— Par Selim Lander —
Parallèlement au festival des Petites Formes, on peut assister au Théâtre municipal de Fort-de-France, jusqu’au samedi 26 mars, à un très brillant monologue de Pierre Notte, mis en scène par lui-même et remarquablement interprété par Muriel Gaudin. Une femme qui se raconte, ce que c’est que d’être une femme dans la France d’aujourd’hui, le sexisme ordinaire, la drague pas très maligne avec des blagues pas très fines quand il ne s’agit pas d’invites sexuelles directes et grossières. Bien « torché », et P. Notte sait comment faire, cela ferait déjà une bonne pièce mais il a eu la très bonne idée de choisir une femme pas comme les autres, avide d’expériences et de savoir. Est-ce parce qu’elle a été renversée par un cycliste et s’est retrouvée couchée sur un trottoir, inconsciente, pendant quelques minutes ? Toujours est-il qu’elle se réveille pleine d’interrogations et bien décidée à ne plus s’en laisser compter par les hommes. Les conversations avec ces derniers se terminent toujours de manière abrupte, même si, comme le lui dit son frère à un moment, ce n’est quand même pas comme si elle abandonnait un chien au bord de l’autoroute par temps de canicule ! Donc cette femme provoque et abandonne aussitôt, laissant ses interlocuteurs dans le plus grand désarroi.
Cette femme est en réalité elle-même en plein désarroi, incapable par exemple de choisir un paquet de cigarettes ou un magazine. Et si elle crane devant ses interlocuteurs, c’est pour mieux cacher son incertitude existentielle… jusqu’au jour où elle décide de ne plus parler, en attendant pire (que le spectateur découvrira).
Elle n’est pas « normale » car elle n’est pas vraie, seulement un personnage de théâtre. Comme Phèdre ou Tartuffe. Nul ne reprochera à P. Notte d’ignorer les ressorts du théâtre : ici, faire ressortir quelques pans de vérité par l’intermédiaire d’un protagoniste « extraordinaire ». A chacune des rencontres où elle se confronte à des interlocuteurs différents, quitte à aller les chercher s’ils ne se présentent pas spontanément, sa personnalité se dessine un peu mieux – un bon exemple de l’adage « on se pose en s’opposant » – et elle jette quelques lueurs nouvelles sur notre société.
La mise en scène étant par la force des choses (une seule comédienne) réduite à peu de choses, après le texte le succès de la pièce repose sur la prestation de l’interprète. Muriel Gaudin a les « épaules » qu’il faut pour porter ce texte. Sans jamais exagérer, elle passe d’un personnage à l’autre en leur donnant à chacun, sans aucun accessoire particulier, suffisamment d’originalité pour le distinguer des autres. En fait d’accessoires, elle ne dispose que d’une bouteille et d’un verre dont on se demande d’ailleurs pourquoi ils sont là mais qui semblent l’aider. Comme bien sûr les jeux de lumières et la chanson en guise d’entre-acte.
On ne saurait trop recommander cette pièce au féminisme bien plus discret que ce qu’avance le bref texte de présentation diffusé par le théâtre. Une pièce qui, par ailleurs, offre maintes occasions de rire ou de sourire.
L’histoire d’une femme, du 24 au 26 mars au T.A.C. à 19h30.