— Par Jean-Marie Nol, économiste financier —
La France va mieux !… et pourtant le parti socialiste est au plus mal, car au bord de l’implosion du fait de la stratégie de rupture du président avec l’idéologie de ceux qu’il considère comme la vieille gauche archaïque.
Avec la loi travail, la charge est sévère contre la « réforme de l’État ». Malgré de multiples tentatives, la France n’y arrive qu’à la marge, alors même que François Hollande fait pourtant de la transformation de l’État « la mère de toutes les réformes, au moins aussi importantes dans ses enjeux que la compétitivité ou que la restauration des comptes publics ». « L’objectif est de passer d’une France sur-administrée et en panne de réforme structurelle à un État dynamique, agile, intégrant la culture numérique. Comment transmettre aux jeunes d’aujourd’hui, la « valeur-travail » dans le contexte déprimé du ras le bol fiscal des Français ? La question ne hante pas seulement les ainés. Elle résonne aujourd’hui dans toutes les écoles, les entreprises, les administrations, et mobilise aussi bien les enseignants que les parents, les patrons et les politiques. Pourtant, les réponses qui lui sont données laissent parfois songeur.
D’abord, parce qu’elles ne mettent en général l’accent que sur le discours, les adultes semblant croire que les « bonnes paroles » peuvent suffire à convaincre un enfant : « Si tu ne travailles pas, tu n’arriveras à rien. »
Ensuite, parce que cette « morale de l’effort » ainsi enseignée, efficace sans doute au temps de Jules Ferry, se révèle aujourd’hui (même si elle est juste) sans grand effet sur toute une partie de la jeunesse.Travailler suppose donc que l’on soit capable de penser, d’imaginer, de désirer et de faire. Et cela, dans la durée, car il faut être capable aussi de soutenir un effort. Est-ce donné à tout le monde ? A l’évidence, non. Tous les enfants ont, en naissant, les potentialités nécessaires pour acquérir ces capacités, mais elles sont, chez certains, empêchées de se développer du fait de leur éducation et de leur milieu social. A cet égard, on constate, en France, que la capacité à faire et à penser seul semble, chez certains jeunes, inexistante. Prisonniers d’un tel carcan, ils ne peuvent, en effet, ni acquérir le sens de l’effort ni faire l’expérience du travail. Ils ne connaissent ni le plaisir pris à faire les choses ni celui de la réussite.
Sur quoi donc, dans ce cas, s’appuyer ?
Il fut un temps, celui des Trente Glorieuses par exemple, où avoir un travail suffisait au bonheur, où l’on ne craignait pas de se retrousser les manches.
Cette fois, on ne pourra pas accuser les politiques de n’avoir rien vu venir. Le souvenir du 21 avril 2002 les obsède, ils voient la catastrophe arriver, crient au loup, tirent la sonnette d’alarme, mais n’ont pas de solution, et leur impuissance est aussi angoissante que leur lucidité.C’est un vrai déni de réalité mais contre lequel il est difficile de lutter car il provient d’un sortilège : le président élu est comme ensorcelé par son discours de campagne électorale, emprisonné par lui. Si la réalité ne coïncide pas avec les promesses qu’il a faites, il préfère tordre la réalité plutôt que de reconnaître non qu’il s’est trompé, mais d’entendre qu’il a trompé les Français.
A l’an II du hollandisme, la montée du Front national, sur fond de crise et de mécontentement des couches populaires, est comme un dard planté dans le pied des partis de gouvernement. Plus ces formations s’agitent, plus le poison se diffuse car elles n’ont pas l’antidote.
