L’esprit, le corps et les affects dans « L’Éthique » de Spinoza

Par Michel Pennetier

Parcours des livres 2, 3 et 4 de l’Éthique

Je commencerai par une comparaison qui vous paraîtra peut-être un peu bancale et bizarre. Pendant que je m’efforçais de comprendre les livres 2,3 et 4 de l’Éhique, j’entendais à demi consciemment le battement régulier de mon horloge comtoise qui a bien deux cents ans et peu à peu son tic-tac se mêla dans mon esprit à ma lecture et rythma le défilement des concepts et des démonstrations sur les pages de mon livre ( de mes livres car je me suis servi de trois traductions) . L’horloge a un corps qui évoque le corps humain, le cadran serait la tête et le boîtier du balancier qui s’évase à mi-hauteur évoque quelque peu les hanches d’une femme. Le cadran et les deux aiguilles indiquent l’heure et à chaque demie heure et heure pleine elle sonne vigoureusement, le tic-tac régulier m’indique le temps qui passe. Si je la remonte chaque semaine à midi pile, son balancier ne s’arrêtera jamais. L’horloge dit le temps et l’éternité. Elle me transmet un message. Elle parle, elle a donc, me disais-je, comme moi-même un corps et un esprit. Mais je distinguai bien vite un écart fabuleux entre mon horloge et moi-même. Elle est parfaite en son mécanisme, elle ne se trompe jamais, ce qui n’est pas mon cas !

Mais poursuivant ma lecture de l’Ethique, je tombai sur un passage comportant une note et cette note parle des horloges avec une illustration. Stupeur ! L’éditeur y évoque une expérience qui a été faite à Amsterdam avec deux horloges placées côte à côte et que l’on a réglées avec un certain écart. Au bout de quelques temps, les deux horloges s’accordent et indiquent alors la même heure ! Cette note est mise en relation avec quelques phrases de Spinoza qui évoquent l’accord de deux esprits humains qui se rapprochent peu à peu l’un de l’autre et finissent par s’harmoniser et se ressembler. On pourrait illustrer cette idée par l’exemple d’un vieux couple qui a vécu un amour sur une très longue durée : les deux partenaires finissent par se ressembler et pensent, ressentent et parlent de la même façon.

L’être humain est plus complexe qu’une horloge et c’est là son problème. Il y a toute une problématique entre le corps et l’esprit que Spinoza développe dans ces trois livres qui sont insérés entre d’une part le livre 1 qui définit Dieu et le livre 5 qui définit l’accès de l’esprit humain à la connaissance de Dieu et à la joie sublime qui l’accompagne

Mais rappelons tout d’abord ce qu’est Dieu pour Spinoza : «  La totalité infinie de ce qui est » , c’est-à-dire la Nature qui se présente à nous sous deux attributs et dont nous sommes constitués : l’étendue et la pensée. «  L’esprit est l’idée du corps et rien d’autre » affirme Spinoza. Mais entre le corps et l’esprit , il y a un rapport complexe qui n’est pas a priori une traduction fidèle. La constitution de notre corps – notre sensibilité corporelle – filtre les messages du monde extérieur, d’une part, d’autre part l’esprit les interprète selon son état de l’instant et est passif. Les idées que nous avons par les sens du monde extérieur sont en partie des idées partielles et déformées. C’est donc la source de l’erreur. Par ailleurs : «  Nous ne savons pas ce que peut le corps » dit Spinoza. Le corps peut faire des merveilles que l’esprit ne contrôle pas. Il y a donc une autonomie du corps par rapport à l’esprit. Mais ce qu’il faut souligner, c’est que ces « idées tronquées  et inadéquates » du monde extérieur sont « en Dieu » sous l’attribut de la pensée et se comportent de la même façon que les idées adéquates selon l’ordre logique de la cause et de l’effet ( il y a en quelque sorte une logique de l’irrationalité de la pensée que Freud développera au 20e siècle. )

