— Par Céline Delurzache —
On se demande parfois comment certaines œuvres d’art contemporain ultra-simplistes peuvent atteindre des prix exorbitants. Il semblerait que certaines couleurs, en particulier le bleu et le rouge, en soient pour partie la cause.
En 2013, un tableau entièrement bleu de l’artiste américain Barnett Newman, intitulé Ornement VI, s’est vendu pour 43,8 millions de dollars à un acheteur italien. La même année, une autre de ses œuvres composée de trois panneaux rouge vif, Anna’s Light, a été achetée pour 105,7 millions de dollars par une société étrangère (photo en tête d’article).
En 2012, une peinture de Mark Rothko, une des figures de l’expressionnisme abstrait américain, avait atteint le prix record de 388,5 millions de dollars devenant (à l’époque) l’œuvre contemporaine la plus chère du monde. Un tableau composé de deux grosses taches orange et d’une ligne jaune sur fond rouge.
53 200 dollars pour une touche de bleu
Ne vous avisez pas d’essayer de battre ce record avec du noir. Une nouvelle étude néerlandaise publiée par le CentERlab de l’université de Tilburg nous apprend en effet que les tableaux à dominante bleue et rouge se vendent beaucoup plus cher que les autres.
Les chercheurs ont analysé les prix de 5 500 tableaux d’art abstrait vendus aux enchères entre 1994 et 2017, en retenant uniquement ceux avec une esthétique simple (sans portraits ni formes géométriques complexes). Pour chaque déviation à partir d’un blanc « standard », le prix grimpe de 10,6 % quand on va vers le bleu et de 4,2 % quand le tableau tire vers le rouge. Ce qui se traduit en monnaie sonnante et trébuchante par 53 600 et 21 200 dollars en plus sur le montant de l’enchère.
En plus de cette analyse, les chercheurs ont demandé à 500 étudiants de noter leurs émotions associées à une sélection de tableaux, de les classer par ordre de préférence et de participer à une « enchère » virtuelle. Comme dans l’analyse précédente, les cobayes affirment être prêts à payer respectivement 18,57 % et 17,28 % de plus pour les tableaux bleus et rouges. Et ce, quelle que soit la culture (les étudiants recrutés étaient chinois, américains et néerlandais).
L’accord bleu par Yves Klein. (Photo : Jared Zimmerman / Wikimédia / CC BY 3.0)
« L’impact viscéral » de la couleur
« Ce qui contribue finalement le plus à faire un prix, c’est l’impact viscéral du tableau, expliquait déjà en 2013 le directeur de la section peinture chez la maison d’enchères Sotheby’s Philip Hook dans un article du journal britannique The Guardian. Plus que les qualités artistiques, difficiles à définir, c’est la composition et la couleur du tableau qui font parfois monter les prix de façon inexplicable. » Et sur ce terrain, le bleu et le rouge sont les meilleurs, assurait-il alors.
Les raisons de cette préférence restent assez floues. Selon les chercheurs néerlandais, le rouge est associé à l’esprit d’aventure, au courage, au pouvoir et à l’excitation. De quoi peut-être donner un sentiment de supériorité à son acquéreur ?
À l’inverse, le bleu est lié à la relaxation, l’intellect, le confort et la dignité. Pas mal non plus pour se donner de la consistance….
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