Lgauche et les syndicats ont beau ruer dans les brancards, fustiger l’austérité, exiger une relance du pouvoir d’achat en invoquant la menace du chômage, tout ce qu’elle réclame paraît hors de portée, ses paroles sont du vent,mais l’écho fait des ravages au sein de l’opinion. Les « hollandais » tirent la sonnette d’alarme, appellent au combat idéologique, déplorent, à l’instar de Bruno Le Roux, le chef des députés socialistes, que la gauche de gouvernement n’ait « installé aucun modèle, apparaisse inhibée, en excuse de ce qu’elle fait ». Ils voudraient qu’elle soit fière du travail accompli mais butent sur l’absence tangible de résultats et plus encore sur l’incapacité à formuler une visée précise.
La social-démocratie ? Soit, ils la revendiquent et de plus en plus ouvertement, mais sans être pour autant capables d’en définir le contenu : à les entendre, c’est une méthode, une ode au compromis, mais avec cette faiblesse que les bases du compromis n’ont pas été clairement définies.François Hollande a programmé une réduction de 12 milliards d’euros des dépenses publiques en rythme annuel durant son quinquennat soit 65 Milliards sur 5 ans. La démarche n’a rien d’insurmontable, d’autres pays l’ont fait, pourquoi pas la France disent en cœur certains ? Ce qu’il faut selon eux : des mesures radicales, impliquantes, les seules en mesure d’agir comme un électrochoc en déplaçant les curseurs. Avec 57 % du PIB consacrés aux dépenses publiques et une dette de 98 % du PIB, la France est un pays qui vit au-dessus de ses moyens et qui doit admettre qu’il ne peut plus distribuer ce qu’il ne gagne pas.La gravité de la situation ne laisse guère d’échappatoire.
S’il s’agit de servir maintenantd’abord les clientèles traditionnelles de la gauche, fonctionnaires et travailleurs protégés, vive le conservatisme et la démagogie ! S’il s’agit de remettre dans la course les exclus de plus en plus nombreux, de plus en plus désespérés, c’est tout un travail de dentelle qu’il faut mener avec en sus les outils appropriés.
Et nul ne se risque à prévoir que la croissance rêvée par le président de la République reviendra avec suffisamment de vigueur pour tout réparer.
Pour réussir, la gauche de gouvernement doit assumer une révolution de sa pensée et de ses outils, cibler ceux qu’elle veut vraiment aider et définir comment elle le fera en mettant hors jeu la gauche de la gauche et les frondeurs. Mais l’osera-t-elle ?
Stratégiquement, François Hollande peut-être tenté d’aller plus loin sur la division voire l’éclatement de la gauche avec la mise en route de la ligne économique sociale libérale, mais le PS est également taraudé par des questions morales. La gauche est donc également mal à l’aise sur la nouvelle ligne sociale démocrate ou sociale libérale au choix. Car la politique de l’offre à laquelle a fini par se rallier la majorité socialiste reste un gros mot pour une autre partie de la gauche. Elle fait figure d’épouvantail, elle s’apparente à une forme de trahison, car elle suppose une politique d’aide massive aux entreprises totalement contraire à tout ce qui avait été dit pendant la campagne. Ce flou politique et idéologique accroît le sentiment général d’un manque de repères pour les Français et accentue par là même un climat déjà anxiogène. François Hollande lesté aujourd’hui d’une forte impopularité laissera-t-il une empreinte pour la postérité ? Quel en sera l’impact historique s’il n’engendre rien de concret sur le terrain …On ne s’y attendait pas mais finalement, le changement avec François Hollande, c’est tout le temps et ce n’est plus très facile à comprendre pour le commun des Français au bord de la crise de nerf.
