— Par Jean-Marie Nol, économiste financier —
Et si le but ultime du dessein secret de François Hollande, et la raison d’être de sa stratégie actuelle pour redresser la France, était de déconstruire idéologiquement le parti socialiste pour recomposer le paysage politique de la France .
«Il faut un acte de liquidation. Il faut un hara-kiri» pour le PS, assure François Hollande dans le livre. Le chef de l’État aurait voulu en finir avec le parti qu’il a dirigé pour créer une nouvelle structure progressiste, le Parti du progrès. Une ambition qui a heurté la direction de l’actuel PS, à commencer par Jean-Christophe Cambadélis, pourtant soutien du chef de l’État: «C’est une réflexion du président de la République que je ne partage pas», a-t-il réagi.
Que pèse encore François Hollande ? Les Français sont nombreux ( 70% )à estimer l’action politique de François Hollande comme totalement insatisfaisante et seuls 4% trouvent encore son action satisfaisante . Également nombreux sont les hommes politiques à traiter le président d’amateur . Qu’est-ce que cela nous dit de notre époque et que penser d’une telle situation ?
François Hollande ne pèse peut être plus rien au niveau de la popularité auprès des Français mais n’en doutons pas, il continuera à mener la danse . François Hollande tout comme Nicolas Sarkozy ont une capacité hors du commun à encaisser les chocs, à se reconstruire et à contre-attaquer. Ils ont suffisamment d’estime de soi, de conscience de leur supériorité et de « niaque », pour ne pas se perdre en introspection ni en contrition, et nul doute qu’ils tenterons de rebâtir le profil de l’homme d’État qui voit plus haut, plus loin et surtout plus large que les autres, mais le hic c’est qu’ il n’est pas permis à tout le monde d’aller à Corinthe .
En fait, il s’agit d’une formule qui est devenu un proverbe dont la signification est la suivante : il n’est pas donné à tout le monde de faire certaines choses,ou encore la réussite en tout genre d’affaires n’est pas permise à tout le monde à cause des difficultés qu’elles présentent !
Cet aphorisme nous vient des Grecs ( Corinthe était l’une des plus importantes cités de la Grèce antique ); il a son origine dans ce fait émis par Érasme qui dit que l’abord du port de Corinthe était fort difficile à cause des écueils semés sur la route et qui causaient souvent des naufrages. On applique ce proverbe aux personnes dont les projets ne sont pas en rapport avec leurs facultés et dont les talents sont au-dessous de leurs prétentions.
Le proverbe en question rapporté à notre analyse de la stratégie audacieuse mais masquée de François Hollande, que nous avons toujours qualifiée de très risquée voire de hasardeuse dans nos différentes chroniques, signifie à notre sens qu’un possible échec en vue n’est pas à exclure pour cette politique dite au service du redressement de la France, et ce en dépit des indéniables aptitudes de ce président diplômé des 3 plus prestigieuses grandes écoles Françaises (HEC, Sciences Po, ENA ),ainsi que d’un parcours politique sans tâche ( Haut fonctionnaire de cabinet ministériel auprès de François Mitterrand,conseiller référendaire à la cour des comptes, député, président de conseil général, premier secrétaire du parti socialiste pendant 11 ans, Président de la République ).
François Hollande dont le modèle en politique semble être François Mitterrand a -t- il toutes les qualités requises pour mener à bon terme la mutation idéologique, morale, politique et économique de la France . Dans un contexte national et international extrêmement difficile pour ne pas dire chaotique, il ne possède pas, selon nous, ce que j’appelle à la suite de certains chercheurs en neuropsychologie, » la diagonale du pouvoir « basé sur un équilibre parfait des préférences cérébrales .Les deux composantes clés de l’intelligence gagnante sont l’intelligence pratique et l’intelligence créative à savoir un parfait équilibre entre les 4 quadrants des 2 hémisphères du cerveau .Ce modèle appelé « Modèle Herrmann » représente sous la forme d’un cercle divisé en quadrants, 4 grandes familles de modes de traitement de l’information :
•mode dit « gauche » (associé à l’hémisphère gauche du cerveau) : raison et méthode
•mode dit « droit » (associé à l’hémisphère droit du cerveau) : sentiment et imagination
Dans un gros ouvrage « ces cerveaux qui nous gouvernent « , l’auteur Marie – Joseph Chalvin (psychologue, consultante et formatrice en techniques comportementales et cognitives) nous explique que les deux hémisphères, cerveau gauche, cerveau droit, et les deux sous-parties limbique et corticale permettent de décrire quatre styles de pouvoir à travers une approche neuropsychologique des hommes d’État et des hommes politiques : l’expert, le stratège, le communicateur et l’organisateur.