Mais cette première approche de la relation du corps à l’esprit et de la relation de l’esprit au corps risque de vous induire en erreur. Je l’ai introduite par commodité. Allons plus loin : il n’y a aucun rapport direct du corps et de l’esprit puisque selon Spinoza d’une part les idées font partie de l’attribut «  esprit » de Dieu et d’autre part le corps fait partie de l’attribut « étendue » de Dieu. Il dit : «  Aucune idée ne peut déterminer le corps à agir ni aucun événement dans le corps ne peut déterminer l’esprit à penser dans la mesure il s’agit de deux attributs différents de Dieu «  Mais l’ordre de connection des choses dans l’étendue est le même que l’ordre de connection des idées dans la pensée. On a parlé de « parallélisme » entre l’esprit et l’étendue dans la vision de Spinoza , mais ce serait des lignes parallèles qui comme dans l’espace riemannien se rejoignent dans l’infini … en Dieu !

Mais je voudrais revenir sur ces deux affirmations : «  L’esprit est l’idée du corps et rien d’autre » et « Aucune idée ne peut déterminer le corps à agir ni aucun évènement dans le corps ne peut déterminer l’esprit à penser ». Ou encore : «  Le corps existe ( dans la pensée) comme nous le sentons ». L’idée du corps dans l’esprit est une idée globale qui ne contient pas tout ce qui se passe dans le corps ( je peux avoir une maladie dont je n’en suis pas conscient). La conscience globale du corps peut contenir un affect de bien-être ou de souffrance mais rien de plus. Il faudra attendre l’influence des disciplines orientales en Occident ( le yoga ou le taïchi ) pour découvrir une possibilité de connaissance et de maîtrise du corps par l’esprit. Spinoza dispose bien du concept de « conatus » que l’on peut traduire par « énergie vitale » ou « puissance d’exister » que Nietzsche interprétera comme « volonté de puissance » mais la solution de Spinoza est non pas une technique corporelle comme le yoga ou le taïchi mais une approche intellectualiste autrement dit « réflexive « : il faut passer de l’idée globale du corps qui est d’abord passive à une réflexion donc une activité de l’esprit sur ce que le corps lui dit : avoir l’idée de l ‘idée, c’est-à-dire passer du premier genre de connaissance par idées vagues au second genre de connaissances par concepts rationnels précis.

Ce processus spontané de la relation entre le corps et l’esprit – nonobstant la précision que je viens d’indiquer, qui n’est pas une relation directe mais une sorte de parallélisme entre deux attributs de la substance divine – Spinoza l’appelle le premier genre de connaissance, une connaissance spontanée vague et imprécise qui ne se limite pas à la perception des choses mais enveloppe aussi les relations humaines. Le soir au bord de la mer, je perçois le soleil couchant distant de quelques centaines de mètres, il me faudra une connaissance de l’astronomie – c’est-à-dire une connaissance scientifique rationnelle qui contredit les informations des sens pour savoir qu’il est infiniment plus loin et que je suis victime d’une illusion de mon sens de la vision. En promenade dans la campagne, je vois quelque chose à terre, j’ai peur et je crois que c’est un serpent parce que j’avais une appréhension mais ce n’est qu’une corde qui traîne là. Ces illusions sont autant actives dans les relations interpersonnelles. J’ai croisé Untel dans la rue et il ne m’a pas salué, j’en éprouve un sentiment de dépit et de colère alors que sans doute il ne m’a pas vu. On sait combien ces situations sont sources de disputes, de violence, de guerre. Ou encore de génocides. Le premier genre de connaissance par idées inadéquates est profondément ancré dans l’histoire de l’humanité. Cette inconnaissance ou méconnaissance ne fait que se redoubler dans le monde actuel où les réseaux sociaux permettent de dire n ‘importe quoi et les pires choses..

Spinoza se refuse à adopter le point de vue des moralistes qui gémissent à longueur de pages sur les faiblesses de l’humanité. Il traitera de l’esprit humain de manière objective comme s’il s’agissait de figures géométriques, de lignes, de triangles et de cercles. Il se pose donc la question du dépassement du premier genre de connaissance qui se fonde sur des idées inadéquates.