On sait que tout le succès d’une opération politique visant à réformer un pays voire un parti et son socle idéologique réside dans sa préparation.François Hollande n’avait-il pas des atouts dont peu de ses prédécesseurs disposaient : majorité à l’Assemblée Nationale, au Sénat et dans les collectivités locales, absence de scrutins électoraux pendant deux ans ? Curieuse transfiguration du socialiste Hollande 2 ans après son accession au pouvoir ! Ce dernier prêtera-t-il son visage au président dévitalisé ? Par delà l’impasse politique actuelle,quoiqu’il en soit, il tentera de recréer le mouvement, reprendra le fil de sa stratégie délibérée de rupture après l’épisode douloureux du 49-3 de la loi travail avec le même projet secret, mais avec une musique différente, plus martiale, plus libérale aussi. Un hymne pour patrie en danger qu’il jouera avec la posture rassembleuse du sursaut national. Cela ne tiendra pas seulement à son tempérament, mais aussi à sa formation économique. François Hollande a fait de longues études. Il est passé par les Grandes Écoles, dont HEC, l’école des élites internationalisées. Il parle anglais, a visité longuement les États-Unis, est tourné plus vers le grand large que vers les pays émergents, n’ayant jamais mis les pieds en Chine ou en Inde avant d’être président. Il a enseigné l’économie à Sciences Po. Son parrain (Jacques Delors) et beaucoup de ses amis sont parfaitement au fait des réalités du monde et des problèmes français. Il n’a pas découvert la gravité de la crise, l’importance des déficits publics ou la perte de compétitivité une fois élu. Il était informé avant, même s’il pouvait sous-estimer l’affaissement du système productif de la France. Bref, le président, contrairement à ce qui est dit, était intellectuellement préparé à assumer la conduite d’un pays déclinant inséré dans la mondialisation, aux marges de manœuvre réduites. François Hollande ( ce pur produit de la méritocratie à la Française ayant été diplômé des trois plus prestigieuses grandes écoles que comptent la France ) a parfaitement intégré ce risque libéral,et c’est pour cela qu’il est passé maître dans l’art de gouverner et ce tout en se moquant de sa propre impopularité. Il sait bien que « quand le paon regarde ses pieds, il défait sa roue ». C’est encore pour cela qu’il s’amuse avec dérision de l’image de « tébè »que certains thuriféraires s’acharnent à lui coller. En son for intérieur, Il a toujours voulu être un président stratège à l’image de François Mitterand et il croît pouvoir fabriquer sa propre synthèse à l’Élysée pour réformer par la ruse et la manipulation le socle idéologique du socialisme sur des bases nouvelles en matière économique et sociale plus pragmatiques et changer le cours politique des choses en France. Cela marquera une nécessité vitale pour le quinquennat : vaincre l’enlisement, faire aboutir la ligne sociale démocrate et la politique libérale de l’offre qui avait déja en son temps bien failli faire exploser le parti socialiste. Aujourd’hui rien n’est réglé,avec une crise sociétale et politique majeure. Désormais, effets de manche et paroles fortes des frondeurs du parti socialiste seront de la partie en France, mais une autorité ( Sans elle, point de salut.) va devoir nécessairement s’ affirmer en espérant que le procès en déloyauté et duplicité ne puisse être intenté à François Hollande, avant, par ses propres amis socialistes.
Et si le but ultime du dessein secret de François Hollande, et la raison d’être de sa stratégie actuelle pour redresser la France,était de déconstruire le parti socialiste.
François Hollande a estimé dès son élection en Mai 2012 qu’il y a des réformes qu’il faut faire, des équilibres qu’il faut trouver, un dialogue qu’il faut engager. … « Mon rôle, c’est de trouver le bon équilibre, de faire avancer la France et de ne jamais être dans l’idée que le mieux à faire, c’est de ne rien faire », a-t-il insisté, sans citer le projet de loi El Khomri sur la réforme du travail. « Quand le doigt montre la lune, l’idiot regarde le doigt. ».
Que cela reste si dur à expliquer est un signe de la crise démocratique ; on ne mène pas des réformes aussi fondamentales que celles qui sont entreprises aujourd’hui en biaisant à ce point avec la réalité.Le pouvoir actuel en France n’est plus une incarnation. C’est un corps social en état de choc, plongé »dans la centrifugeuse de l ‘actualité », qui fuit de partout et vocifère. « Dévoration et vocifération vont de pair : ce sont les deux modèles de la déconstruction du politique » écrit Salmon.
