Des vols intérieurs à la rénovation énergétique des bâtiments, de nombreuses mesures du projet de loi Climat pèchent par leur «portée réduite», regrette le Haut Conseil pour le Climat (HCC) qui espère que le Parlement pourra «rectifier le tir».
Les mesures du texte «Climat et Résilience», principal outil de déploiement des propositions de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), «vont dans le bon sens mais le projet de loi n’offre pas suffisamment de portée stratégique», a résumé la présidente du HCC, Corinne Le Quéré, lors d’une conférence de presse.
Comme dans ses précédents avis sur le plan de relance, la 5G ou le logement, l’organisme d’évaluation indépendant créé par Emmanuel Macron n’est pas tendre avec la politique climat du gouvernement, soulignant l’écart entre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030 (par rapport à 1990) et les mesures prises pour l’atteindre.
«Une proportion élevée (des mesures du projet de loi) voit sa portée réduite par un périmètre d’application limité, voire ponctuel, des délais de mise en oeuvre allongés ou encore de nombreuses conditions associées à leur application», estime le nouveau rapport publié mardi.
Dans sa ligne de mire, l’interdiction de la publicité limitée aux énergies fossiles et non «à un ensemble de biens et de services manifestement incompatibles avec la transition» (SUV, certains produits alimentaires…). Ou encore l’interdiction des vols intérieurs s’il existe une liaison ferroviaire directe de moins de 02h30, une limite «beaucoup trop basse» (10% du trafic aérien en 2019).
Quant au secteur du bâtiment (près de 20% des émissions), le projet de loi prévoit l’interdiction de la location des «passoires thermiques». Mais les mesures «ne s’appliquent pas aux propriétaires occupants» (soit 58% des occupants de passoires en 2018) et «ne prévoient pas d’extension progressive aux autres classes énergétiques», s’inquiète le HCC.
– «En retard» –
Il plaide ainsi pour une «trajectoire d’obligation de rénovation» s’échelonnant jusqu’à 2050, date visée par le gouvernement pour atteindre la neutralité carbone.
Dans sa réponse, le ministère de la Transition écologique a souligné que cette loi «s’inscrit dans une politique globale menée depuis le début du quinquennat»: «c’est l’exécution volontariste de cette politique globale qui nous permettra de tenir nos objectifs».
Mais le Haut Conseil doute justement de la capacité à tenir ces objectifs, pour laquelle «la France est en retard», a noté Corinne Le Quéré, regrettant que le projet de loi représente «des opportunités manquées d’accélérer le rythme».
Le premier budget carbone 2015-2018 n’a pas été respecté –l’Etat vient d’ailleurs d’être reconnu responsable de manquements par la justice administrative.
Les émissions de CO2 ont bien baissé en moyenne de 1,2% par an sur les cinq dernières années, mais «la dynamique actuelle de réduction des émissions est encore insuffisante», selon le HCC.
Certes, avec -1,7%, la baisse des émissions a excédé en 2019 les objectifs du deuxième budget carbone (-1,5% par an entre 2019 et 2023), mais son plafond avait été assoupli après l’échec à respecter le précédent, rappelle Corinne Le Quéré.
La climatologue s’est notamment inquiétée de la capacité à «tripler» le rythme de baisse prévu pour le 3e budget carbone 2024-2028.
– «Equilibres» –
Alors il faut «redresser le tir» en intégrant une approche stratégique dans la loi, a-t-elle plaidé, comptant sur l’examen du texte au Parlement.
Le Haut Conseil invite ainsi à «raccourcir et clarifier l’horizon temporel» de certaines mesures et «élargir» celles ayant «un potentiel structurant afin qu’elles portent sur des volumes d’émissions significatifs».
«L’examen parlementaire permettra d’enrichir certains aspects de la loi, par exemple en matière de rénovation thermique», a répondu le ministère.
Toutefois, «le gouvernement considère que sur différents points de la loi, des équilibres ont été trouvés pour permettre une transformation soutenable de la société, en ne laissant personne sans solution et en tenant compte de la situation de certaines filières particulièrement éprouvées par la crise sanitaire pour ajuster le calendrier de mise en œuvre de certaines mesures», a-t-il ajouté.
Le gouvernement a assuré dans son étude d’impact que la loi Climat permettrait de «sécuriser» entre la moitié et les deux-tiers de l’objectif de baisse d’émissions d’ici 2030. Une étude d’impact dont la méthode est mis en cause par le HCC.
Les 150 citoyens de la Convention climat se réunissent à partir de vendredi pour leur dernière session destinée à évaluer la réponse de l’exécutif à leurs 149 propositions, dont ce projet de loi.
Source : AFP / LaCroix.com