— Par Max Venance —
Dans un énième article relatif au développement économique et social du Nord de la Martinique, en juin 2015, nous présentions les atouts économiques de ce territoire, et en particulier les deux projets « Baie des Princes » et « Centre Caribéen de la Mer », qui nous paraissent les plus capables d’impulser le meilleur développement pour cette partie de l’ile et, bien maitrisés, pour toute la Martinique. Un an après, à la lueur des changements institutionnels intervenus récemment, nous vous proposons un rapport d’étape sur l’évolution de ces deux équipements et la façon dont ils sont perçus par la nouvelle gouvernance politique locale.
« Baie des Princes » éligible aux fonds européens par la Collectivite Territoriale de Martinique
Pour rappel, « Baie des Princes » est un équipement hôtelier haut de gamme conçu pour valoriser tous les potentiels martiniquais, en particulier l’éco-tourisme, auquel sont ajoutés des équipements structurants destinés à soutenir l’activité hôtelière. Ce renforcement est rendu nécessaire pour palier la pauvreté économique du Nord Caraïbe. Créé pour générer des activités, des emplois et devises étrangères, il symbolise magistralement le riche patrimoine écologique martiniquais que nous avons appelé Or vert.
Dans une lettre datée du 24 mars 2016, le Président Alfred MARIE-JEANNE, en sa qualité de Président du GIP MARTINIQUE EUROPE PERFORMANCE, informait les porteurs du projet de l’éligibilité de « Baie des Princes » au Programme Opérationnel FEDER/FSE 2014 – 2020, appelé communément « Fonds européens ». Cette première décision a été confirmée par une seconde du 04 avril 2016 par le même Président MARIE-JEANNE, en qualité de Président du Conseil exécutif de la Collectivité de Martinique. La seconde confirmation mérite qu’on s’y arrête : il est rare de voir l’Autorité administrative confirmer une décision, surtout si la seconde n’apporte aucun élément supplémentaire. Les principes de continuité du service public et de permanence de l’action administrative validaient la primo-décision. La seconde vient renforcer sa sécurité juridique. Nous y voyons l’engagement de l’Autorité politique décisionnaire martiniquaise et la volonté de l’Autorité territoriale d’impulser une nouvelle dynamique économique pour le Nord. En effet, dans sa version initiale, le projet était pourtant jugé inadapté et une nouvelle version avait été demandée.
A l’origine, « Baie des Princes » prévoyait 500 hébergements pour une capacité d’accueil de 1000 lits ; un palais des congrès de 800/1000 places ; 2 golfs ; un collège européen de la biodiversité de 180 places destiné à l’ensemble de la communauté scolaire de l’Union européenne ; un pôle santé incluant un centre de recherches biopharmaceutiques sur les maladies dégénératives, un plateau technique de 60 places, et un centre de convalescence de 60 lits ; une résidence inter-saisons de 60 logements ; un centre de cuisines gastronomiques internationales ; des équipements sportifs destinés à favoriser la mixité sociale à l’intérieur du complexe, la mixité sociale avec la population étant assurée par des espaces de promenades, de restauration et de buvette ouverts au public ; un restaurant gastronomique en étage à 360 ° et un aquarium géant recensant la faune et la flore sous-marine caribéennes. Dans un contexte de protection et de valorisation des richesses écologiques de la Martinique, Baie des Princes vise l’autonomie énergétique totale, à partir d’énergies propres. Cet investissement était budgétisé pour 650 M€ TTC et prévoyait la création de 540 emplois directs. Le projet initial reçut le soutien – de principe – de plusieurs personnalités locales animées de la volonté de voir la côte caraïbe se développer : l’ancien Député Alfred ALMONT, le Député Bruno Nestor AZEROT, le Président de Cap Nord Alfred MONTHIEUX, le Maire du Prêcheur Marcellin NADEAU, l’ancien Secrétaire Général de la Préfecture Philippe MAFFRE… Cependant, en dépit de ces nombreux appuis, Baie des Princes restait un projet uniquement sur le papier. C’est le Président MARIE-JEANNE qui va le remettre sur les rails, en le déclarant éligible aux Fonds européens.