Le piège donc se referme tout seul sur la vie politique en France. En vain, le pouvoir se dérobe, comme s’il n’existait plus. A la place un grand vide, sans doute parce que le contrat de départ était vicié : tout, à ce niveau là, ne peut pas être dit. Avec en outre cette tragédie que tous les leviers du changement sont comme frappés de paralysie, si bien qu’aujourd’hui le président cumule tous les inconvénients : une impopularité record, des doutes sur sa capacité à sortir le pays de l’ornière du chômage de masse à un moment où les échéances électorales de 2017 – présidentielles – l’incitent à la prudence sur la mise en oeuvre du plan de rénovation du modèle économique et social de la France. Aucun des épisodes n’est clos depuis la fronde contre la loi travail, mais symboliquement, le mal est fait.
Mais quelle est la raison de ce jeu de mort des socialistes ?
Dans leurs têtes, ils ont déjà perdu, et ils savent tous que François Hollande le sait, car à notre sens celui ci a tout bonnement anticipé cette défaite dès son accession au pouvoir. C’est ce qui rend leur jeu si morbide. C’est ce qui explique la spirale de mort dans laquelle ils se laissent entraîner sous le regard incrédule de leur premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis qui, en termes de manœuvres et de crises, en a pourtant vu d’autres.
Macron, Valls, tous deux se disputent à pleines dents les restes de la vieille maison socialiste, par delà la figure du président de la République qui, en fin de mandat, semble compter pour du beurre. S’ils ne le disent pas ouvertement, aucun ne donne cher de la fin du quinquennat de François Hollande, accentuant par leur propre jeu la chronique d’une défaite annoncée.
L’aile gauche et l’aile droite du parti socialiste ont repris leur vieille guerre. Une escalade…?
A peine l’une est-elle sortie du bois avec l’intention de voter la censure du gouvernement que l’autre (incarnée par Manuel Valls) marque son territoire en brisant le mur du son avec une réforme du travail d’inspiration franchement libérale, donnant du grain à moudre à ses adversaires tels Martine Aubry et les frondeurs. Les voilà aujourd’hui tirant à boulets rouges et conspirant avec l’extrême gauche et les communistes pour renverser un gouvernement qui « menacerait d’affaiblir la République » en conduisant à « un immense désastre démocratique en 2017 ». Si les mots ont encore un sens, l’aile gauche du PS a franchi la ligne rouge. Valls avait le premier lancé les hostilités le 16 février, lors d’un meeting à Corbeil-Essonnes, estimant qu’il existait désormais deux gauches « irréconciliables ». Il a enfoncé le clou en précisant qu’il y avait celle « du XIXe siècle », la gauche de la gauche en somme, qui s’oppose à son projet progressiste, et celle du « XXIe siècle », la sienne, qui veut déverrouiller les blocages du pays.
Entre-temps, le climat politique s’est dégradé entre socialistes et surtout entre François Hollande et le peuple Français. Sur le fond, l’avertissement est sévère : une large partie des Français ne supporte plus la politique en trompe l’oeil conduite par François Hollande. Il a cru tout réinventer de la politique Française en divisant son propre camp et en affaiblissant la droite par les affaires et le FN, il s’est cru suffisamment puissant et malin pour imposer de nouveaux codes dans un sens plus libéral au pays sans le dire ouvertement. C’est l’absence d’un projet clair et lisible pour le pays… Mais s’est -t- il pour autant trompé ?. Le soupçon est présent. C’est un fait. Tout est sur la table, tout se mélange: le supposé changement de politique social démocrate du président de la République et son supposé changement de socle idéologique de la gauche vers un social libéralisme.
