— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Les dès sont désormais presque jetés pour le prochain match de la présidentielle en France. Marine Le Pen fait feu de tout bois et lance la campagne pour tenter de capter l’héritage gaullien et ainsi séduire l’électorat de la droite républicaine. Quand à Emmanuel Macron, il tente de diviser la droite républicaine et peaufine un nouveau programme politique destiné à se relancer avec à la clé des mesures innovantes qui devraient être annoncées mi septembre 2021.
Alors, du désenchantement de Macron confronté au procès de l’impuissance sur les problématiques de l’immigration voire ces temps-ci de l’insécurité et à contrario l’espoir à très haut risque de marine Le Pen du fait de troubles éventuels en cas d’élection: quel sera demain le choix politique des Français et quels sont les conséquences imaginables pour les Antillais?
L’élection de Emmanuel Macron comme président de la République nous a scotchés, sidérée , etc. Mais elle ne nous a pas changé au niveau de nos modes de pensée. Très vite après 4 années de pouvoir, chacun a constaté, un peu hébété, que rien n’avait vraiment bougé au niveau des divisions politiques en France et aux Antilles. Et le grand chambardement, redouté ou souhaité, n’a pas eu lieu. On se disait que rien, plus jamais, ne serait pareil après l’élection d’un jeune président de 39 ans en France. Qu’il y aurait un avant et un après ce relatif adoubement de l’opinion. Au niveau du travail, des interactions sociales, des liens familiaux, des comportements personnels ou universels, des forces politiques en présence, on imaginait une rupture radicale. Mais la réalité est que la France fait aujourd’hui face à un défi sans précédent : une crise du coronavirus inédite et potentiellement destructrice. Alors quelle est cette vérité que nos compatriotes Antillais ne veulent pas voir ?
Une victoire de marine Le Pen n’est pas probable mais possible. Elle ne constitue pas le scénario le plus vraisemblable mais une hypothèse imaginable si les passions s’enflamment ou si les circonstances y poussent comme par exemple la multiplication des actes terroristes ou le fait que l’autorité de l’État demeure bafouée jour après jour avec la recrudescence du trafic de drogue et toutes ces manifestations des banlieues qui se terminent souvent dans la violence urbaine.
Si certains pensent que marine Le Pen peut gagner, c’est parce que le contexte politique, économique, et social de l’après crise du coronavirus peut lui être favorable. Réveillons-nous et cessons de jouer avec le feu sur la question identitaire. Nous devons interroger notre capacité à nous questionner sur ce que nous vivons actuellement et celle de nous indigner, toujours et encore lorsque le pacte républicain est mis à l’écart.
Tenter un panégyrique de la société française actuelle peut se révéler un exercice abscons, mais néanmoins nécessaire pour appréhender les enjeux du futur. Et que dire de la nouvelle donne qui s’ouvre avec la crise du coronavirus et qui engendrera précarité des couches populaire, et paupérisation de la classe moyenne.
Il est donc légitime de réfléchir et d’analyser quels pourraient être les changements sur le plan politique induits par cette crise sanitaire mondiale. Il faut désormais entrevoir un changement en profondeur de la société française et des conséquences possibles sur la vie politique française.
Une chose est sûre, les conditions de l’environnement économique et social de la France ont changé, alors tout devient possible en termes de renouvellement à la tête de l’Etat. Et cela doit nous inciter à la prudence à tous les niveaux !
Le contexte actuel s’y prête car outre la crise économique et sociale et en sus avec la problématique du communautarisme, du racialisme, de la crise identitaire, on peut légitimement s’interroger sur le fait de savoir où va donc demain la France, d’autant que selon tous les analystes politiques, la balance penche désormais très fortement à droite et à l’extrême droite ?
Alors se pose dans ce contexte délétère la question de savoir jusqu’où ira la France dans le déni de réalité du chaos qui menace ?
Quand-même, réveillons nous, car il est plus que temps d’ouvrir les yeux sur la chienlit ambiante qui règne en France, et de cesser de détourner notre regard sur les problèmes posés par l’immigration et du danger racialiste et communautariste.
La France est plongée depuis quelques temps dans le chaos sanitaire et les ténèbres d’un néant politique. L’autorité de l’Etat français est bafouée. Même les militaires qui n’ont pas le droit de s’exprimer et de manifester s’y mettent en chœur pour dénoncer le gouvernement, et laisse planer la menace d’une bonne guerre civile.
