— Par Marie Le Douaran —
Face à Barack Obama, le président sénégalais Macky Sall a estimé jeudi que son pays « n’est pas prêt à dépénaliser l’homosexualité ». 38 pays sont encore dans ce cas en Afrique subsaharienne.
Législations anti-LGBT
Rouge: pays dotés d’une common law issue de la puissance coloniale et criminalisant les relations consenties entre personnes de même sexe.
Vert: Pays dotés d’un Code pénal les criminalisant.
Gris: Pays où aucune loi ne les criminalise.
Seuls 11 pays n’ont jamais pénalisé les homos
Seuls le Burkina Faso, le Congo, la Côte d’ivoire, le Gabon, Madagascar, le Mali, le Niger, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Rwanda et le Tchad n’ont jamais érigé l’homosexualité comme une infraction dans leur législation.
En visite au Sénégal jeudi, Barack Obama a exprimé son soutien aux droits des homosexuels africains. Une prise de position qui entre parfaitement dans la communication de la diplomatie américaine, axée depuis 2011 sur la défense de la minorité gay. Mais qui se confronte aussi à une triste réalité sur le continent, reflétée par la réponse de son homologue Macky Sall: le Sénégal n’est « pas encore prêt à dépénaliser l’homosexualité ».
Dans un rapport paru mardi, Amnesty International dresse le sombre panorama de la situation des personnes LGBT (lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres) en Afrique subsaharienne. Même si tous n’appliquent pas la loi, 38 pays interdisent encore les relations homosexuelles consenties, des législations souvent héritées de la période coloniale.
Les améliorations constatées ces 10 dernières années -dépénalisation au Cap-Vert, à Maurice et aux Seychelles, lois contre la discrimination aux Seychelles, au Mozambique, au Botswana…- , semblent bien maigres face à l’étendue des discriminations. Récemment, le Soudan du Sud et le Burundi ont pénalisé les relations homosexuelles, le Nigéria, le Libéria et l’Ouganda tentent de durcir les peines encourues. En Ouganda, les LGBT pourraient même encourir la peine de mort.
Violentes discriminations
Même en Afrique du Sud, seul pays à autoriser le mariage homosexuel et l’adoption par des couples de même sexe, les agressions atteignent un niveau élevé: au moins sept personnes, en majorité des lesbiennes, ont été tuées entre juin et novembre 2012 dans des actes motivés « selon toute apparence par leur orientation sexuelle ou leur identité de genre ». En Zambie, au Kenya, au Ghana, au Cameroun et au Rwanda, Amnesty International a constaté de nombreuses arrestations arbitraires: « Souvent, ils recherchent des préservatifs ou des tubes de lubrifiant à titre de preuve » raconte Solomon Wambua, militant de la Coalition gay et lesbienne du Kenya (GALCK). Menaces, insultes, racket, discriminations au travail, intimidation, viols, violences policières… les homosexuels et les militants de leur cause sont fréquemment victimes d’une homophobie latente.
Amnesty International
Car même si elles ne sont pas appliquées, ces lois créent une atmosphère dans laquelle les LGBT sont discriminés en public comme en privé, sans être protégés en retour par la justice. Mais d’autres facteurs viennent alimenter ces discriminations. Pour de nombreux responsables politiques, comme Robert Mugabe au Zimbabwe, l’hostilité ouverte à l’homosexualité est une manière de détourner l’attention des problèmes économiques et sociaux, tout en s’assurant le soutien des franges conservatrices de la population. De même, l’ONG dénonce les médias « où s’épanouissent les attitudes discriminatoires vis-à-vis des personnes LGBT ». Exemple le plus frappant, celui du « Top 50 des homosexuels présumés » publié par un journal camerounais. Des personnalités que l’organe de presse jugeait corrompues… donc homosexuelles.
La religion et l’Occident
L’homophobie prend également racine dans la religion. Encore aujourd’hui, certaines confessions, parfois fusion de religion traditionnelle et de christianisme, prêchent l’exclusion des LGBT, explique le rapport d’Amnesty: en Ouganda, il existe même une Coalition interconfessionnelle contre l’homosexualité. « Dans de nombreux pays, la religion est dans certains cas à la fois une justification et un vecteur de la discrimination » a pu constater l’ONG. Et certains dirigeants religieux ne s’embarassent pas de contradictions: Ils invoquent le christianisme ou l’islam comme élément constitutif de l’identité africaine, mais font de l’homosexualité une pratique importée de l’Occident, donc non africaine, ce qui leur permet de justifier les discriminations
Les nouvelles églises évangéliques, en plein essor, jouent aussi un rôle important dans ce discours religieux hostile aux LGBT. Au Kenya, par exemple, certains dirigeants anglicans accusent les homosexuels d’être responsables d' »un délabrement social réel ou supposé ». Certaines de ces Eglises reçoivent aujourd’hui le soutien de déçus des Eglises occidentales qui ont pu s’ouvrir, pour certaines, à la communauté gay. De même, ajoute l’ONG, certaines d’entre elles sont financées par des homologues occidentales, notamment des Etats-Unis, ou des agences gouvernementales américaines. Raison de plus pour Obama d’insister sur cette question jeudi.
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publié le 29/06/2013 à 09:28, mis à jour à 10:28