C’est la limite de l’exercice à laquelle François Hollande s’est livré : le calcul ne suffit pas. Il faut aussi une vision qui le transcende et qui comme François Mitterrand aimait à le dire, sache épouser le terrain et qui ne laisse rien au hasard, avec cette difficulté qu’elle apparaît souvent après coup, quand tout est déjà joué.Mais est-ce vraiment la der des der ? François Hollande va-t- il changer de masque sans changer de visage ?….C’est ce qui s’appelle jouer en contre pour sortir d’un sable mouvant dans lequel le président s’est engagé fleur au fusil avec une visibilité réduite. Ce serait la démonstration éclatante que François Hollande n’est pas tombé des deux pieds dans le piège de l’impopularité de celui qui réforme en profondeur un pays au risque de mécontenter tout le monde. C’est un curieux précipité, inhérent au quinquennat, mais pas toujours convaincant, car dès qu’il veut prendre de la hauteur, il se retrouve tiré vers le bas, mêlé aux basses contingences qui aussitôt déprécient sa parole. Il manque de bouclier. C’est ce contretemps sur sa volonté de réformer le pays qui rendra désormais si problématique la communication présidentielle : plus elle se voudra positive et libérale, plus elle sera vécue comme provocatrice par une partie des socialistes. C’est la plus mauvaise configuration, celle qui conduit à l’asphyxie.
François Hollande ne pèse peut être plus rien au niveau de la popularité auprès des Français mais n’en doutons pas, il continuera à mener la danse. François Hollande tout comme Nicolas Sarkozy ont une capacité hors du commun à encaisser les chocs, à se reconstruire et à contre-attaquer. Ils ont suffisamment d’estime de soi, de conscience de leur supériorité et de « niaque », pour ne pas se perdre en introspection ni en contrition, et nul doute qu’ils tenterons de rebâtir le profil de l’homme d’État qui voit plus haut, plus loin et surtout plus large que les autres.
L’adversité ne fait pas peur à François Hollande, elle le porte. «J’assume !» »s’exclamait- t –il en pleine tempête du tournant social démocrate et du pacte de responsabilité. Il aime le mot, il le répète il l’assène !.Plus ça tanguera, plus il incarnera le visage de la force tranquille de Mitterrand. C’est sa force. Il campe le capitaine dans la tempête, celui qui affronte, celui qui sait où il va au moment précis où la droite s’apprête à asséner les pires coups en jouant la carte du recours. Entre deux maux, François Hollande va devoir choisir : le mouvement plutôt que l’enlisement. Stratégiquement, François Hollande peut-être tenté d’aller plus loin sur la division voire l’éclatement de la gauche avec la mise en route délibérée et assumée de la ligne économique sociale – libérale. C’est la politique économique du pouvoir depuis deux ans, depuis que Manuel Valls est à Matignon. Il ne reste plus grand-chose de l’autorité du président de la République, qui porte sa part de responsabilité. Car tout ce qui n’avait pas été tranché avant l’élection présidentielle, tout ce qui avait été mis sous le tapis pendant la campagne présidentielle éclate aujourd’hui à la figure de François Hollande. La bombe à fragmentation de la loi travail a beau être à retardement, elle est dévastatrice. L’absence de résultat a servi de détonateur. François Hollande et Manuel Valls l’ont acté depuis un certain temps. Ils cherchent depuis à faire redémarrer l’activité dans le cadre d’une politique de réformes d’autant plus difficile à négocier que la résistance s’organise sur tous les fronts. Le président de la République, pourtant, agit. Il tente de réformer le code du travail et réduire les déficits et la dette qui vient de franchir la barre des 2 100 milliards d’euros. Il a parfaitement conscience que sa progression est une menace grave pour la souveraineté. Les dépenses publiques représentent ainsi plus de la moitié du PIB. Si elles n’augmentent plus, les dépenses privées devraient prendre le relais, pour retrouver une croissance satisfaisante. Est-ce concevable ? L’explication tiendrait notamment à un effet de « neutralité ricardienne ». L’économiste classique David Ricardo a en effet théorisé que l’impact négatif d’une baisse de la dépense publique est compensé par une hausse de la dépense privée due à un regain de confiance des ménages et des entreprises, qui consomment et investissent plus en anticipation d’un recul de la pression fiscale.Pour ce qui nous concerne,nous estimons que l’argument ne vaut pas pour le cas Français. D’abord, en France, plus des deux-tiers de la croissance s’appuie sur la consommation des ménages. Du coup, toute restriction trop forte de la dépense publique, qui supposerait notamment ou une nette baisse du nombre de fonctionnaires ( fonction publique d’État et territoriale ), ou du pouvoir d’achat de ces fonctionnaires, ou de la masse des transferts sociaux, aurait un impact récessif majeur. Les coupes dans les dépenses sont synonymes de ralentissement de l’activité et de perte de pouvoir d’achat. Qu’il s’agisse de dépenses sociales (chômeurs, retraités, allocations familiales) ou de rémunération des fonctionnaires de telles coupes claires aboutissent de fait à une diminution du pouvoir d’achat des personnes concernées, ce qui va contribuer à déprimer la demande. Cette politique est donc au moins aussi nocive qu’une hausse d’impôts pour l’aile gauche du PS incarnée par les frondeurs.