Spinoza nie l’existence de la volonté et du libre-arbitre. «  Nous sommes conscients de nos volitions mais non de leur origine », dit-il. Nos prises de décisions sont toujours déterminées par la chaîne infinie des causes et conséquences dans notre vie. Comment alors dépasser le premier genre de connaissance ? Je crois trouver la réponse dans la notion de « conatus » c’est-à-dire l’énergie vitale qui nous pousse à nous dépasser vers la réalisation de notre être. Le premier genre de connaissance conduit nécessairement à l’échec et à la tristesse.( avec tous les affects qui lui sont liés ( le pessimisme, l’agressivité, le désespoir, la victimisation etc ..) A ce stade l’esprit est relativement passif face à ce qu’il ressent venant du corps ( autrement dit : parallèlement au corps). L’esprit entre véritablement en action quand il passe à la réflexion par un redoublement de l’idée, en ayant l’idée de l’idée. Ce stade de la réflexion permet d’accéder au second genre de connaissance par idées adéquates ( au réel, c’est-à-dire Dieu). Il est en même temps lié à un affect de joie, la joie de la puissance d’exister en comprenant l’ordre des choses. C’est alors véritablement que l’homme pense « en Dieu ». Son esprit et son corps se rapprochent alors du mouvement régulier du balancier de l’horloge  et des aiguilles du cadran qui indiquent midi quand il est midi !

Mais avant de poursuivre avec l’analyse des affects ( émotions, sentiments) aux livres 3 et 4, encore faut-il bien préciser le sens des mots – des concepts – qu’utilise Spinoza et qui le distinguent radicalement de son maître en rationalité Descartes. Si le philosophe français commence sa méditation sur le socle pour lui inébranlable du «  JE pense donc je suis» , Spinoza dit encore plus radicalement et simplement «  L’homme pense » retirant à l’homme sa subjectivité et sa centralité dans le cosmos. Il est sans doute selon Spinoza le seul être de la Nature qui pense le monde dans lequel il vit et s’y oriente mais il doit s’efforcer de le penser en se situant comme parcelle de ce tout infini. Ces deux conceptions fondamentales, la cartésienne et la spinozienne ont des conséquences énormes sur le devenir civilisationnel. Celle de Descartes a triomphé dans le devenir de la civilisation occidentale, c’est l’hybris de la toute puissance de l’homme qui peut exploiter la nature à l’infini … jusqu’à la catastrophe écologique. Celle de Spinoza étrangement aurait des affinités avec les philosophies orientales et notamment avec le taoïsme : il ne s’agit pas de s’affirmer CONTRE la Nature mais de s’y adapter et même de s’y fondre. Formule clef dans l’Ethique : «  L’homme n’est pas un empire dans un empire » . Par le corps et l’esprit il participe de deux attributs de la puissance divine : l’esprit et l’étendue. Il est une parcelle de ces deux attributs de la substance divine et non un esprit autonome qui se déterminerait absolument par rapport au corps et à toute la nature.

Avec le premier genre de connaissance – par idées tronquées, parcellaires, inabouties – nous avons vu la source de l’erreur. Spinoza utilise le terme de «  idées inadéquates » et pour la connaissance réflexive ( avoir l’idée de l’idée) d’idées adéquates. Mais « adéquation » à quoi ? Spontanément nous dirons «  l’idée vraie est adéquate à son objet «  à son idéat ». Ce n’est pas faux, mais Spinoza va plus loin . La vérité est sa propre norme, dit-il. Si l’esprit a une idée adéquate, il sait intuitivement et intimement qu’il a une idée adéquate. Spinoza cite souvent l’exemple simple: la somme des angles d’un triangle est égale à deux droits. Nous pouvons saisir cela intuitivement par un regard de l’esprit ou par une démonstration. Finalement Spinoza conclut : «  L’idée adéquate ( la vérité) est sa propre norme » Nous savons que nous avons une idée adéquate quand nous pensons adéquatement autrement dit rationnellement. Il s’ensuit une satisfaction, une joie c’est-à-dire une augmentation de la puissance d’exister. Spinoza dit : «  Par perfection et réalité, j’entends la même chose ». Nous remarquons ici que toute idée est liée à un affect ( un ressenti, une émotion) entre la tristesse et la joie, entre la vérité et l’erreur entre l’augmentation de la puissance d’exister ou sa diminution. Penser adéquatement, c’est comprendre la réalité ( autrement dit Dieu) , penser selon la pensée de Dieu et c’est en même temps réaliser notre propre être ( augmentation de la puissance d’exister donc joie)

Les livres 3 et 4 ( Origine et nature des affects / La servitude humaine ou la puissance des affects) peuvent être considérés comme un traité de psychologie d’où se dégage l’éthique spinoziste proprement dite.

