— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Le débat entamé sur l’évolution institutionnelle met en lumière les défis économiques et sociaux auxquels fait face la Guadeloupe et plus généralement les territoires d’outre-mer. Dans ce cas de figure, et pour répondre à ces enjeux, faudrait-il au préalable cheminer «vers un consensus» sur un projet de réforme constitutionnelle permettant une autonomie et la reconnaissance qu’une nouvelle collectivité de Guadeloupe aurait une place singulière dans la Constitution, avec ses “spécificités linguistiques, culturelles et insulaires” et “son attachement à la terre”, et donc pour ce faire serait dotée de la compétence législative et réglementaire, c’est-à-dire d’une autonomie normative, dans des domaines qu’une loi organique fixerait. Tout celà est très tentant, mais à notre avis pour le moment, c’est trois fois NON NON et NON. Car tout cela s’avère prématuré en raison de la crise inflationniste actuelle et aussi in fine celle des finances publiques de la France hexagonale. Alors que le Pic de la crise n’est pas encore d’actualité, vouloir réformer les institutions c’est assumer le terrible risque que les élus déjà en piètre estime auprès de la population soient désignés comme les boucs émissaires, l’État se défaussant de toutes responsabilités sur la foi de compétences n’étant nullement de son ressort. C’est là le piège de l’évolution statutaire.
Pour l’heure à notre avis, il suffira que la Guadeloupe dispose d’une “habilitation générale” pour adapter à sa situation des textes législatifs et réglementaires pour construire ce nouveau modèle économique et social Il convient que tous les élus de la Guadeloupe continuent à être prudents sur la question du changement de statut et notamment le maintien des deux assemblées existantes sur le territoire. Lorsque j’évoque dans mes articles l’émergence d’un nouveau modèle économique et social avec à la clé un véritable plan de développement sur 10 ans, c’est en raison des défis persistants rencontrés dans la réalité économique et sociale, notamment en Guadeloupe et dans les territoires d’outre-mer. Un nouveau modèle économique et social fait référence à une approche innovante et adaptée aux besoins actuels de la société. Il repose sur des principes de durabilité, d’inclusivité et de justice sociale. Contrairement au modèle traditionnel de la départementalisation qui peut être très rapidement obsolète avec les crises ou inefficace face aux évolutions technologiques ( intelligence artificielle), économiques, environnementales et sociales, ce nouveau modèle vise à promouvoir une croissance économique équilibrée, à réduire les inégalités, à garantir un accès équitable aux ressources et opportunités, ainsi qu’à prendre en compte les impératifs écologiques. En somme, les élus locaux doivent chercher à construire un système économique et social plus résilient et harmonieux et exempt de l’assistanat actuel. L’application d’un nouveau modèle économique et social se traduira concrètement par plusieurs changements dans les politiques et les pratiques économiques et sociales.
Voici quelques exemples :
– Réforme de la chaîne d’approvisionnement : Il pourrait y avoir des mesures visant à réduire la concentration verticale et horizontale dans la chaîne d’approvisionnement, favorisant ainsi une concurrence plus équitable et des prix plus abordables pour les consommateurs.
– Investissement dans les infrastructures et les services publics : Pour stimuler la croissance économique et améliorer la qualité de vie, il pourrait y avoir un accent accru sur l’investissement dans les infrastructures, tels que les transports, l’énergie et les télécommunications, ainsi que dans les services publics essentiels comme l’éducation et la santé.
– Promotion de l’innovation et de l’entrepreneuriat : Des incitations pour encourager l’innovation et l’entrepreneuriat, notamment dans les secteurs émergents et durables, pourraient être mises en place afin de favoriser la création d’emplois et la diversification de l’économie.
– Transition vers une économie plus durable : Des mesures pour promouvoir la durabilité environnementale, telles que des politiques de réduction des émissions de carbone, le développement des énergies renouvelables et la promotion de pratiques agricoles durables, pourraient être mises en œuvre pour faire face aux défis climatiques et environnementaux.
En somme, l’application d’un nouveau modèle économique et social impliquerait un ensemble de politiques et d’actions visant à créer un système plus équitable, durable et résilient, capable de répondre aux besoins actuels et futurs de la société.
Les prix en constante augmentation, les revenus peu élevés et les difficultés quotidiennes des familles soulignent la nécessité d’une réévaluation des structures économiques et sociales en place. Ce nouveau modèle vise à une réflexion prospective dont l’objectif est d’appréhender ces défis de manière plus efficace et inclusive, en prenant en compte les spécificités locales et en cherchant à réduire la prédominance des monopoles et des
oligopoles dans la chaîne d’approvisionnement.
Il convient ainsi de souligner une augmentation constante des prix avec la crise inflationniste, des ressources insuffisantes des collectivités locales, et des difficultés dans la configuration de la gestion des politiques publiques. Un diagnostic économique approfondi est nécessaire avant tout changement de statut de la Guadeloupe, mettant en évidence non seulement les problèmes traditionnellement liés à l’insularité et à l’éloignement, mais également les défis liés aux monopoles et aux oligopoles dans la chaîne d’approvisionnement. La concentration verticale, où chaque produit passe par de nombreux intermédiaires avant d’arriver en magasin, entraîne une accumulation de marges, favorisant ainsi les monopoles et les oligopoles responsables de la vie chère et des frustrations identitaires. Cette concentration horizontale est également observée dans divers secteurs tels que l’automobile, l’aérien, le maritime ainsi que dans les activités économiques locales. Et force est de constater qu’un changement de statut ne réglera en aucun cas ces problématiques et bien au contraire risque de les aggraver…. En effet le frein principal tient à l’insuffisance financière des collectivités locales pour exercer pleinement les compétences propres, et maintenant aussi l’État français qui en est aujourd’hui réduit à des coupes budgétaires pour économiser plus de 10 milliards d’euros chaque année afin de réduire les déficits et surtout la dette.