François Hollande qui passe pour un homme très intelligent est avant tout un calculateur, un personnage cynique, froid et sans état d’âme en dépit des apparences, je dirais un politique rusé voire roublard, doublé d’un intellectuel à l’esprit logique, analytique et rationnel, en gros un cerveau à dominante limbique gauche (l’expert, et l’organisateur )et un cerveau droit à caractéristique cortical ( le stratège ) . C’est là,certes, incontestablement la marque du pouvoir de la plupart des hommes d’État, mais il lui manque le caractère intuitif ( relire à ce sujet notre article intitulé « Une maîtresse journaliste politique à l’Élysée : l’inquiétante légèreté de Hollande » ) de l’hémisphère droit du cerveau ( le communicateur ) et l’instinct meurtrier du chef dominant envers l’adversaire politique .C’est cette faiblesse là qui explique son manque de charisme et le fait que sa parole n’imprime pas les esprits . Absence chez Hollande du feu sacré et de l’œil du tigre (une pierre à double tranchant ) à la différence d’un François Mitterrand qui avait génétiquement en lui cette diagonale du pouvoir qui lui permettait de jouer alternativement sur tous les tableaux allant de l’expert au stratège en fonction des circonstances,et passant du communicateur à l’organisateur lorsque la situation du terrain politique l’exigeait .Cette faculté qui n’appartient qu’aux très grands politiques permet d’expliciter la formule de François Mitterrand :Il faut savoir épouser le terrain et ne laisser au hasard que la part qui lui revient .
Si François Hollande veut conjurer le mauvais sort et combler l’handicap d’une partie de son cerveau droit « le communicateur »(limbique droit ), et ainsi avoir une chance de réussir dans son entreprise, il devra, à part le fait de s’appuyer sur Manuel Walls ( un pur limbique droit )impérativement apprendre à développer un autre discours de la méthode à savoir : assumer, expliquer et parler vrai et surtout éviter « les effets d’annonces de type yo-yo » non suivi d’effet tangible .En un mot, il devra désormais proscrire la méthode de l’exercice du pouvoir qui prévaut aujourd’hui : Dire tout et son contraire,faire et défaire, proclamer des intentions que les réalités viendront contredire .François Hollande pourrait-il prétendre intervenir dans son destin et celui de la France grâce à son seul savoir faire ?
Mais en a -t- il la réelle possibilité sachant que François Mitterrand, lui le florentin, prisait cette maxime d’un frondeur roué, le cardinal de Retz : « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment » et que Molière disait dans sa pièce de Dom Juan « qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siècle. » Alors,face à cette quadrature du cercle du pouvoir, on peut tous légitimement se demander » Que penser » ?, la réponse n’est certainement pas à trouver dans la pensée philosophique de Descartes ( « je pense, donc je suis » )mais peut être dans celle de la philosophie des Lumières . Cette philosophie des Lumières qui se base sur la croyance en un monde rationnel, ordonné et compréhensible, exigeant de l’homme l’établissement d’une connaissance également rationnelle et organisée qui doit nécessairement selon nous reposer sur l’éthique . OUI,l’éthique qui se doit plus que jamais à l’heure de la mondialisation, rester vaille que vaille un curseur de la morale et des mœurs en politique et un sédiment social tel que mentionnée par l’écrivain Albert Camus dans sa pièce « Les justes » . En cela,à nos yeux, l’éthique est une recherche d’idéal de société et de conduite de l’existence.
Mais l’adversité et la roublardise ne font pas peur à François Hollande, elles le portent. «J’assume !» »s’exclamait- t –il en pleine tempête du tournant social démocrate et du pacte de responsabilité . Il aime le mot, il le répète il l’assène !.Plus ça tanguera, plus il incarnera le visage de la force tranquille de Mitterrand . C’est sa force .Il campe le capitaine dans la tempête, celui qui affronte, celui qui sait où il va au moment précis où la droite s’apprête à asséner les pires coups en jouant la carte du recours.