La première partie de cet exposé pourrait faire croire que le spinozisme est un intellectualisme du fait que j’ai insisté sur les idées inadéquates et adéquates. Il n’en est rien car toute idée est accompagnée d’un « affect » c’est-à-dire d’un ressenti, d’une émotion qui varie entre les deux pôles de la tristesse et de la joie, l’apothéose pouvant être atteinte dans le 5e livre avec «  l’amour intellectuel de Dieu », autrement dit la « béatitude » qui pourrait faire croire que le spinozisme débouche sur un mysticisme, une voie de salut. Un salut autant rationnel ( intellectuel) qu’éprouvé affectivement. Mais restons-en dans ces livres 3 et 4 à la condition ordinaire de la vie, la nôtre,où la puissance des affects peuvent aussi bien nous enchaîner et nous rendre esclave de nos passions qu’être le signe d’une évolution libératrice.

Spinoza s’insurge contre les catégories traditionnelles moralisantes de Bien et de Mal et les remplace par celles de BON et de MAUVAIS. Je répète cette citation : «  Par réalité et perfection, j’entends la même chose ». Autrement dit : la réalité est l’ horizon absolu de notre vie. Cependant il y a des choses qui peuvent ou non nous convenir. J’aime le melon, non pas parce qu’il est bon en soi mais parce qu’il convient à mon goût. En revanche une drogue est mauvaise parce qu’elle nuit à ma santé ( mais elle peut être en certains cas un médicament, donc elle peut être bonne).

De là découle la démarche éthique qui est différente de la morale. L’une ( la morale) impose des commandements absolus auxquels l’homme doit obéir ( situation d’hétéronomie), l’autre ( l’éthique) débute par l’examen des affects pour démontrer ce qui est favorable ou non au développement de la personne, ( situation d’autonomie) sans pour autant nier qu’il y ait en filigrane dans la conception de Spinoza un modèle ou un idéal d’humanité tel qu’il se dégage peu à peu à travers l’ensemble de son analyse des affects. Ce modèle d’humanité n’est donc pas un a priori transcendant mais une conclusion du tableau de la vie affective que fait Spinoza dans le livre 4 . Tableau très particulier puisque le philosophe se propose d’étudier la vie affective comme s’il s’agissait de figures géométriques ou de processus physiques. Les principes de sa démarche ont déjà été évoqués et je les rappelle : comme tout être vivant l’homme est doué d’un « conatus », d’une énergie vitale qui le pousse à réaliser son être, mais chez l’homme ce dynamisme peut être dévié, corrompu ou annihilé selon l’évolution de sa pensée ( d’où l’importance des idées adéquates et de la réflexion dans son comportement), les affects qui accompagnent toute idée sont en quelque sorte le thermomètre qui permet de noter la positivité ou la négativité de l’affect entre la tristesse qui est une diminution de la puissance d’exister et la joie qui en est une augmentation et le signe d’une réalisation de l’être humain. Encore faudra-t-il savoir distinguer ce qui serait une joie factice et provisoire ou une réalisation perverse de soi, tel que le dit parfaitement l’allemand avec le terme «  Schadenfreude » ( la joie de faire du mal, le sadisme). Spinoza l’exprime avec la notion de « cruauté ».

Parler de l’éthique, c’est nécessairement parler des relations entre les êtres humains et la société et pas seulement de la vie intérieure. Ou plutôt cette vie intérieure est fondamentalement inscrite dans le domaine de la vie sociale. La question qui préoccupe Spinoza est donc : comment les êtres humains peuvent-ils vivre ensemble en surmontant leurs antagonismes qui sont nécessairement la donnée première de leur vie en société ( la concurrence et l’affrontement des conatus). Les vertus que décrit Spinoza sont nécessairement des vertus sociales. C’est par le développement des relations pacifiques entre les citoyens d’un état, le dépassement des conflits ( la lutte des egos), la coopération sociale que l’humanité peut espérer survivre et accéder au bonheur , à une joie collective. Ce stade du développement de l’humanité n’est possible que sur la base des idées adéquates et du dépassement des passions qui sont toujours des erreurs. L’élaboration de la paix en soi-même est déjà un labeur difficile, combien plus celle de la paix politique et sociale ! Cette paix ne peut s’établir par le décret d’une morale qui reste extérieure aux individus, mais par l’élaboration lente et collective ( une culture) d’une pratique sociale et politique. Le chantier reste ouvert !

