Le gouvernement britannique a présenté jeudi 6 juin ses « sincères regrets » aux vétérans de la révolte des Mau Mau, et a annoncé une indemnisation de 23,4 millions d’euros pour les tortures infligées il y a plus de cinquante ans à ces Kényans révoltés.
Entre larmes d’émotion et youyous enthousiastes, les quelque 160 anciens combattants Mau Mau âgés et frêles, rassemblés dans un hôtel de Nairobi, n’ont rien perdu des mots qu’ils attendaient depuis près de soixante ans. « Le gouvernement reconnaît que des Kényans ont été soumis à des tortures entre les mains de l’administration coloniale », a déclaré jeudi 6 juin Christian Turner, représentant de la Grande Bretagne au Kenya, réitérant les propos solennels tenus quelques minutes plus tôt par le chef de la diplomatie britannique, William Hague, devant la Chambre des communes à Londres.
Des « regrets » espérés par-dessus tout
Sans aller jusqu’à présenter ses excuses, Londres a exprimé ses « sincères regrets » pour les sévices infligés, et annoncé le paiement d’une indemnisation de 23,4 millions d’euros ainsi que la construction d’un mémorial à Nairobi. Une fois les frais d’avocats payés, les 5 228 plaignants recevront environ 3 000 € chacun, trois fois le salaire annuel d’un petit employé.
Appuyé sur sa canne, Mathenge Iregi, souriant vieillard barbu de 81 ans, soulève un bras gauche meurtri par les mauvais traitements. « L’argent ne soignera pas ma jambe blessée ou mon bras démis mais je n’oublierai jamais qu’ils ont exprimé leurs regrets. C’est ce que nous voulions par-dessus tout. » Ancien secrétaire du mouvement de rébellion, il raconte dans un anglais parfait ses trois ans d’emprisonnement dans deux camps de la région centrale du Kenya. « J’avais 24 ans quand j’ai été arrêté en 1956. J’ai été battu en permanence, à coups de bâton, à coups de botte quand je tombais par terre. »
À l’époque, des membres de l’ethnie kikuyu prennent les armes pour arracher aux colons blancs les terres dont ils ont été chassés. Leurs attaques, également dirigées contre les Kikuyus qui collaborent avec l’administration coloniale, sont violentes. Elles se heurtent très vite à une répression non moins féroce. Des dizaines de milliers d’hommes (dont le grand-père de Barack Obama), femmes, enfants, sont raflés, parqués des années dans des camps, battus, violés, castrés, torturés. Entre 1952 et 1960, 32 colons blancs et plus de 10 000 Kényans indigènes sont tués.
Des documents d’archives relatant les exactions
L’accord annoncé jeudi dernier met un terme à quatre ans de bataille judiciaire. La Grande Bretagne a longtemps refusé de reconnaître toute responsabilité légale, mais cette position est devenue intenable après la découverte de milliers de documents d’archives, relatant avec précision les exactions menées au Kenya par ses fonctionnaires et les militaires britanniques.
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