Dans les deux lettres précitées, tout en déclarant le projet éligible aux fonds européens, le Président MARIE-JEANNE réclamait des modifications, dans des termes choisis certes, mais dénués de toute ambiguïté :
« Je vous confirme l’éligibilité de votre projet de création d’un complexe écotouristique « Baie des Princes » sur le territoire de la ville du Prêcheur, au dispositif d’accompagnement financier prévu au Programme Opérationnel FEDER/FSE 2014-2020 pour la Martinique.
Conformément à cet échange, votre projet doit toutefois respecter les critères suivants :
– être adapté à la réalité du marché,
– s’inscrire pleinement dans son environnement géographique,
– répondre aux impératifs de gestion pérenne et respecter un dimensionnement à la mesure des enjeux et des moyens financiers mobilisables ».
Cette demande eu le mérite de poser les vrais problèmes et provoquer la recherche de vraies solutions. Le 10 mai 2016, il était remis au Président MARIE-JEANNE un dossier modificatif qui prenait en compte toutes les exigences formulées. La nouvelle mouture comporte les éléments suivants :
– 200 hébergements pour une capacité moyenne de 400 lits, dont 50 lodges de 5 étoiles – 50 chambres d’hôtel traditionnelles de 5 étoiles – 50 lodges de 4 étoiles – 50 chambres d’hôtel traditionnelles de 4 étoiles.
– 1 palais des congrès de 400/500 places
– 1 golf de 18 trous
– le reste du programme reste inchangé.
Cette nouvelle version a été validée par le Maire du Prêcheur, tout en émettant des réserves sur les capacités d’arrosage du golf, à cause d’une pluviométrie très faible. Le souci de l’Edilité était de ne pas consommer trop d’eau du réseau pour cet équipement qui demeure un loisir, donc non prioritaire. La réponse technique fut donnée par une étude du Syndicat des eaux du Sud (S.I.C.S.M.), qui atteste que les eaux usées peuvent être traitées pour être réutilisées à l’entretien des espaces verts. Cette étude est confirmée par l’arrêté du 25 juin 2014 modifiant l’arrêté du 2 août 2010 relatif à l’utilisation d’eaux usées issues du traitement d’épuration des eaux usées résiduaires urbaines pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts.
Ces deux exemples démontrent, s’il en était besoin, toute l’attention portée au projet tant par le Président du Conseil Exécutif de la Collectivité de Martinique Alfred MARIE-JEANNE que le Maire du Prêcheur Marcellin NADEAU. Aujourd’hui abouti, Baie des Princes bénéficie de larges soutiens institutionnels. Budgétisé pour 457 M€, le nouveau projet prévoit 360 emplois directs pour un chiffre d’affaires prévisionnel de 410 M€, un résultat net avant impôts supérieur à 45 M€ et un bénéfice prévisionnel supérieur à 25 M€ après paiement de l’impôt. Le plan de financement partiel a été approuvé par le Ministère des Outre-mer, qui apporte une franche collaboration sur la faisabilité du projet. De même, dès le départ, les Autorités préfectorales suivent ce dossier avec intérêt, facilitant au maximum son avancement. Le Sous-Préfet territorial compétent se montre toujours disponible pour recevoir les porteurs du projet, indiquer la réglementation applicable et faciliter toute évolution dans ses domaines de compétences. Cette bienveillance est également la règle au niveau national : le Chef de l’Etat lui-même, première personnalité à avoir réagi après avoir été informé, à l’instar de plusieurs Ministres du Gouvernement, a indiqué « être attaché au maintien d’un dialogue avec ses concitoyens et souhaite associer chaque Français à l’action commune afin de relever les défis qui sont les notre ». La Commission européenne a déjà donné un avis favorable, outre les subventions réglementaires, pour un emprunt bonifié au titre des fonds Juncker (Fonds européen pour l’investissement stratégique). Pour être complet, un terrain d’assiette a été défini et la procédure d’acquisition est en cours.
