— Par Pierre Pastel —
D’une manière retentissante et prenant l’humanité entière à témoin, notre nouvelle actualité mondiale pandémique nous contraint à une remise en question générale. Cette pause forcée sous la forme d’une quarantaine sans précédent interroge nos choix et nos valeurs. Face au naufrage collectif potentiel, c’est surtout le rapport de l’homme à l’homme qui doit nous interpeller. Qu’est-ce que l’homme pour l’homme ? Que veut faire l’homme de l’homme ? À l’heure de la financiarisation triomphante du vivant, à l’heure où l’humain est devenu la principale marchandise de ce qu’il convient d’appeler la guerre économique mondiale, quel chemin prendre pour préserver l’homme de lui-même ? L’homme guerrier ambitieux et fou est devenu à la fois son principal allié et son plus dangereux ennemi. Comment réduire la faillite éthique qui conduit l’humain à s’autodétruire ? Comment retrouver le dénominateur commun moral qui réinscrive l’humanité dans une perspective harmonieuse et pacifique, salvatrice et pérenne ? Le chemin du rêve commun n’est pas tracé, il est à tracer ensemble. À travers une relecture de notre définition de l’homme, Pierre Pastel, universitaire, sociologue et thérapeute, nous invite de nouveau1 à méditer cette réponse éthique qui sera nôtre, pour le monde nouveau que nous devrons réinventer.
Je vis, j’évolue, je m’épanouis avec l’Homme, grâce à l’Homme.
Au milieu des hommes je n’ai pas d’avenir sans
l’Homme.
Tout Homme peut donc nourrir la Prétention de me prescrire ma direction,
ma conduite ou ce que doit être ma pensée.
Il en a tout le loisir.
Tout comme moi, il réfléchit, il pense, il a ses convictions, ses émotions, il couvre ses intérêts.
Je ne peux pas l’empêcher d’avoir son avis sur moi et son projet pour
Moi.
Il peut être amené à me contraindre physiquement, économiquement, socialement, psychologiquement, affectivement pour me façonner à sa
Synthèse.
Cependant, je suis seul à connaître mes appointements du moment, seul à expérimenter mes émotions de l’instant, seul à faire ma propre synthèse, seul avec moi à l’heure de la décision.
Il peut, et il en a la faculté, il peut donc m’incarcérer physiquement, socialement, économiquement, psychologiquement, affectivement,
mais il ne peut disposer de mon
Ame.
C’est le lot de tout Homme d’ailleurs.
L’Homme au-delà de l’homme est un produit volatile, plus léger que l’huile, plus léger qu’une fibre de coton, plus léger que l’éther, plus léger que l’air, plus léger que le
Vide ultra-vide.
Il est plus félin que le chat, plus rapide que la lumière, plus solide que l’iridium,
plus fragile que la larve têtard, plus versatile que le caméléon,
plus informe que l’eau, son principal constituant.
Plus silencieux que la nuit se virant à l’aurore ou l’aurore se virant au jour,
plus sauvage et violent que l’ensemble des Fauves réunis et prêts à charger, il reste Homme.
Homme, il se révèle plus fécond que son propre cerveau dans lequel se produisent des milliards de connexions synaptiques par milliseconde,
Plus doux que la ouate, plus Aimant que l’Amour,
plus subtile que la mangouste face au serpent,
Plus rusé, plus Cruel, plus sadique
que le rat, il est toujours Homme.
C’est bien parce que l’homme est Homme qu’il est désespérément
Insaisissable.
Je le confirme, la distance la plus courte entre deux hommes est incontestablement
l’Infini.
Seul l’Amour Inconditionnel mutuellement partagé peut réduire considérablement cette distance.
Collection : « Viens me chercher là où je suis »
Pierre Pastel
Texte publié en 2008 dans la revue Alizés.
1 Texte publié en 2008 dans la revue Alizés.