au Robert, le Centre caribéen de la mer (CCM) végète depuis treize ans. C’est pourtant un projet assurément attractif pour un territoire à vocation touristique : c’est le seul équipement capable de recevoir des touristes tout au long de l’année, y compris pendant les périodes de fortes pluies, et de leur proposer un grand nombre d’activités capables de leur faire apprécier leur séjour, malgré les aléas climatiques. Porté par Cap Nord Martinique, soutenu par l’Europe, la Métropole et la Région Martinique, il marque malgré tout le pas, par manque d’ambition et de financements. Et pourtant, projet original et innovant, il est capable à lui tout seul de redynamiser l’économie de tout le Nord atlantique. Véritable moteur de développement durable et solidaire, il peut contribuer au rééquilibrage économique entre le Nord et le Sud. Ce projet ambitieux se singularise par une activité phare « le voyage sous la mer des Antilles » composée entre autres d’aquariums géants et d’un musée de la mer, autour desquels graviteront des activités ludiques, sportives, scientifiques et commerciales. Il véhicule un discours volontaire et pédagogique tourné vers l’avenir : la gestion intégrée des zones côtières ; tout en mettant en valeur la culture antillaise traditionnelle à travers son patrimoine marin et sous-marin (or bleu). Les études de faisabilité juridique et économique et de pré-programmation réalisées en 2002, ont conclu qu’une volonté politique forte et dynamique et l’adhésion du plus grand nombre de partenaires peuvent faire du Centre caribéen de la mer un équipement structurant attractif rayonnant sur toute la Caraïbe et économiquement viable. Prévu pour être inauguré fin 2014, il n’a pourtant toujours pas abouti.
Où est le problème ?
Un second projet vise à promouvoir le patrimoine écologique (or vert) de la Martinique. Il s’agit du complexe éco-touristique, « Baie des Princes », projeté au Prêcheur. En gestation depuis janvier 2010, il représente la meilleure opportunité de développement économique du Nord et de la Martinique. C’est un projet ambitieux : entre 400 et 500 millions d’euros d’investissements ; 500 lodges et chambres d’hôtel traditionnel ; des équipements structurants répartis autour de 6 pôles (Hébergement, Jeunesse, Sports, Séniors, Santé, Cuisines internationales) et un palais des congrès de 1000 places ; plus de 500 emplois directs listés pour une masse salariale supérieure à 25 M€. Il ne s’agit pas là d’un rêve éveillé mais du résultat de trois années d’études de conception avec l’aide d’un des plus grands cabinets d’architecture spécialisé dans le Développement Durable et de deux années d’analyses financières. Ces études ont précisé les principales qualités de ce projet : une conception entièrement orientée vers le Développement Durable, l’Autonomie énergétique, la Qualité déclinée dans toutes ses composantes ; la valorisation du potentiel humain en et hors de la Martinique, la valorisation des patrimoines éco-touristique, agricole, artisanal industriel et des paysages martiniquais ; un produit haut de gamme capable de véhiculer au niveau mondial une image positive de la Martinique. Pour les spécialistes du bien-être, c’est une arme anti-burnout dans une société sur-stressée.
La présentation du projet aux différents Responsables nationaux et locaux a démontré qu’il est favorablement perçu, même si quelques réserves ont été émises. Le Secrétaire Général de la préfecture de Martinique l’a accueilli positivement et proposé plusieurs idées pertinentes pour renforcer son attractivité ; agréablement impressionné mais professionnel de l’aménagement, le Président de la Région Martinique a suggéré de revoir l’adéquation des volumes au potentiel commercial pour éviter tout sur-dimensionnement inutile. Gestionnaire de collectivité, il estime que le coût serait relativement faible si tous les équipements et tous les emplois étaient effectivement créés. Séduit, Il a saisi Martinique Invest, la société qui recherche des investisseurs extérieurs pour le compte de la Région et des trois intercommunalités ; la gouvernance de Cap Nord trouve le projet pertinent pour le développement économique du Nord et croit en son pouvoir attractif. Elle souhaite une répartition des équipements sur plusieurs communes de l’espace communautaire. Le Président s’est attaché à défendre l’intérêt des consommateurs martiniquais, suggérant une modulation des tarifs pendant les périodes creuses pour favoriser l’accès à la clientèle locale ; le maire du Prêcheur ne semble pas favorable au projet à cause des volumes qu’il estime trop importants. Néanmoins, il attend de recevoir le dossier officiel de demande du permis de construire avant d’adopter une position définitive. Il a cependant marqué un grand intérêt pour le pôle Santé, en particulier le centre de recherche sur les maladies dégénératives, qui recèle un important potentiel d’applications biotechnologiques ; la Commissaire à la vie des entreprises et au développement productif (collaboratrice du Préfet de Région) suit la même ligne ; deux Elus martiniquais sont allés jusqu’à manifester leur admiration. Les personnalités sollicitées au plan national l’ont accueilli favorablement et attendent l’engagement des Responsables locaux pour mettre en œuvre les moyens de l’Etat.
D’autres projets d’intérêt régional sont à l’étude : ceux retenus dans le cadre du Grand Saint-Pierre, l’aménagement de l’Aileron par le Parc naturel régional… Alors pourquoi ne sont-ils pas construits, alors que leur réalisation développerait incontestablement le Nord, qu’ils recueillent une majorité d’avis favorables et que leurs promoteurs se battent sur tous les fronts pour leur réussite ?
Où est le problème ?
Grâce à leurs énormes potentiels, l’or bleu et l’or vert de la Martinique représentent de vraies solutions économiques, une chance pour le Nord et une chance pour la Martinique. Le Centre caribéen de la mer et Baie des Princes représentent d’ailleurs aussi une solution de rechange pour Le Marouba. En effet, en prévision de l’ouverture de ces deux équipements, touristiques, Le Marouba pourrait, en plus de son activité hôtelière normale, servir également de centre de formation (initiale, continue et d’application) pour la restauration et l’hôtellerie dans le Nord. Cette activité de formation répond d’ailleurs à un vrai besoin, qui colle intimement à la vocation touristique de la Martinique.
Il ne fait aucun doute que les Responsables du Nord et de la Martinique toute entière travaillent. Mais, il s’agit pour eux maintenant de donner au Nord les moyens de se développer; de donner à la Martinique une vrai chance grâce à l’or bleu et à l’or vert.
Si d’aventure ils hésitaient, je les invite à méditer les paroles prononcées par le Président de la République au Forum économique mondial (G20) de Davos le 23 janvier 2015 : « L’économie n’est pas simplement faite pour la création de richesses, mais aussi pour la répartition. L’économie doit être organisée, régulée. L’économie doit porter de la croissance, donc de l’espérance ! Voilà ce que vous avez à faire. Et nous, Etats, et notamment le mien, nous devons faciliter les échanges, ouvrir les marchés, être capables de développer les investissements. Et en même temps faire en sorte que nous puissions regarder dans le long terme avec des investissements qui n’ont pas forcément la rentabilité d’aujourd’hui mais qui assureront la rentabilité de demain, et je pense notamment à la transition énergétique ».