— Par Jeff Lafontaine —
Nous vivons dans un pays ou les talents en tous genres et en tous domaines foisonnent. Curieusement, on a l’impression que seul le genre musical arrive péniblement à émerger, et ce, à quel prix et dans quelles conditions ? Le parcours de l’humilié.
Les auteurs martiniquais éprouvent toutes les peines du monde à occuper une place, aussi minime soit-elle, sur les médias locaux, chez les librairies ou sur la place publique. Pourtant, la demande existe. Les Martiniquais aiment lire et font bon accueil à toute forme de littérature dans laquelle ils se reconnaissent ou grâce à laquelle ils apprennent la grande ou les petites histoires de leur pays. Ils sont curieux et friands, mais trouvent difficilement ces pépites dans nos librairies locales et autres points de vente.
Il nous faut désormais les voir comme des effusions de richesse qui appartiennent à tous. Leur protection, dans le partage et dans l’échange, assure de beaux remparts contre toutes ces atteintes à notre culture.
La pensée est libre et doit s’exprimer librement.
Faudrait-il absolument avoir obtenu la reconnaissance suprême nationale, un prix Goncourt, un prix Carbet pour mériter une visibilité sur nos chaînes locales, ou dans nos librairies ? Faudrait-il être universitaire, politicien, pour avoir le droit d’exprimer, d’écrire, de partager sa pensée ? Nous avons beaucoup de choses à dire, nous avons beaucoup de choses à nous dire. Il n’y a pas de sujets tabous. C’est au lecteur de faire ses choix. La pensée elle, doit rester libre et doit pouvoir s’exprimer librement.
Se doter d’une conscience d’être ? Nous nous y attelons. Car nous savons que la conscience est un pont pour notre traversée. Cette longue traversée à laquelle nous sommes tous appelés, tous avec un but précis : celui de notre épanouissement culturel. Nous, on veut l’écrire cette parole. Nous sommes les héritiers d’une culture de tradition orale, nous martèle-t-on sans cesse. Serait-ce là une raison pour nous priver de la possibilité d’écrire et ainsi de laisser nos traces ? Nous, tenons à ce que cette parole soit marquée, inscrite, écrite, conservée, archivée, reconnue et nous espérons qu’elle soit lue.
Et si nous inventions notre prix littéraire?
Les initiatives locales pour promouvoir les auteurs martiniquais sont très rares, aucune émission littéraire à la télévision, trop peu en radio, aucun salon du livre… Les auteurs doivent se battre, chacun dans son coin pour exister et être lu. Il faut flatter les libraires pour obtenir une séance de signature, ou pour figurer sur leur étagère. Il faut que cela change! L’impossible pour nous n’est pas un prétexte à immobilité, mais un aiguillon qui nous permet d’identifier avec lucidité et responsabilité toute la gamme des possibles qui nous permettront d’avancer!
Nous affrontons ainsi les impossibles. Non par des incantations faciles, mais par la saisie du pas que l’on gagne, et que l’on tient gagné, et qui de pas gagné en pas gagné, ouvre des traces nouvelles, dégage des horizons.
Chers auteurs, et si nous prenions le pouvoir ?
Et si nous occupions bruyamment, durablement, définitivement cette place vide ?
Il serait temps de créer par nous mêmes le salon des auteurs martiniquais. Un salon itinérant par exemple, qui circulerait dans tout le pays, à la rencontre de nos lecteurs. Un salon où chaque auteur s’engagerait à participer pour animer des débats, échanges, causerie sur un thème particulier, d’actualité ou autre. Et qui sait… pourquoi pas, susciter et réveiller d’autres vocations ?
Et si, nous inventions notre prix littéraire ? Et si nous nous organisions pour offrir à nos lecteurs un échange personnalisé « du producteur au consommateur » , avec un espace de vente directe ? Et si, et si… Car rien ne saurait durer qui proviendrait de l’extérieur de nous-mêmes, ou qui nous aurait été imposé – comme dit la chanson Ayen di fos pa bon! Rien ne saurait durer qui n’aurait germé de notre propre volonté, notre propre génie, notre propre exigence, ou même de nos propres erreurs. Se tromper par soi-même est toujours une meilleure et profitable leçon.
Nous avons tant à faire!
Je lance cet appel à nos auteurs, à l’occasion de l’excellente initiative de Sabine Andrivon Milton ce samedi 3 décembre de 10h à 13h au centre culturel Camille Darsières, salle des pas perdus.
L’occasion sera donnée aux lecteurs de rencontrer, en un même lieu, des auteurs de genres divers : romanciers, historiens, littérature pour jeunesse, documentaires, photographies… et d’acquérir leurs ouvrages. Cette manifestation est le point de départ de rencontres futures avec d’autres auteurs car il faut mettre en place une dynamique.
Jeff Lafontaine
Paru dans F-A du 07/12/2016