— Par Laurence Aurry —
L’île-aux-Chiens est un beau roman de Michel Dural. L’île-aux-Chiens est une petite île de l’archipel de Saint Pierre et Miquelon. C’est là, en 1914, que débute le récit. Dans toute la première partie du roman, un récit au passé, raconté sous la forme d’un journal par un narrateur omniscient, nous permet de suivre Angélique. Elle vient d’épouser Etienne Lamour, elle porte son enfant et elle attend avec angoisse et impatience son retour du front. Elle mettra au monde un petit garçon, Pierre, dont nous observons les premiers pas jusqu’en 1918, date de son départ pour la Bretagne. L’écriture sobre et précise nous donne à voir avec force cette époque révolue et ce lieu étrange de ces colonies d’outre atlantique. Elle nous donne surtout à pénétrer dans des consciences déchirées par les préjugés, l’abandon et le désespoir. Toute cette première partie nous offre un récit bouleversant où les personnages sont saisis de plein fouet par le malheur et l’acharnement du destin, comme si le « Barber », ce terrible vent canadien qui gèle tout ce qu’il touche, prenait plaisir à les tourmenter.
La deuxième partie du roman nous projette en France, en 1998, soit quatre-vingts ans plus tard. Elle est centrée sur la veillée funèbre et la crémation de Pierre. Chacun de ses six enfants fait le bilan intérieur des relations qu’il a entretenues avec son père, un père fascinant mais aussi décevant, toujours absent. Chacun tente, à sa manière, au moment de cet ultime adieu, de fixer une dernière image. Entre la rancœur, l’amertume, l’ironie, la tendresse, les souvenirs se mêlent dans une polyphonie narrative un peu troublante. La fratrie se retrouve et retrouve la complicité de son enfance. Les pièces mouvantes du portrait de Pierre commencent à s’assembler dans cette unité familiale retrouvée. Des secrets affleurent, perçant des non-dits et des longs silences de toute une vie.
L’originalité de l’œuvre tient dans cette construction en diptyque, dans cette longue ellipse temporelle entre le début et la fin de la vie de Pierre, dans ce vide que le lecteur est invité à combler à sa manière. La force aussi du roman vient de ce contraste des modes ne narration entre la première et la deuxième partie. Dans cette deuxième partie, le narrateur disparaît et les voix intérieures des enfants se complètent, se superposent, se contredisent, se font échos comme dans une composition musicale, pour y jouer leur partition. Plus qu’une tranche de vie, ce roman est un hymne à la vie.
Laurence AURRY
Broché: 256 pages
Editeur : Editions Tarik (21 juin 2011)
Langue : Français
ISBN-10: 9954419659
ISBN-13: 978-9954419656
Également, à lire, de Michel Dural, Imilchil, une intrigue sentimentale et politique qui se déroule dans le Maroc d’Hassan II, durant les années 70.
Broché: 292 pages
Editeur : Mon Petit Éditeur (1 juin 2011)
Collection : Mon petit éditeur
Langue : Français
ISBN-10: 2748364716
ISBN-13: 978-2748364712