François Hollande a estimé dès son élection en Mai 2012 qu’il y a des réformes qu’il faut faire, des équilibres qu’il faut trouver, un dialogue qu’il faut engager …. « Mon rôle, c’est de trouver le bon équilibre, de faire avancer la France et de ne jamais être dans l’idée que le mieux à faire, c’est de ne rien faire » …..« Quand le doigt montre la lune, l’idiot regarde le doigt. ». Si les mots ont encore un sens, l’aile gauche du PS a franchi la ligne rouge. Valls avait le premier lancé les hostilités, lors d’un meeting à Corbeil-Essonnes, estimant qu’il existait désormais deux gauches « irréconciliables ». Il a enfoncé le clou en précisant qu’il y avait celle « du XIXe siècle », la gauche de la gauche en somme, qui s’oppose à son projet progressiste, et celle du « XXIe siècle », la sienne, qui veut déverrouiller les blocages du pays.
Entre-temps, le climat politique s’est dégradé entre socialistes et surtout entre François Hollande et le peuple Français . Sur le fond, l’avertissement est sévère : une large partie des Français ne supporte plus la politique en trompe l’œil conduite par François Hollande . Il a cru tout réinventer de la politique Française en divisant son propre camp et en affaiblissant la droite par les affaires et le FN, il s’est cru suffisamment puissant et malin pour imposer de nouveaux codes dans un sens plus libéral au pays sans le dire ouvertement . C’est l’absence d’un projet clair et lisible pour le pays… Mais s’est -t- il pour autant trompé ?. Le soupçon est présent . C’est un fait. Tout est sur la table, tout se mélange: le supposé changement de politique social démocrate du président de la République et son supposé changement de socle idéologique de la gauche vers un social libéralisme.
C’est la limite de l’exercice à laquelle François Hollande s’est livré : le calcul ne suffit pas. Il faut aussi une vision qui le transcende et qui comme François Mitterrand aimait à le dire, sache épouser le terrain et qui ne laisse rien au hasard, avec cette difficulté qu’elle apparaît souvent après coup, quand tout est déjà joué.Mais est-ce vraiment la der des der ? François Hollande va-t- il changer de masque sans changer de visage ?….C’est ce qui s’appelle jouer en contre pour sortir d’un sable mouvant dans lequel le président s’est engagé fleur au fusil avec une visibilité réduite . Ce serait la démonstration éclatante que François Hollande n’est pas tombé des deux pieds dans le piège de l’impopularité de celui qui réforme en profondeur un pays au risque de mécontenter tout le monde . C’est un curieux précipité, inhérent au quinquennat, mais pas toujours convaincant, car dès qu’il veut prendre de la hauteur, il se retrouve tiré vers le bas, mêlé aux basses contingences qui aussitôt déprécient sa parole. Il manque de bouclier. C’est ce contretemps sur sa volonté de réformer le pays qui rendra désormais si problématique la communication présidentielle : plus elle se voudra positive et libérale, plus elle sera vécue comme provocatrice par une partie des socialistes et des Français . C’est la plus mauvaise configuration, celle qui conduit à l’asphyxie.
Le piège se referme : on n’est plus du tout dans l’ambiance consensuelle, unitaire et raisonnée de mai 2012, cette fois, les « faucons » mènent la danse. Rien ne s’est passé comme prévu pour François Hollande mais il lui reste encore une arme, le pouvoir d’un mot, la force d’une injonction : l’unité dans le changement . L’unité de la France envers et contre tout, le changement pour la sauver de ses propres démons. L’ambiguïté jusqu’à l’échéance finale de 2017, après on verra. Sur son propre bilan, le candidat président est pugnace. Conspué par la droite, il ne concède que deux erreurs : avoir minimisé, à son arrivée, l’ampleur de la crise de la zone euro et n’avoir pas dit qu’il « prenait la direction d’une France accablée de déficits ». Vis-à-vis de la gauche, François Hollande défend pied à pied ses orientations, qu’il juge conformes aux idéaux de son camp : « démocratie, justice, égalité », revendique la conquête « de nouveaux droits » en même temps que « la modernisation du pays ». Et n’oublie pas, sur ce dernier point, d’invoquer Mauroy, Delors, Bérégovoy et Jospin, pour ne pas avoir à endosser seul la politique de l’offre qui continue d’être vécue comme une trahison par tout un pan de la majorité.Le socialisme monarchique était une illusion. Il s’est échoué dans la débâcle des élections perdues les unes après les autres . Les urnes ont sanctionné l’isolement d’un président qui, au lieu de fabriquer de la croissance, a forcé sur l’impôt sans parvenir à enrayer le chômage de masse qui bouche l’avenir.
