A Villeurbanne, une pièce méconnue d’Aimé Césaire.
Diffusion sur France Ô le 26 juin 2013
L’image est forte, à l’heure des saluts : trente-sept acteurs-chanteurs, pour la plupart africains ou d’origine africaine, sur le grand plateau du Théâtre national populaire (TNP) de Villeurbanne (Rhône). On n’avait jamais vu cela, sur la scène d’une grande institution théâtrale française. On la doit, cette image, à Christian Schiaretti, le patron du TNP, qui fait redécouvrir une pièce méconnue, rarement jouée, d’Aimé Césaire, Une saison au Congo.
Le poète et dramaturge martiniquais, mort en avril 2008, aurait eu 100 ans cette année. La France n’a pas jugé nécessaire de lui rendre hommage à cette occasion, ce qui met en rogne Christian Schiaretti, qui aime Césaire comme il aime Claudel ou Péguy, et tous les poètes chez qui souffle un verbe puissant. Schiaretti, qui est aussi un grand brechtien, avait surtout l’intuition de la pertinence politique qu’il pouvait y avoir à monter la pièce aujourd’hui. Et cette pertinence saute au visage à l’issue de la représentation.
Aimé Césaire a écrit Une saison au Congo en 1966, quelques années seulement après les événements dont il s’inspire : la décolonisation du Congo belge, et la très courte carrière politique d’un météore qui n’a cessé depuis de nourrir toute une mythologie révolutionnaire, pas seulement en Afrique : Patrice Lumumba.
Au moment où la pièce commence, Lumumba, qui a fondé fin 1958 le Mouvement national congolais, est sorti de la prison où l’ont jeté les Belges en janvier 1960, pour participer, à Bruxelles, à la table ronde qui décidera de l’indépendance du Congo, fixée au 30 juin 1960. Une saison au Congo, ce sont les six mois qui vont de cette date à l’assassinat de Lumumba, le 17 janvier 1961 : six mois qui ont fait du jeune homme politique, nommé premier ministre du nouvel Etat, le héros charismatique et christique d’une révolution avortée.
La pièce conte, avec une véracité historique d’autant plus troublante qu’elle a été écrite peu de temps après les événements, tous les épisodes de cette histoire, de la sécession du Katanga, manigancée en sous-main par les Belges, à l’assassinat sauvage de Lumumba et de deux de ses ministres, en passant par la prise du pouvoir par Mobutu (nommé Mokutu dans la pièce).
Une saison au Congo est une pièce politique passionnante, qui témoigne de la façon dont les élites indépendantistes noires, à l’image de Césaire lui-même et de Lumumba, ont été nourries par l’histoire de la Révolution française. La pièce de Césaire, d’ailleurs, évoque sur bien des points La Mort de Danton, de Georg Büchner. Passionnante, donc, la pièce, construite sur de grands morceaux rhétoriques entrecoupés de » songs « , à la manière brechtienne, n’est pas facile à mettre en scène. Christian Schiaretti en fait un spectacle choral, où tout se joue sur le plateau sans décor, à l’intérieur d’un vaste cercle de craie – encore un clin d’oeil à l’auteur de Mère Courage.
http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/05/29/les-six-derniers-mois-de-patrice-lumumba_3420059_3246.html?xtmc=une_saison_au_congo&xtcr=1
Fabienne Darge, Villeurbanne (Rhône) Envoyée spéciale
Une saison au Congo
d’Aimé Césaire. Mise en scène : Christian Schiaretti. Théâtre national populaire, 8, place Lazare-Goujon, Villeurbanne (69). Tél. : 04-78-03-30-00. Du mardi au samedi
à 20 heures, dimanche à 16 heures, jusqu’au 7 juin. Puis du 16 au 25 octobre. De 13 € à 24 €. A Sceaux, du 8 au 24 novembre, au théâtre Les Gémeaux.