Le plus troublant n’est cependant pas la guéguerre qui oppose des frondeurs de plus en plus frondeurs à un exécutif de plus en plus assiégé, c’est le drôle de jeu qui se déroule au sein même de l’exécutif.
Que cherche donc Manuel Valls lorsqu’il appelle « à en finir avec une gauche passéiste « du XIXe siècle », ? Que veut-il lorsqu’il revendique de vouloir dépasser le Parti socialiste pour bâtir la « maison commune de toutes les forces progressistes » ? Il cherche évidemment à imposer sa « nouvelle ligne social démocratie » comme axe majoritaire au sein du Parti socialiste.
C’est justifiable car les frondeurs l’ont cherché en tirant sur le « social libéralisme ». Le premier ministre se doit de riposter et de préciser sa pensée. Mais ce faisant, il risque de pousser le bouchon de la division très loin.
Que pèse encore François Hollande ? Telle est la question à laquelle le chef de l’Etat a intérêt à répondre vite car Macron, affranchit de tout, ajoute au trouble. Se présentant comme « la gauche moderne et progressiste pour « déconseiller » à François Hollande de se représenter en 2017 en entérinant le processus de primaires à gauche. Voilà une autre façon de l’enterrer et cette fois sans prendre de gant. Pourtant,il sait que François Hollande n’a aucun intérêt à changer de braquet, car cela affaiblirait de facto sa position, déjà fragile.L’adhésion à la politique de l’offre, le choix de Manuel Valls comme premier ministre, la désignation d’Emmanuel Macron au ministère de l’économie consacrent, à l’épreuve du pouvoir, un tournant social libéral qu’il refuse d’expliquer, faute de majorité pour l’assumer. Il en résulte un manque de perspectives qui accentue la fragilité du pouvoir.Sous couvert de bons conseils, Martine Aubry en profite pour réinvestir le champ idéologique. Contre « le social libéralisme », qu’elle désigne comme l’ennemi, elle défend « la nouvelle social démocratie », revendique « le bien être avant le tout avoir ».
Autrement dit, la perdante de la primaire de 2011 tisse sa toile au sein d’un Parti socialiste totalement déboussolé.
François Hollande a beau être affaibli, il n’est dupe de rien, car son grand dessein secret est de changer le logiciel idéologique du parti socialiste (un « socialisme du mouvement » adapté à un » monde multipolaire, instable » un socialisme qui poursuit inlassablement le combat pour l’égalité mais « l’égalité réelle par l’égalitarisme ») et de transformer le socle idéologique de la France voire changer sans le dire ouvertement lemodèle économique et social de la France vaille que vaille….une stratégie à quitte ou double avec un véritable enjeu à la clé,quitte à ne pas être présent lors des prochaines présidentielles !!!
Jean-Marie NOL, Économiste financier