Mais c’est sur son projet pour la France que François Hollande se dévoile le moins et démontre pour la première fois une grande cohérence dans une apparente ambiguïté.Désormais, le scénario du dessein secret de François Hollande pour changer la France prend de la consistance et avec quel mimétisme avec François Mitterrand !Mais il y a un hic car, faute de résultats, cette posture apparaît non pas prometteuse mais destructrice : la gauche a l’impression de perdre son latin et ses valeurs pour une victoire présidentielle qui lui parait de plus en plus hypothétique, et là, franchement, on aura touché le fond car l’acteur François Hollande aura accompli son œuvre : il aura achevé de tuer le politique. Le pouvoir actuel en France n’est plus une incarnation. C’est un corps social en état de choc, plongé »dans la centrifugeuse de l ‘actualité », qui fuit de partout et vocifère. « Dévoration et vocifération vont de pair : ce sont les deux modèles de la déconstruction du politique » écrit Salmon.
François Hollande n’est jamais dans le déni. Il analyse tout avec lucidité, au point de ressembler aux journalistes qui commentent les déboires des politiques . Il faut le croire lorsqu’il parle de « cette vérité douloureuse » que constituent l’avènement du tripartisme, la progression dans « la patrie des droits de l’homme » du Front national donné en tête lors du premier tour de la prochaine présidentielle.
Il faut lui faire crédit lorsqu’il prend acte de la défiance croissante à l’égard de l’Europe, du discrédit dont souffre le socialisme auprès des couches populaires, de la peur du déclin qui taraude le pays. Mais alors que son premier ministre avait évoqué un séisme qui aurait pour conséquence de pulvériser le socialisme aux prochaines présidentielles, il n’a pas de réponse au séisme. Il parait impuissant.
François Hollande n’a plus de cartouches. Ils les a toutes tirées.
Le piège donc se referme tout seul sur la vie politique en France . En vain, le pouvoir se dérobe, comme s’il n’existait plus. A la place un grand vide, sans doute parce que le contrat de départ était vicié : tout, à ce niveau là, ne peut pas être dit . Avec en outre cette tragédie que tous les leviers du changement sont comme frappés de paralysie, si bien qu’aujourd’hui le président cumule tous les inconvénients : une impopularité record, des doutes sur sa capacité à sortir le pays de l’ornière du chômage de masse à un moment où les échéances électorales de 2017 – présidentielles – l’incitent à la prudence sur la mise en œuvre du plan de rénovation du modèle économique et social de la France. Aucun des épisodes n’est clos depuis la fronde contre la loi travail, mais symboliquement, le mal est fait.
Sur le fond, le projet politique de François Hollande reste bien de parvenir à inventer une « flexisécurité » voire un libéralisme à la française, non pas par la force mais au terme d’ un « compromis intelligent et efficace ». Chaque mot compte alors que la France est en train de devenir une singularité en Europe en raison de son chômage de masse qui n’a cessé de prospérer en quatre ans. Si l’on osait un mauvais jeu de mot, on dirait que la gauche, mal aimée des Français, est en passe d’être déchue du rôle historique qu’elle s’était attribuée : porter le progrès, défendre la liberté, l’égalité, la fraternité. François Hollande a tout bougé alors qu’il déteste les révolutions. C’est dire l’ampleur de la secousse. Aujourd’hui, pour regagner la confiance des siens, il doit rééquilibrer son discours et sa politique, muscler l’offre et répondre à la demande, autrement dit convoquer avant l’heure la dernière étape du quinquennat, qui était prévue pour panser les plaies de la première. Or, il n’en a pas les moyens : la croissance française est trop faible, la compétitivité trop entamée, les déficits trop importants, alors il met la pression sur l’Europe pour tenter de desserrer l’étau et exiger d’elle la prospérité qu’il n’a pas été capable de faire revenir.François Hollande a beau être affaibli, il n’est dupe de rien, car son grand dessein secret est de changer le logiciel idéologique du parti socialiste (un « socialisme du mouvement » adapté à un » monde multipolaire, instable » un socialisme qui poursuit inlassablement le combat pour l’égalité mais « l’égalité réelle pas l’égalitarisme ») et de transformer le socle idéologique de la France voire changer sans le dire ouvertement le modèle économique et social de la France vaille que vaille…. une stratégie à quitte ou double avec un véritable enjeu à la clé, quitte à ne pas être présent lors des prochaines présidentielles !!!
Jean- Marie Nol