— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Et si ce qui s’est passé dans l’étrange spéculation autour du blocage de la Guadeloupe par une surenchère de certains syndicats était révélateur d’un enjeu politique bien plus profond que la simple crise sanitaire ?… De tout temps, la Guadeloupe a été le lieu de crises multiples, mais c’est vrai de dire et croire que le climat actuel est pré-insurrectionnel, car en dépit des rodomontades de quelques élus guadeloupéens, la situation actuelle en Guadeloupe est explosive comme le prétend le président Macron certainement bien informé par ses services de renseignement . Dans le passé, on a connu pire. Ne nous emballons pas, car il n’existe pas de risque de révolte à grande échelle et encore moins de révolution dans le contexte actuel. Cessons de prendre des vessies pour des lanternes et faire peur aux gens en supputations à mon sens imaginaires.
Beaucoup de guadeloupéens se trompent sur toute la ligne car un rapport de force est une relation de conflit. entre plusieurs parties qui opposent leurs pouvoirs, ou en un sens plus littéral leurs forces, que cette force soit physique, psychique, économique, politique, religieuse, militaire…
Si les parties impliquées dans le rapport de forces ont un pouvoir inégal, on distingue la partie dominante à savoir l’État français et la partie dominée la Guadeloupe : s’applique alors automatiquement la loi du plus fort, autrement dit l’arbitraire du pouvoir. Le LKP pense à tort qu’il peut imposer son diktat à l’État comme il l’a fait avec les maires de la Guadeloupe. Actuellement, nous sommes entrés dans une impasse au niveau du dialogue, car le ministre de l’outre-mer Sébastien Lecornu refuse désormais toute discussion avec les organisations syndicales. « Je discuterai avec des gens qui condamnent la violence ». Sébastien Lecornu met l’accent sur « un retour à la sécurité, un retour à l’ordre public et une réponse ferme à l’obligation vaccinale « .
Quand à savoir s’il va discuter avec des leaders syndicaux du LKP , il répond : « ce ne sont pas des leaders syndicaux, ce sont des leaders politiques qui prônent la violence et suscitent le chaos en instrumentalisant des jeunes guadeloupéens marginaux et désœuvrés . je cite : « Ceux-là mêmes ne condamnent pas la violence. Moi je discuterai avec des gens qui condamnent clairement la violence. »
Au-delà de l’analyse de savoir qui possède le pouvoir politique, économique et social réel en Guadeloupe, il est important de mesurer, pour chaque curseur, le pouvoir perçu par certains guadeloupéens syndicalistes ou encore socio-professionnels . Car à moins d’avoir des informations précises sur le conflit actuel qui crée aujourd’hui une certaine forme de paralysie de la Guadeloupe, nous n’avons souvent qu’une représentation erronée du fort pouvoir de nuisances de certains syndicats et de la réalité de l’état d’esprit de l’État français qui réside aujourd’hui forcément dans une répression préalable à des négociations avec les élus locaux, et qui devraient à terme pouvoir faire émerger un statut d’autonomie pour la Guadeloupe .
Ce qui est important à comprendre c’est que nous vivons présentement une période singulière dans la vie sociale et économique guadeloupéenne. Il ne faut pas s’étonner si aujourd’hui cela prend une tout autre ampleur.
Les syndicalistes et autres activistes guadeloupéens ne font actuellement pas le poids dans un conflit socio politique comme tout le monde le sait dans le contexte actuel de l’opinion publique. Ne rêvons pas au grand soir comme l’ont fait à une époque nos aînés et ce au détriment de la vraie compréhension de l’environnement politique.
C’est que la société guadeloupéenne se fabrique un peu elle-même dans le désordre , et les politiciens qui ont participé à une réunion avec l’État devraient simplement avoir l’humilité de se demander dans quelle mesure ils peuvent l’aider dans sa résilience. Ils doivent l’accompagner, mais ils ne doivent pas vouloir la diriger à tout prix au prisme de leur idéologie passéiste. D’où mes désaccords et mes difficultés avec ceux pour qui tout est prétexte à faire du populisme. En ce sens les syndicalistes martiniquais qui ont déjà entamé des discussions avec le préfet et les élus de la CTM sur un cahier de revendications qui comporte 10 points, font preuve de responsabilité. D’ailleurs l’inter-syndicale a appelé à la levée des barrages après seulement un seul jour de blocage. De cette attitude courageuse de responsabilité découle la différence avec le comportement jusqu’au-boutiste des syndicalistes guadeloupéens. Si les négociations aboutissent rapidement en Martinique, cela serait de nature à débloquer la situation de crise et par conséquent cela va se solder par un désaveu de la méthode de bras de fer entre des syndicalistes guadeloupéens avec l’État français.