Ce projet représente six ans de travail de conception et de négociation avec les pouvoirs publics, les partenaires institutionnels, les investisseurs (une bonne centaine depuis 2013), les partisans qui y croient, les sceptiques qui pensent qu’il ne verra jamais le jour, ceux qui y sont favorables mais capitulent face aux influences de toutes natures. Ce projet n’est tout simplement que le reflet du travail de Martiniquaises et Martiniquais qui aspirent à vivre de leur passion sur leur territoire. Ils affichent la volonté forte et réelle de faire venir en Martinique des éco-touristes à haut niveau de revenus, capables de générer des activités, des emplois et des sources de devises étrangères pérennes. C’est le travail de tous les Martiniquais qui ont des idées mais à qui il manque le pétrole. Aujourd’hui, les porteurs de projet ont reçu toutes les sympathies, tous les encouragements, toutes les assurances qu’ils pouvaient espérer : ce n’est pas parce qu’il est contre que le Président de la République prend le temps de répondre qu’il remercie de la démarche (de porter le projet à sa connaissance) et qu’il assure le porteur de projet de toute son attention, que le Ministre du Travail transmet le dossier au Préfet de Martinique et lui demande de lui en rendre compte ; que le Ministre du Développement durable demande à son principal Conseiller de prendre contact avec les promoteurs pour savoir comment faire avancer le dossier ; que la Commission européenne oriente les promoteurs vers la Banque européenne d’investissement qui gère les « Fonds Juncker ». C’est l’inverse : c’est d’abord parce que toutes ces personnes ont bien compris que la situation économique et sociale de la Martinique est catastrophique, voir dramatique par certains aspects1 et que par conséquent toute proposition de création d’emplois mérite toute l’attention des Pouvoirs publics, dès lors que le projet est sérieux et réaliste. C’est ensuite parce qu’elles ont bien compris l’intérêt d’un tel projet et ses heureuses conséquence pour l’avenir économique, social et culturel de la Martinique qu’elles encouragent. Beaucoup de nos compatriotes Antillais n’ont pas eu cette chance ; beaucoup se sont faits copier et spolier de beaux projets parce qu’ils avaient les idées mais pas les soutiens nécessaires pour les faire aboutir. Nous pouvons tous nous accorder sur le fait que le Nord n’a jamais connu le développement économique qu’il mérite, malgré toutes les promesses qu’il a reçues. La conjugaison de toutes ces convergences peuvent constituer un « heureux hasard » sans suite. Elle peut constituer un puissant moteur pour le développement de la Martinique à partir du Nord, territoire dont la pauvreté économique peut transformer en un atout majeur un handicap considéré comme structurel.
LE « CENTRE CARIBEEN DE LA MER » EGALEMENT RELANCE GRACE A LA COLLECTIVITE DE MARTINIQUE
Il y a un an, nous expliquions que bien que nous assurions la promotion du projet Baie des Princes, nous reconnaissions que le projet de Centre caribéen de la mer, prévu à la Pointe Melon au Robert, méritait également toute notre attention parce que, comme Baie des Prince, il nourrit une véritable ambition de développement économique, culturel et social pour la Martinique, à partir du nord Atlantique. Ce n’est pas non plus dû au hasard s’il est également relancé aujourd’hui par la CTM.
Projet original, ambitieux et novateur, le Centre caribéen de la mer vise en priorité à rééquilibrer le développement économique et social entre le Nord et le Sud de la Martinique. Il s’agit d’une ambition totalement légitime, quand on connait la situation économique et sociale de cette partie de l’ile. Les études de faisabilité économique, juridique et de pré-programmation ont été élaborées dès 2002. Elles ont conclu que moyennant une volonté politique forte et dynamique et une adhésion du plus grand nombre de partenaires, le Centre Caribéen de la Mer pouvait à lui seul représenterait un axe de développement touristique suffisant pour redynamiser toute l’économie martiniquaise. Malgré des avis aussi élogieux et prometteurs, 14 ans après, le projet n’a toujours pas décollé. Mais, conscient de ses réelles potentialités, le candidat aux élections territoriales des 6 et 13 décembre 2015 Alfred MARIE-JEANNE l’a d’abord nommément inclus dans son programme électoral. Une fois élu, le candidat, devenu Président du Conseil exécutif de la Collectivité de Martinique, a tenu parle et orienté le porteur de projet vers un cabinet d’ingénierie spécialisé pour élaborer un nouveau business plan adapté aux impératifs du marché touristique contemporain. Les nouvelles études s’annoncent sous les meilleurs hospices : une extension du projet est actée et des terrains sont dégagés pour satisfaire les besoins en foncier. Comme pour Baie des Princes, nous formons des vœux que la CTM mène ces deux projets à leur terme, repositionnant le Nord dans une dynamique économique légitime et nécessaire.
