Après des années de volontarisme, l’égalité salariale est obligatoire depuis janvier en Islande. La petite île a toujours été très en avance sur la parité mais il reste quelques plafonds de verre.
C’est donc lui. Le député Thorsteinn Viglundsson, ex-ministre des Affaires sociales et de l’Egalité, celui que les femmes surnomment gentiment « Féministe papa ». Lui qui, parce qu’il est marié et père de trois filles, aurait enfin compris le sort de la gent féminine. Et se serait ainsi mis en tête de faire bouger les lignes et de s’attaquer, une bonne fois pour toutes, au concept le plus controversé qui soit : à travail égal, salaire égal pour les femmes et les hommes. Jusqu’à en faire une loi, votée à 80% par le Parlement et effective depuis le mois de janvier. « Le monde nous regarde, c’est vrai, dit-il avec amusement. J’en suis fier, mais nous avons aussi une énorme responsabilité doublée d’une obligation : celle de réussir. » L’Islande, pourtant habituée aux têtes de classement des nations en matière de droits des femmes, vient encore de frapper un grand coup en rendant illégale la différence salariale. Une première qui laisse le monde entier sur le carreau. Allez faire mieux maintenant, ou au moins aussi bien!
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L’image des patrons en jeu
La nation islandaise et ses 350.000 habitants, avec ses aurores boréales, une équipe de football qui a fait sensation lors de l’Euro 2016 et des steaks de baleine dont le goût très fort est atténué par une sauce aux myrtilles, a le triomphe modeste. On sent néanmoins une onde de fierté sans précédent traverser les terres vikings, les geysers et les fjords. « En tant qu’association féministe, on a été très surprise qu’ils soient allés aussi loin. Je suis très fière du Parlement islandais. Nous sommes devenus un modèle pour le monde entier », s’exclame Brynhildur Omarsdottir, directrice de l’Association islandaise pour les droits des femmes. Plus tempéré, le député Viglundsson explique qu’il avait travaillé par le passé sur ces questions d’inégalité, et que rien ne changeait jamais. « ‘Oh, avec le temps, les différences finiront par disparaître d’elles-mêmes’, n’ai-je cessé d’entendre. Je suis arrivé à la conclusion inverse : l’Histoire a montré que si nous voulons le progrès il faut l’imposer », affirme-t-il, main de fer dans un gant de velours. « Sinon, dans vingt ans, on en sera toujours au même point. »
Le nouveau texte de loi, qui vise l’égalité parfaite en 2022, inverse la charge de la preuve : il n’incombe plus aux salariées d’établir qu’elles sont discriminées en raison de leur genre, c’est maintenant aux entreprises privées comme publiques de plus de 25 salariés de prouver qu’elles fixent un salaire égal entre femmes et hommes. Au ministère des Finances, Gudhny Einarsdottir, responsable de la division des ressources humaines, a fait partie du projet de pilotage qui a mis en place le bureau de contrôle. « Nous avons commencé en novembre 2013 et la loi est entrée en vigueur en janvier 2018. Il y a donc eu une résistance, raconte-t-elle. Le secteur privé croyait que l’Etat allait imposer des grilles de salaires. D’ailleurs, au début, les entreprises prétendaient participer à ces débats, mais en réalité elles ne faisaient rien. Puis les choses ont bougé. » Et pour cause.
« Je vois mal les patrons prendre le risque d’être publiquement désignés comme des employeurs discriminants »...
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