La crise identitaire est à son paroxysme en France. Le contenu de la réforme de la police accusée de violence n’est plus l’essentiel. La crise est devenue politique, passionnelle. De sondages en sondages, il se confirme que plus des deux tiers de la population française soutiennent le rassemblement national de marine Le Pen dans sa quête de l’ordre et du respect de l’autorité de l’Etat. Cette dernière ne combat pas pour l’essentiel, la modification d’un régime social républicain. Elle est entrée en rébellion contre une décision emblématique de la fracture identitaire , qu’elle ressent majoritairement comme un affront, une humiliation de la France , imposée par des minorités ethniques et musulmanes d’origine africaine et maghrébine hors sol qui procède selon elle à une remise en cause du socle républicain. Rien n’est plus étrange que l’aveuglement des hommes politiques traditionnels de droite et de gauche qui ne sentent pas à quel point leur parole est discréditée.
Et il n’y aura plus de paix. Non, c’est la guerre civile larvée et permanente sur le sol même de la France , l’instabilité, l’agitation destinés à jeter le trouble dans les esprits. On insuffle méthodiquement dans un pays exsangue par la crise du coronavirus, un vent de discorde, petit à petit, en profitant de toutes les dissensions politiques. Et plus les gens se sentent menacés par des phénomènes qu’ils ne comprennent, ni ne contrôlent, plus le ressort de l’extrême droite est puissant. Nous l’avons déjà dit et répété à satiété que le pacte républicain et son caractère universel est devenu une chimère et que la France aujourd’hui risque fort d’être plongée dans un chaos permanent de troubles politiques et sociaux. Un retour de bâton n’est pas à exclure sur la question identitaire pour les Antillais. En somme, un lâcher de boomerang qui risque de faire très mal à l’avenir aux populations Antillaise et surtout d’origine étrangère qui vivent sur le sol français. Même le président Emmanuel Macron, en cas de réélection ne pourra pas désamorcer la bombe à fragmentation imaginée par François Mitterrand, qui à rebours de son socialisme faussement affiché pour des raisons purement électorale de conquête du pouvoir, n’a pas hésité à instrumentaliser à l’époque Jean marie le Pen, le président du front national, pour changer au temps long la société française vers une nouvelle idéologie que je qualifierais de droite maurassienne. On est en plein dans les liaisons dangereuses, alors c’est dire la duplicité de la politique quand elle trouve son essence dans les manipulations machiavéliques des hommes politiques . Cette catastrophe annoncée voire programmée dans le temps d’un changement de société aura dans un proche avenir des répercussions sur nos régions ultramarines. Un scénario de crise sulfureux et édifiant, qui doit interroger aussi les Antillais sur notre propre projet de société, car derrière ce théâtre d’ombre, il y a le nœud gordien de toute l’équation économico-sociale, à savoir la crise financière et la chute de la croissance. Les entreprises attendront d’avoir une meilleure visibilité avant de recommencer à investir, tandis que les ménages, confrontés à un marché du travail difficile, resteront également prudents dans leurs dépenses. Beaucoup d’entreprises vont faire faillite du fait de la perte d’activité colossale, jusqu’à 80 % dans certains secteurs, comme le commerce traditionnel et le tourisme. On ne se rend pas compte que la crise n’a pas encore commencé et on va le voir quand la crise sociale sera à nos portes et cristallisera les tensions dans la société française. À partir de cette situation la France affrontera non seulement la crise économique et sociale mais également une crise identitaire. S’ensuivra une grave crise politique qui semblera menacer les fondements mêmes de la Ve République.
Cette crise politique alourdira le climat général et accroîtra le mécontentement contre le pouvoir en place au bénéfice des formations extrémistes. Même si la France , fait encore figure de grande puissance, elle en sortira aussi terriblement affaiblie. Nous vivons un moment grave de notre histoire , une crise qui accélère la mutation de notre quotidien. Plus généralement, cette crise nous obligera à nous poser des questions sur notre manière de vivre et de consommer. Ainsi, les mutations en cours pourraient voir leur adoption accélérée par la population des Antilles. Personne n’est aujourd’hui capable de savoir ce qu’il en ressortira, mais il semble acquis que l’après crise du coronavirus ne sera pas totalement comme l’avant.
Dans un climat délétère qui peut devenir insurrectionnel avec l’arrivée au pouvoir de marine Le Pen, Emmanuel Macron tente aujourd’hui de se recentrer toujours davantage sur le maintien de l’ordre et opère un glissement vers un durcissement des contraintes policières exercées sur la population. Nous sommes entrés dans une phase de mutation et le risque de l’émergence probable d’un nouveau régime autoritaire n’est plus à exclure en France.
Jean-Marie Nol, économiste.