A mon sens, le président Emmanuel Macron et son gouvernement ont déjà tiré toute les leçons des erreurs passées de la politique coloniale française. Il n’est plus question de répression et de tuerie massive comme dans le temps en cas de crise conflictuelle . Le contexte politique a changé en même temps que celui de la mondialisation. La répression aveugle et sans discernement n’est pas aujourd’hui à l’ordre du jour. L’affaire des barrages érigés aujourd’hui en Guadeloupe n’est à mon avis que de l’esbroufe. Il n’y aura pas de crise politique d’envergure en Guadeloupe, sinon tout au plus une jacquerie vite étouffée.
Personne n’ose vraiment penser à cette hypothèse, parce qu’on a le plus grand mal à admettre que cette paralysie de la Guadeloupe est vraiment durable. Chacun préfère penser que ce cauchemar absurde finira bientôt ; Seulement : voilà, rien n’est moins sûr. Et si on veut affronter vraiment l’avenir, dans toutes ses dimensions, il faut d’ores et déjà se préparer aussi à une crise économique et financière qui affectera le pays Guadeloupe et en évaluer toutes les conséquences, et de fait chercher à les écarter.
En réalité ce qui se prépare subrepticement, ce n’est rien d’autre qu’une asphyxie financière de la Guadeloupe avec une charrette de licenciements , donc une bonne crise sociale que certains suscitent en sous main sous le prétexte de l’obligation vaccinale , et ce pour faire émerger au grand jour toutes les velléités revendicatives d’ordre politiques séparatistes et identitaires, il faut nécessairement que les guadeloupéens apprennent à regarder plus loin que le bout de leur nez… La Guadeloupe est actuellement le laboratoire de la mise en œuvre de cette stratégie d’asphyxie financière à venir dès 2022. Seuls quelques cuistres diffusent encore l’idée que la Guadeloupe et la Martinique sont des paradis. L’économie est déjà exsangue avec la crise du Covid. Le tourisme a la tête sous l’eau et sera durablement déstabilisé pour longtemps, certaines entreprises sont déjà durement touchées et si cela dure l’économie entière va s’affaisser. Mais ce qui est certain c’est que le processus de prise de responsabilités voulu par l’état pour des raisons purement financières à savoir l’autonomie n’est pas contestable, mais c’est la stratégie que nous ne comprenons pas clairement. Ce n’est nullement contradictoire avec mon argumentation précitée d’une situation quasi insurrectionnelle qui se caractérise par des motivations politiques . Qui peut croire sinon les naïfs que le gouvernement ignore ce qui se passe en Guadeloupe et en Martinique où le rejet et le refus de l’autorité de la République française est actuellement paroxystique comme on a pu encore le constater avec le vandalisme de la ville de pointe à pitre. Non, n’en doutons pas, la situation troublée des Antilles est connue et les risques parfaitement soupesés et analysés, car de source sûre, les services secrets ont été renforcés en effectifs. Le gouvernement connaît parfaitement l’état d’ exaspération du climat actuel aux Antilles, et ainsi en conséquence peaufine sa stratégie de disruption telle que décrite par moi précédemment…. Pourra-t-on vivre durablement dans ce monde de crise à répétition? Je ne sais. C’est en tout cas une stratégie de changement de modèle économique et social à préparer, si on veut penser plus loin que les conflits actuels. Regardons le bon côté des choses : comme toute crise en Guadeloupe, celle-là nous offre une opportunité de régler des problèmes sociétaux qu’on n’osait pas aborder avant.
Je me répète, mais nous devons méditer sur le fait que toute action provoque une réaction ou une conséquence, et cela le syndicalisme ne doit jamais l’ignorer….
Jean-Marie Nol, économiste