L’imagination pour mémoire : deux créations de Marlène Myrtil

—  Par Christian Antourel —

Au Centre Culturel de Rencontre Fond Saint -Jacques

Dans une atmosphère intimiste le spectacle surgit de la lumière soyeuse et déjà qui étire les instantanés dynamiques, du mouvement et du maintien percés à jour, comme dans un théâtre d’ombres. Une femme aux prises aux fragmentations de sa mémoire danse et lutte pour ne pas sortir d’elle-même. Elle nous entraine dans une succession de figures impressionnistes ; ressouvenirs par l’âme, agités, ponctués d’états farouches indomptés. Marlène combine les langages du mouvement, des textes poétiques et de la conception visuelle dans une étrange réminiscence du lien à l’autorité et des chaînes virtuelles qui continuent de blesser. Et puis ce mur blanc comme l’écran d’une mémoire imposée, redite dans l’enfermement infernal. Sur ce mur atrocement blanc une ligne mélodique où Chopin dominant déchaine « un brillant oiseau voltigeant sur les horreurs d’un gouffre » Un gouffre obscurci de miasmes humains. Rien à voir avec un néo-polar doublement noir. C’est du théâtre social jusque dans la beauté du pire. Une monographie éperdument vraie, certainement héroïque, évidemment impérissable ; un pont entre la blessure et l’avenir. Contre toute souffrance de race, cette douleur au dessus de la mêlée, sans eugénisme, contre la mixophobie obsessionnelle ; Cette atrocité que l’on nomme esclavage, vaut bien son pesant de poil à gratter. Sur scène Marlène et Yna se débattent, luttant pour des moments de lucidité et de franchise, tentent de rester à la surface. Elles répètent des bribes d’un discours existentialiste : dialogues de parchemins pour nourrir une idée. Elles révèlent la quête d’individus assoiffés de vérité en réponse à la cruauté, mais déjouent la tentation larmoyante que dévoile cette sensation édifiante d’un passéisme culturel nécessaire, qui traine sa malédiction ambulatoire, là ou l’espoir chante le refus d’une fatalité… encore et encore.

 Une conférence dansée

 La voix comme un prolongement de soi, mise en scène, en lumière et en situation, intervient dans la chorégraphie dans un mouvement perpétuel de l’une à l’autre. On y perçoit à la fois un spectacle volontariste et une expérience d’interaction entre le lieu, le jeu et l’accomplissement sensoriel. Selon cette grille d’analyse, l’impression première de subir le vivant mystère d’un rébus, où peut être la chorégraphie et le rendu des mots paraissent bien partagés, comme dans une vitrine floue ou de verre brisé, s’auto détruit et propose des accords aux harmonies singulières, plus qu’une étrange formule mixte, narrative et dansée. Surprendre le spectateur est certes bien plaisant, mais établir un contact avec lui, même par la pensée demeure le but ultime. Alors, Marlène et Yna prennent des chemins différents pour communiquer quelque chose de puissant. Ce qu’elles cherchent à passer ce sont des sensations, des couleurs, des vibrations, voire des odeurs. La récitation du drame, vêtue de leitmotiv apparait finalement comme un prétexte pertinent pour étirer les volumes des corps, donner du poids aux mots et découvrir enfin, que l’essentiel réside dans une performance où le niveau de communication se situe a hauteur des tripes, pour raconter une grande et complexe histoire avec une fluidité et une clarté insoupçonnée.

 

La conférence dansée, est un choix ….Une Liberté !

 

 Distribution : La Compagnie Kaméléonite

 Chorégraphie :Marlène Myrtil

 Interprétation : Marlène Myrtil et Yna Boulangé

 Régie son et créations lumière : Valéry Pétris

 Musique : Mozart et Chopin

 Conception montage sonore : Babou Marcuse.

 Christian Antourel

Le 10 décembre 2010