— Par Roland Sabra —
Ce soir là le Quartet s’est transformé en Quintet. Un invité, était là, venu de sa Bretagne lointaine, sans biniou, mais avec sa guitare. Julien Tritz a régalé le public de ses impros aériennes et magiques, dont il semble avoir le secret. Le Lilas Jazz Quartet est une jeune formation composée d’éléments ayant une solide praxis jazzistique étayée par des improvisations comme il se doit mais aussi, et c’est beaucoup plus original par un désir de revisiter le patrimoine musical français en le colorant façon jazz, bossa nova, samba, ballades, swing etc. Adaptation ou retour aux sources ? On ne sait trop tant il est vrai que le souci de restituer l’œuvre dans son contexte, celle du siècle dernier, est empreint de la formidable explosion musicale issue du ragtime, de la marche, du negro spiritual et du blues. La chanson française ne s’est pas construite dans un bunker imperméable aux musiques du monde. Bien au contraire et c’est un des grands mérites du Lilas Jazz Quartet que de rappeler, ou d’apprendre à son public que bien des standards internationaux du Jazz sont des adaptations étasuniennes de créations françaises. Ophélie Cohen, la chanteuse, présente chaque chanson en donnant ses auteurs, le lieu de naissance, son histoire faite d’ adaptations, d’ aller-retours entre l’ « ici et l’ailleurs ». Elle rapporte des anecdotes, drôles, fait découvrir une richesse patrimoniale insoupçonnée. Elle nous dit aussi l’incertitude l’ amour plus ou moins grand du créateur quant à l’avenir de son œuvre. Elle nous dit aussi que le seul juge est le public et que bien souvent il déjoue tous les pronostics des soi-disant spécialistes. Le public ce soir-là au Théâtre de l’Abbaye à Saint Maur, était ravi. Edith Piaf, Serge Gainsbourg, Claude Nougaro, Charles Trenet, Henri Salvador, et bien d’autres ont été découverts sous un nouveau jour. Les arrangements du pianiste Jean-Louis Bensoussan et ses solos donnent aux morceaux, une couleur chaleureuse, une jolie tonalité, entraînante et une envie de taper des mains. Gérard Bénezet aux percussions, la batterie en l’occurrence, soutient une rythmique de bon aloi sur laquelle le reste du groupe prend un appui solide. Dommage qu’il n’y eut pas de solo de sa part contrairement à Stéphane Caroubi dont l’indispensable contrebasse souligne la légèreté ou la gravité, c’est selon, du propos chanté. Ophélie Cohen, sans avoir la tessiture vocale d’une Beyoncé ou d’une Vanessa Hudson, des exceptions en ce domaine, restitue avec intelligence et sensibilité un univers musical qui renvoie de façon touchante à l’enfance qui demeure et perdure en tout un chacun. Elle affiche une fausse fragilité derrière laquelle sourde une détermination et un engaement dont le public est vite convaincu.
La soirée était belle, attachante, divertissante et instructive. Que demander de plus !
Saint-Maur le 20/01/18
R.S.