— Par Guy Flandrina, président fondateur du Club Presse Martinique Association des Journalistes professionnels —
Après Antilles Télévision, le 23 septembre dernier, c’est au tour du quotidien France-Antilles, d’être, ce 30 septembre, placé en redressement judiciaire pour un semestre…
Hormis les journaux d’opinion qui vivotent grâce aux cotisations et à l’opiniâtreté de leurs militants, la presse d’information ne saurait vivre sans la publicité, le soutien de généreux donateurs, voire les financements publics…
ATV, en redressement judiciaire depuis bientôt 17 mois, bénéficie d’un sursis qui va jusqu’au 14 octobre prochain…
D’ici là, si aucune solution viable n’est proposée par un solide repreneur, la chaîne ira à la liquidation judiciaire et ses 27 salariés directs au pilori.
Antilles Télévision n’est pas à un rebond près. Le dernier en date remonte au 21 janvier 2010, lorsque la télé a été rachetée à la barre du Tribunal Mixte de Commerce par HRTV ; une holding créée pour la circonstance par des hommes d’affaires de la place.
Mais les dettes n’ont cessé de croître, sans que la publicité ou les magazines financés ne viennent combler le trou qui se faisait gouffre ; jusqu’à atteindre la somme -colossale pour cette entreprise-, de plus de 3,5 millions d’euros!
L’aide d’un million d’euros allouée par la Région Martinique à cette télévision locale aura été un cautère sur une jambe de bois…
La crise, nous dit-on, serait passée par-là ; réduisant les budgets publicitaires à une peau de chagrin.
Mal profond
En fait, le mal profond dont souffrent les médias locaux, tient à la fois à l’étroitesse du marché et donc à une manne publicitaire aussi attendue que restreinte mais aussi à l’ouverture du pays martiniquais aux écrans du monde. Ces derniers ont des moyens qui leur permettent une production en quantité et surtout de qualité qui soulignent aux yeux des lecteurs et téléspectateurs nos moyens de pays sous-développés en la matière, même si nos grandes maisons et nos grosses voitures font encore illusions!
France-Antilles, que l’on aurait cru à l’abri de ce type de déconvenue eu égard à sa situation de monopole dans la presse quotidienne, démontre aujourd’hui combien la presse martiniquaise, dans son ensemble, est en situation de fragilité et, avec elle l’expression libre, la démocratie!
Nul ne devrait ou même ne doit rester sans réaction face aux risques de disparition d’espaces d’expression, gages de renforcement du sens critique des citoyens par le pluralisme de l’information.
L’entreprise France-Antilles est désormais, elle aussi, confrontée à l’obligation de mutation imposée par la technologie numérique. Elle s’y est mise, il y a pourtant un moment. Mais, le journal papier à ses raisons que les tablettes et autres supports informatiques ignorent.
Les salariés de l’imprimerie de ce journal seront certainement amenés, eux aussi, à des sacrifices, consentis ou pas, mais nécessaires pour sortir de l’ornière.
Les nouveaux médias ne sont liés ni au coût du papier, ni aux contraintes de la distribution et le temps réel est pour eux un atout, quand il est l’ennemi des médias traditionnels. La roue du temps technologique semble avoir pris le pas sur le roulement des rotatives.
Pour ne pas être broyée par les rouages du progrès, la presse est désormais placée dans l’obligation de repenser ses méthodes de travail, de production et de circulation de l’information.
Sans doute le temps est-il venu, ici aussi, d’organiser des Etats Généraux de la Presse avec les décideurs économiques, politiques et sociaux de ce pays.
Guy Flandrina, président fondateur du Club Presse Martinique Association des Journalistes professionnels
Vendredi 03 octobre 2014