— Par Quiestemont —
L’automne, est en France, la période où l’on parle le plus des livres, ou plus précisément des romans. Les éditeurs concentrent leurs publications sur cette période (qui s’étend en fait de la mi-août à la mi-novembre) et comptent sur l’effet « rentrée littéraire » pour en pousser quelques-uns. Cette année, 607 nouveaux romans sont ainsi proposés au public. Sur les 404 romans français, seuls 74 sont des premiers romans : quand on sait que le nombre des manuscrits reçus par les éditeurs chaque année se compte en milliers, on mesure combien sont minces les chances pour un auteur débutant de se faire publier par une de ces maison d’édition ayant pignon sur rue, dont tous les amateurs de littérature connaissent les noms et savent distinguer les jaquettes. Pour les nouveaux auteurs qui ne seront pas retenus dans le filet d’une sélection aussi impitoyable, il ne reste qu’à renoncer ou à se débrouiller par leurs propres moyens. Michel Herland, pour sa part, s’est adressé à l’un de ces éditeurs apparus avec l’ère internet qui distribuent des livres électroniques (e-books) ou les impriment à la commande. Essayons de deviner les raisons pour lesquelles son livre, qui nous a personnellement passionné, n’a pas été retenu par les éditeurs patentés.
Pour un observateur extérieur au monde littéraire, les critères des éditeurs spécialisés dans le genre romanesque sont loin d’être évidents, tant dans leur production le meilleur voisine avec le pire, au point que l’on se demande parfois si les premiers romans qu’ils consentent à publier ne sont pas tirés au hasard. On supposera néanmoins que le roman de M. Herland n’a pas été rejeté sans un examen attentif.
Il ressort alors immédiatement qu’il ne correspond pas à ce qui semble être désormais le genre préféré des éditeurs, le roman « autofictif » dans lequel un auteur – ou une auteure – raconte son parcours amoureux avec autant de complaisance pour les épisodes les plus glorieux que pour ceux qui le sont moins. Celui – ou celle – qui désire, par un reste de pudeur, maquiller le caractère par trop nombriliste de son ouvrage a le loisir de biaiser quelque peu son propos en le centrant apparemment sur un proche – disparu de préférence (le père ou la mère étant des sujets particulièrement indiqués) – mais il reste entendu que l’on parlera surtout de soi. Rien de tel dans l’Esclave qui se révèle par certains côtés (cf. infra) un roman d’aventures picaresques se déroulant dans un futur imaginaire (quoique assez vraisemblable) avec des amantes en fuite, des tortionnaires cruels, un farouche cavalier, des coïncidences inouïes et des coups de théâtre, enfin le contraire de ce qui est considéré aujourd’hui comme la « Littérature ».
Mais une histoire un peu « baroque » comme celle de l’Esclave n’aurait-elle pas pu, à défaut des éditeurs qui se consacrent à ladite « Littérature », séduire ceux qui visent plus modestement un public désireux de se distraire ? On découvre alors immédiatement la seconde caractéristique de l’Esclave qui est de mélanger les genres, ce que n’aiment pas les éditeurs, pas plus que les libraires, qui ont besoin de classer les livres dans leurs catalogues ou sur leurs rayons. Où rangeraient-ils alors l’Esclave qui mêle la philosophie et l’aventure, la géopolitique et le romantisme quand ce n’est pas la théologie et l’érotisme ? Et la poésie, car il ya même – horresco referens – des poèmes dans ce livre ! Ce qui fait peut-être l’intérêt principal du livre, sa diversité, ce qui fait que chaque lecteur doit pouvoir y trouver son miel, est alors justement ce qui rebute dans une économie de l’édition organisée en catégories bien définies.
Enfin – on a eu plusieurs exemples récents – les éditeurs se montrent « frileux » dès qu’il s’agit d’aborder les sujets dits « sensibles ». Or le roman de M. Herland n’est pas « politiquement correct » dans la mesure où il peint l’islam sous un jour qui n’est pas vraiment favorable, même si son personnage le plus négatif, un certain Selim, propriétaire de terres et d’esclaves, ne s’est converti que par opportunisme. Mais enfin les comportements décrits dans le roman (dans un Midi de la France supposé avoir été « reconquis » par des musulmans d’ici quelques décennies) : torture, esclavage, mépris de la femme, intolérance – sont plus proches du djihadisme dont on observe si bien les méfaits de nos jours que d’une vision idéalisée de l’islam. Et même si l’Esclave renferme une comparaison subtile entre le christianisme et l’islam qui est loin de tourner à l’avantage du premier, il est douteux que les « lecteurs » des maisons d’édition soient entrés aussi finement dans leur lecture et que d’ailleurs ils eussent voulu recommander un manuscrit qui – en tout état de cause – dévalorisait l’islam (ce n’est pas la critique de la religion chrétienne qui les aurait gênés, celle-là étant désormais admise).
On se gardera de dévoiler l’histoire ou plutôt les histoires racontées dans l’Esclave. L’attrait principal, pour nous, de ce livre étant qu’il reste de bout en bout un « roman romanesque » avec une ou plutôt des intrigues qui nous tiennent en haleine et que l’on ne saurait donc dévoiler sous peine de le réduire à ses développement didactiques, ce qui serait dommage, pour riche que s’avèrent ces derniers.
Lire aussi : » L’esclave » : un roman érotico-théologique original de Michel Herland
Retour sur le roman « L’esclave » de Michel Herland.
« L’esclave » : un roman politico-philosophico-théologico-et-poético-érotique de Michel Herland
« L’esclave »
Roman de Michel Herland
Editions Le Manicou
ISBN : 978-1-291-90086-6
409 pages, 21 Euros
en vente ici sur Amazon et ici sur Lulu.
Prix d’achat Kindle :EUR 4,99