Dans le livre 3 «  Origine et nature des affects » Spinoza donne une définition des principaux affects – il en distingue 48 ! mettant bien sûr en tête de liste la joie et la tristesse : amour, haine, attirance, vénération , moquerie, crainte etc … J’en ai cité deux dans mon précédent exposé : l’humilité et la pitié parce que le jugement de Spinoza m’avait un peu troublé. En effet ce sont pour lui des affects de tristesse qui ne conduisent pas à une action positive.

Finalement à travers cette analyse des affects transparaît la figure de l’homme libre, actif, rationnel, rayonnant une joie sereine, conscient de lui-même et de la réalité qu ‘il appelle Dieu, sans illusions par rapport aux hommes mais désireux de se lier d’amitié dès que cela est possible, homme libre en ce sens qu’il réalise son essence, homme délivré de la tristesse parce qu’il est actif.

Un passage de ce livre trois nous donne pratiquement la définition du modèle d’humanité que Spinoza a en tête : «  Ces considérations se rapportent à la force du coeur, c’est-à-dire au courage et à la générosité … L’homme fort n’a pas de haine et ne se ronge d’envie pour personne, qu’il n’entre en colère ni ne s’indigne contre personne, qu’il ne méprise personne et qu’il s’enorgueillit le moins possible … la haine doit être vaincue par l’amour et quiconque est conduit par la raison désire aussi pour les autres le bien auquel il aspire pour lui-même. «  ‘ cf page 741)

Ce modèle d’humanité n’est pas un préalable dans le déroulement de l’éthique. Il se constitue peu à peu à travers l’ouvrage, il apparaît finalement comme une nécessité de la raison, c’est-à-dire de la nature et une garantie possible du bonheur de l’humanité. Il est par ailleurs sur le plan métaphysique – mais le terme est impropre concernant Spinoza puisqu’il n’y a qu’un seul monde – la garantie d’être en harmonie avec la pensée divine, et d’être pleinement en Dieu et de faire la volonté de Dieu – mais la encore le vocabulaire nous trahit car la volonté de Dieu, en terme spinoziste c’est la nécessité.

Je ne reviendrai pas sur le 5e et dernier livre de l’Ethique qui aborde la question de «  l’amour intellectuel de Dieu » et du rapport ultime de l’esprit humain à ce qui fait le fond du fond de son être. Je laisserai ce soin à un ou une théologienne. J’avoue ne pas avoir encore tout compris ! J’ai préféré aborder les questions qui nous sont les plus immédiates : comment vivre ? Comment éprouver – malgré tout – la joie d’être en vie et avec les autres , comment dépasser nos contradictions. Un chemin ardu et pourtant possible comme dit Spinoza dans le dernier texte de l’Ethique que je vous ai lu la dernière fois.

La lecture de Spinoza est en première approche stimulante et exaltante pour la pensée, comme aucune autre à ma connaissance. Mais quand on étudie avec précision les démonstrations, on entre dans le mécanisme d’une horloge intellectuelle infiniment complexe et bien réglée. La sagesse consiste-t-elle a devenir une horloge qui s’est mise à l’unisson de Dieu , c’est-à-dire la Réalité ? Oui, d’une certaine façon si nous arrivons à penser l’éternité mais ce sera aussi avec toute notre sensibilité que l’horloge n’a pas mais qui pourtant m‘inspire la joie, une joie sereine avec son balancier doré décoré de fleurs où picorent des oiseaux ! Une joie que je ressens à la lecture de l’Ethique, joie qui me fait éprouver l’éternité des idées adéquates au-delà de la confusion des affects et des passions qui déchirent l’humanité. Et elles seules, ces idées adéquates sont un remède aux tragédies humaines.

Michel Pennetier , mars 2024