— Par Laura Daniel —
Alors que les témoignages remettant en cause le port du soutien-gorge se multiplient, l’impact de ce dernier sur la santé des femmes reste flou. Influence sur la fermeté de la peau, lien avec des douleurs dorsales et même avec le cancer du sein… La recherche médicale ne s’est pas emparée de ce sujet, pourtant susceptible de concerner la moitié de la population.
Les femmes vont-elles reléguer leurs soutiens-gorge au placard ? En France, elles sont en tout cas 11 % à s’en passer désormais occasionnellement, selon une étude de l’Institut français de la mode.
Ce changement de pratique a été popularisé sur les réseaux sociaux à travers le mouvement « No bra » (« Pas de soutien-gorge », en anglais). Elles sont nombreuses à y raconter comment elles ont décidé de se passer de ce sous-vêtement, conçu tant pour masquer la poitrine que pour la maintenir.
Confort, esthétique et féminisme
Parmi les motifs invoqués, reviennent généralement l’inconfort, l’esthétique améliorée de la poitrine, ou encore des convictions féministes – les seins n’ayant pas à être sexualisés, ils n’auraient donc pas à être cachés des regards. Mais aussi l’argument médical, selon lequel le fait de porter des soutiens-gorge serait mauvais pour la santé. En ce domaine, pourtant, le flou subsiste.
Docteure en biologie, Helixis Felis (un pseudo) est aussi vulgarisatrice scientifique, notamment sur sa chaîne YouTube. C’est après une conversation avec une amie qu’elle a décidé de se renseigner sur la question.
« Je me suis vite rendu compte qu’il n’y avait pas grand-chose en ligne ni dans les publications scientifiques, raconte-t-elle. J’ai contacté plusieurs spécialistes, des médecins ou des kinésithérapeutes pour l’impact sur le dos, mais eux non plus n’avaient pas de vérités scientifiques sur lesquelles s’appuyer. »
« Les seules choses avérées sont qu’il est indispensable d’en porter pour pratiquer du sport, sous peine de créer des chocs sur les tissus, poursuit-elle. Il y a également de nombreuses études commandées par l’industrie de la lingerie montrant la nécessité d’avoir un soutien-gorge adapté à sa taille. Mais rien sur les avantages ou inconvénients liés au fait d’en porter ou non. »
« Oui, la plupart des femmes tireront des bénéfices à s’en passer »
Rien, ou presque : dans les années 1980, le médecin du sport Jean-Denis Rouillon, qui exerçait au CHU de Besançon (Franche-Comté), a commencé à suivre des femmes pour tenter de répondre à cette question. Il a mesuré l’évolution de leurs seins en fonction de leurs habitudes en la matière de soutiens-gorge.
En 2013, celui qui est aussi professeur à l’Université de Franche-Comté a communiqué ses premiers résultats : selon ceux-ci, sans soutien-gorge, la poitrine devenait plus ferme, gagnait légèrement en volume, les mamelons remontaient et se redressaient, l’écart entre les deux seins diminuait et les vergetures s’estompaient. A contrario, une femme portant des soutiens-gorge depuis de nombreuses années semblait pouvoir difficilement s’en passer par la suite, sous peine de voir l’aspect de ses seins se détériorer…
Ces données ont été accueillies avec intérêt et largement reprises à travers les médias, en France comme à l’international. Mais la docteure en biologie Helixis Felis reste dubitative : « Déjà, parce que [ces résultats] ne sont trouvables nulle part : aucune étude n’a été publiée, il n’y a que des articles dans la presse. Et le panel, 300 femmes, est bien insuffisant. Il ne peut pas être représentatif de la population », objecte-t-elle.
Désormais retraité, Jean-Denis Rouillon explique que ses résultats n’ont en effet jamais été publiés puisque « l’étude n’est pas finie » : il continue encore aujourd’hui à recueillir des données. En revanche, une thèse reprenant ses premières conclusions, réalisée par Olivier Roussel et dirigée par Jean-Denis Rouillon lui-même, a été publiée en 2009.
Quant à la taille du panel, il l’assume sans détours…
Lire la Suite & Plus => Ouest-France.fr