Vie privée et vie publique sont deux choses distinctes. On ignore comment se comporte Lisa Simone avec ses proches mais elle a un don pour établir le contact avec les spectateurs. Toujours souriante, n’affichant aucune prétention de diva mais au contraire une simplicité qui paraît totalement naturelle, il ne lui faut pas beaucoup de temps pour nous persuader que nous sommes des amis. Tantôt assise au bord de la scène, tantôt parcourant la salle pour serrer les mains des spectateurs sans cesser pour autant de chanter dans son micro baladeur, elle se met, littéralement, de plain-pied avec les spectateurs. L’ambiance dans la grande salle de l’Atrium bien remplie était chaleureuse – comment aurait-elle pu ne pas ? – mais les Martiniquais restent toujours un peu sur un quant-à-soi que la présence (rare) du président de la région a peut-être encore renforcé, ce soir-là. Il serait dommage que la chanteuse ait ressenti que nous ne lui rendions pas autant que ce qu’elle nous donnait.
Ou bien le public n’était-il pas absolument convaincu par la prestation purement vocale de Lisa Simone ? Qu’elle sache chanter, nul ne le niera mais il est vrai que sa voix et son souffle ont mis du temps à s’échauffer, ou qu’elle a voulu ménager ses forces, et que l’on a assisté seulement à la fin à une véritable performance vocale. On ne peut pas ne pas souligner, à cet égard, que c’est un solo du guitariste (le Sénégalais Hervé Samb) qui a déchaîné les applaudissements les plus enthousiastes. Le trio qui accompagne Lisa Simone est d’ailleurs de fort bonne tenue. Nous avons particulièrement apprécié pour notre part le batteur (Sonny Troupé, natif de la Guadeloupe) dans les premiers moments de son solo, pendant lesquels il est parvenu à véritablement faire chanter ses caisses.
La qualité d’un concert de jazz, aujourd’hui, dépend fortement de l’amplification, puisque celle-ci est de rigueur. Il y a longtemps que les chanteuses utilisent un micro mais, de nos jours, il n’y pas un seul instrument qui ne soit amplifié. En l’occurrence, cela s’est plutôt bien passé, même si, lorsque le bassiste délaissait son instrument acoustique pour une basse électrique, il était souvent trop fort et produisait parfois des vibrations désagréables. Quant à Lisa Simone, il arrivait aussi parfois – rarement, heureusement – que certaines syllabes se coagulent dans les amplis, transformant son chant en pure cacophonie.
Pour que nul n’en ignore, Lisa Simone est la fille de la « grande » Nina Simone (1933-2003). Elle l’évoque avec beaucoup d’affection et la simplicité qu’on lui connaît. Cependant elle n’était pas en Martinique pour chanter le répertoire de sa mère (elle l’a fait dans d’autres concerts) mais son propre répertoire groove que l’on peut retrouver dans le disque All is Well.
À l’EPCC Atrium Martinique, le 20 mars 2015.