Il existe plusieurs raisons pour lesquelles le gouvernement veut économiser 10 milliards d’euros sur son budget et décider de geler certains crédits. Ainsi réduire les dépenses publiques permet de réduire le déficit budgétaire, c’est-à-dire la différence entre les recettes et les dépenses de l’État. En 2023 le déficit du budget de l’État s’est monté à 173 milliards d’euros,soit 2 milliards de plus qu’en 2022. Le plan d’économie peut être nécessaire pour stabiliser ou réduire la dette publique et maintenir la confiance des marchés financiers.Le gouvernement est confronté à des contraintes budgétaires, notamment en raison de pressions fiscales limitées, de la nécessité de respecter les règles européennes en matière de déficit et de dette, ou de la nécessité de libérer des ressources pour d’autres priorités. En période de turbulence économique ou de ralentissement de la croissance, les gouvernements peuvent chercher à réduire les dépenses pour stabiliser l’économie et éviter une crise financière. Les pressions politiques internes ou externes, telles que les attentes des électeurs, les exigences des partenaires internationaux ou les recommandations des organismes de surveillance économique, vont dès les prochaines vacances à pousser le gouvernement à aller plus loin que le plan d’économie de 10 milliards et adopter des mesures d’austérité. Le gel des crédits et les économies réalisées visant à économiser des fonds publics suscitent déjà des controverses et des préoccupations, notamment en ce qui concerne les impacts sur les services publics, les inégalités sociales et la croissance économique en Guadeloupe.
En effet, les coupes budgétaires peuvent handicaper les politiques publiques de plusieurs manières : Les coupes budgétaires peuvent entraîner une réduction des services publics, tels que l’éducation, les soins de santé, les transports ou la sécurité sociale, ce qui nuit à la qualité de vie des citoyens et limite leur accès à des services essentiels. Par ailleurs, les coupes budgétaires peuvent entraîner des suppressions d’emplois dans le secteur public et para- publique ce qui peut aggraver le chômage et affaiblir la demande intérieure, nuisant ainsi à la croissance économique.D’autre part les coupes budgétaires peuvent conduire à un sous-investissement dans les infrastructures publiques, telles que les routes, les ponts, les écoles et les hôpitaux, ce qui peut entraîner une détérioration de ces infrastructures et des coûts plus élevés à long terme pour les réparer ou les remplacer. Et pour finir, les coupes budgétaires peuvent réduire les programmes de protection sociale, tels que les prestations de chômage, les allocations familiales ou les pensions de retraite, ce qui peut accroître les inégalités sociales et économiques et aggraver la pauvreté déjà conséquente en Guadeloupe. En résumé, les coupes budgétaires peuvent affaiblir les politiques publiques en réduisant les ressources disponibles pour fournir des services publics de qualité, soutenir la croissance économique et assurer la protection sociale, ce qui peut avoir des répercussions néfastes à long terme sur la société dans son ensemble. Les contraintes budgétaires vont limiter les moyens disponibles pour mettre en œuvre des politiques efficaces dans un contexte de changement statutaire, ce qui conduira parfois à des compromis ou à des choix suboptimaux. Le court-termisme politique va donc de fait prévaloir sur une planification stratégique à long terme, ce qui limitera la capacité des politiques publiques à anticiper et à résoudre les défis futurs de manière proactive.
Ces facteurs combinés vont très rapidement contribuer à l’inefficacité des politiques publiques en Guadeloupe dans certains domaines, bien que des progrès et des succès soient également observés dans d’autres secteurs comme le tourisme et les services. Lorsqu’on évoque l’impuissance actuelle des politiques publiques, l’on fait référence à l’incapacité des élus locaux à résoudre efficacement les problèmes sociaux, économiques, environnementaux ou politiques auxquels ils sont confrontés. Cela peut résulter de divers facteurs, tels que des ressources limitées, des intérêts divergents, une bureaucratie inefficace, une corruption généralisée, des défis structurels profonds ou encore une absence de volonté politique. Lorsque cette impuissance persiste, elle peut entraîner une perte de confiance des citoyens dans leurs institutions, des inégalités accrues, une détérioration des conditions de vie et parfois même des crises économiques, sociales ou politiques. Dans ce contexte il convient de souligner que l’impuissance des politiques publiques résulte de plusieurs facteurs, tels que la complexité bureaucratique, les intérêts politiques divergents, ou encore le manque de vision à long terme. Selon moi, cette impuissance conduit à un gaspillage des ressources publiques, à des inefficacités dans la gestion des problèmes économiques et sociaux, ainsi qu’à une frustration croissante parmi les citoyens. En conclusion, il faut insister particulièrement sur l’importance d’une réforme structurelle du modèle économique et social actuel pour renforcer l’efficacité de la gestion, introduire de la flexibilité, de l’innovation et de l’adaptation aux réalités économiques en constante évolution.
» SA KI FET, FET ! «
– traduction littérale : ce qui se fera, se fera
– moralité : advienne que pourra !
Jean-Marie Nol, économiste