UN MODELE DE DEVELOPPMENT ENDOGENE ET UN EXEMPLE POUR LA PLANETE
Près de 20 ans après avoir lancé l’idée pour le Centre caribéen de la Mer et 6 ans pour le complexe éco-touristique Baie des Princes, ces projets sont encore dans les cartons. Pourtant leur réalisation est indispensable à l’épanouissement économique et sociale de la Martinique en général et de la côte caraïbe en particulier. La réalité sociale de notre département justifie totalement que ces deux équipements soient construits en dérogation des règles classiques d’élaboration des projets commerciaux : les autorités administratives locales, nationales et européennes reconnaissent les spécificités territoriales de la Martinique et élaborent des règles spéciales pour remédier à ses handicaps tant structurels que conjoncturels. Il ne serait donc commis aucun crime si ces projets voyaient le jour par des procédures et financements dérogatoires, en sus de ceux relevant des règles classiques. La légitimité des procédures et financements utilisés serait dictée par les Lois et Règlements de la République, ainsi que par les souffrances matérielles, morales et spirituelles que vivent nos compatriotes. En outre, ces équipements présentent l’avantage de constituer des modèles de développement endogène exportables vers la Caraïbe et les pays environnants. Ils peuvent non seulement servir à désenclaver le Nord mais peuvent servir également de vitrine technologique. L’énergie thermique des mers (ETM), dont l’exploitation commencera à l’horizon 2020 n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
La fatalité de l’appauvrissement du Nord et de la Martinique en général2 pourrait s’interrompre avec la Collectivité de Martinique, dont le Président Alfred MARIE-JEANNE semble afficher la volonté réelle de contribuer efficacement à son développement économique et social, notamment à travers ces deux projets phares. Cette volonté doit demeurer, persévérer et se concrétiser pour atteindre les objectifs indispensables à l’épanouissement de la Martinique. Le Président Alfred MARIE-JEANNE dispose de toutes les cartes pour relever avec brio le grand défi du développement de la Martinique à partir de l’Or vert et l’Or bleu… ou passer une fois de plus à côté d’un fabuleux destin mérité et possible. Certains ont les idées, d’autres le pétrole, la Martinique l’Or vert et l’Or bleu. Je pense que nous avons les moyens de nos ambitions, et je ne suis pas le seul à le penser : Ségolène ROYAL pensait certainement à la même chose en affirmant, le dimanche 26 octobre 2014 en Guadeloupe, en clôture de la 2ème Conférence internationale sur la biodiversité et le changement climatique dans les outre-mer européens : « Les outre-mer peuvent donner à la planète l’exemple du possible pour relever le grand défi de ce 21e siècle : l’engagement dans une croissance verte et bleue qui est une réponse indispensable à l’urgence écologique mais aussi le principal espoir d’un nouveau progrès humain ».
Max VENANCE
1 Une statistique très récente, émanant de très sérieuses études, fait état d’une tentative de suicide par jour et d’un décès par semaine en Martinique. Les causes sont certes multiples mais le manque de travail, de ressources et d’espoir en l’avenir y contribuent pour beaucoup
2 Régulièrement les statistiques font état de « progrès » sensibles à propos du niveau de vie des Martiniquais. Le bilan économique de la Martinique pour l’année 2015 présenté par l’INSEE et l’IEDOM semble plutôt favorable d’après les indicateurs. L’INSEE avance même le chiffre de 3127 créations d’entreprises l’an dernier en même temps qu’une baisse significative du taux de chômage, qui s’établit désormais à 18,9 % pour 2015. S’il est exact que le niveau de vie des Martiniquais aurait tendance à augmenter, une statistique n’exprime qu’une moyenne : aux 2 extrémités, les plus pauvres continuent de s’appauvrir et les aisés de s’enrichir