— Par Selim Lander —
Monde enchanté, grâce, émerveillement, performance, modestie, talent, tels sont quelques-uns des mots qui viennent à l’esprit devant Lorène Bihorel en train de créer ses tableaux. Le monde enchanté, la grâce et l’émerveillement sont pour ceux-ci ; la performance, la modestie et le talent pour celle-là. S’il fallait trouver un équivalent au spectacle offert par L. Bihorel, on ne verrait guère que le film de H.-G. Clouzot montrant Picasso en train de peindre et le tableau qui se construit progressivement sous nos yeux sans aucune interruption, aucune hésitation apparente. Mais L. Bihorel, quant à elle, travaille avec du sable, ou plutôt des sables de teintes légèrement différentes et c’est merveille de la voir dessiner une fleur, un oiseau, un visage, un chamelier, une pin-up sans avoir jamais besoin de se reprendre. Ce qui témoignerait d’une maîtrise déjà étonnante du dessin si elle utilisait la plume ou le crayon devient exceptionnel quand on utilise un matériau qui a tendance à se répandre n’importe où, … comme savent tous ceux qui ont essayé de bâtir des châteaux de sable.
À côté de l’habileté, il faut souligner la rapidité de l’exécution. Aussitôt achevé, le tableau est brouillé d’un revers de la main, la table qui sert de planche à dessin débarrassée et prête pour démarrer une nouvelle pièce, tout aussi éphémère que la précédente (l’artiste travaille sur une table lumineuse face au public qui voit naître le tableau sur un écran).
Autant de tableaux autant d’histoires différentes. Le sable permet plus de souplesse que la peinture. Comme dans le film de Clouzot nous voyons le work in progress à ceci près qu’ici une pièce ne dépeint pas un seul paysage, une seule scène : elle se transforme constamment. Plutôt que de dessin animé, on parlera de fondu enchaîné. Le bouquet de fleur pourra ainsi devenir la figure d’un roi ; la fille en bikini revêtira un chemisier et une jupe, eux-mêmes couverts par un manteau ; sortis pour ainsi dire de nulle part, deux visages rempliront l’écran et leurs lèvres se joindront pour un baiser, etc.
Les histoires sans parole accompagnées d’une musique douce alternent avec les contes diffusés en voix off. Comme les personnages, les décors se modifient constamment. Dunes du désert (sable oblige !), montagne enneigée, modeste maison, palais princier : L. Bihorel sait tout dessiner avec une dextérité et une précision déconcertantes.
Bref, un grand merci à l’artiste et à Tropiques-Atrium pour avoir eu la bonne idée de ce cadeau de Noël qui a ravi autant les petits que les grands.
Lorène Bihorel, Des Rêves dans le sable, Tropiques-Atrium les 20-21 décembre 2016