— Par Serge Letchimy, président du conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Martinique —
Nous n’allons pas trahir notre histoire. Nous referons confiance à nos députés sortants qui ont déjà démontré tout au cours des années de leur mandature qu’ils ont à cœur de promouvoir notre Martinique. Jean Abrosi Ensemble, élevons nos voix contre l’intolérance, la haine, la division et l’injustice. Soutenons des politiques qui favorisent l’égalité, le mutualisme, le social, la solidarité, le respect des peuples, le respect de la dignité humaine dans le respect absolu du vivant. C’est ainsi que nous nous respecterons nous-mêmes. Serge Letchimy
Aujourd’hui, je vous parle avec le cœur brulé, la bouche amère.
Nous, gens des Antilles — descendants de peuples amérindiens génocidés, fils d’Africains déportés dans les enfers esclavagistes, fils aussi de ces hommes, de ces femmes, arrachés à l’Inde, à la Chine, à la Palestine, à la Syrie ou au Liban, dans des conditions barbares — nous avons traversé des siècles de souffrances, de luttes incessantes mais aussi d’héroïsmes entêtés et de résiliences marronnes.
Notre histoire est marquée par des effondrements entiers de cultures et de civilisations, mais aussi par des renaissances inattendues et des surgissements enthousiasmants. Nous avons connu cet omni-niant crachat dont a parlé Césaire. Nous avons enduré les chaînes du corps et de l’esprit, les brutalités de la colonisation, les blessures abjectes du racisme, les affres que subissent encore les minorités humiliées dans tous les bords du monde. Chacune de nos générations a dû surmonter des obstacles terrifiants pour conserver, intacts, des trésors de dignité, d’humilité sereine et d’orgueilleuse humanité. Elles ont gravé quelques-unes des plus belles pages de l’expérience humaine. La haine ne saurait donc passer par nous.
Réfléchir à ce passé irrécusable
Après ces élections au Parlement européen, il est impératif de réfléchir à ce passé irrécusable et à notre avenir. Nous devons comprendre l’aberration que représente pour nous le fait de soutenir, de manière active ou passive, l’extrême-droite. C’est une idéologie qui, par essence, nie tout ce que l’humanité peut avoir comme principes, comme rectitude, comme décence. Elle menace tous les fondements de l’État de droit, des protections républicaines et des fécondités de la Démocratie. Elle s’inscrit dans la filiation de ceux qui, de tous temps, nous ont insulté et porté atteinte à notre existence même.
L’extrême-droite, dans sa rhétorique et ses actions, prône la division, l’exclusion et la haine. Elle se nourrit des flammes du racisme, du mépris de l’Autre, de la xénophobie, celles-là mêmes qui ont tenté de nous réduire au silence, à la servitude et, aujourd’hui, à la déresponsabilisation. Elle promet un retour à un ordre injuste, oppressif, où notre place serait encore une fois reléguée à la marge, ou pire : assignée à la cale du vaisseau planétaire.
Nous devons nous rappeler que nos ancêtres ont combattu sans mollir pour la liberté, pour l’affirmation de leurs droits, pour leur simple possibilité de respirer. Ils ont refusé de céder à la peur, aux aliénations. Ils ont opposé un surcroît d’humanité à l’inhumanité totale qu’ils affrontaient. Ils nous ont ainsi conservé un accès privilégié à l’espérance la plus haute, à l’exigence la plus ardente, au souci de se tenir auprès de ce que l’humaine condition a de meilleur. Voter pour l’extrême-droite est une trahison de ce formidable héritage.
Élevons nos voix contre l’intolérance
Nous ne pouvons pas nous permettre d’oublier que notre force réside dans notre expérience collective singulière, dans notre diversité ouverte et dans notre capacité à surmonter l’adversité sans rien consentir à une quelconque indigence. Nous devons rester véyatifs, exigeants, intraitables, face à ceux qui tentent de manipuler nos frustrations à des fins inavouables.
Ensemble, élevons nos voix contre l’intolérance, la haine, la division et l’injustice. Soutenons des politiques qui favorisent l’égalité, le mutualisme, le social, la solidarité, le respect des peuples, le respect de la dignité humaine dans le respect absolu du vivant. C’est ainsi que nous honorerons la mémoire de nos ancêtres, que nous nous respecterons nous-mêmes et que nous construirons de belles saisons communes pour nos enfants. Mes chers compatriotes, ne laissez pas la rancœur, l’amertume et la régression morale s’immiscer dans nos cœurs. Ne permettons pas que l’histoire des conquérants, des méprisants et des dominateurs, se poursuive. Restons fidèles à ces catégories de justice, d’émancipation et de fraternité qui invalident tout ce qu’ils sont. Rejetons l’extrême-droite. Œuvrons ensemble pour une société où chacun pourra vivre, s’épanouir, partager, s’accomplir dans la créativité, le souci de l’Autre et le respect de lui-même.
En amour, en confiance et détermination.