C’est une comédie catastrophe, griçante, hilarante, cynique et provocatrice, à l’instar des autres textes de l’auteur Werner Scwab. Cet auteur est une figure singulière de la littérature autrichienne. Né en 1958, il fait des études à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne. Il partage son temps entre écriture et sculpture. Ses productions artistiques sont marquées par les matériaux en putréfaction. Ordures et rebuts de toutes sortes sont également les aliments de son travail d’écriture. Les Présidentes fait partie de ce qu’il nomme ses « drames fécaux ».
« Les Présidentes…ce sont des gens qui croient tout savoir, et veulent décider de tout. Je viens moi-même d’une famille de présidentes. » dit-il. Les Présidentes, ce sont trois femmes, Erna, Grete et la « petite Marie » engluées dans leurs fantasmes, la première est une maniaque de l’épargne éprise d’un charcutier, la seconde est une nymphomane en qûte de mâle puissant, la troisième une bigote illuminée qui règne sur ce bourbier en débouchant à mains nues les toilettes que les autres s’ingénient à boucher. Métaphore de cette société autrichienne dont on a déjà connu des satires au vitriol chez Th. Bernard et Elfriede Jelinek. La même rage contre cette société bien-pensante bouffie de catholicisme et prête à se jeter dans la barbarie dès que l’ocassion historique se présente. C’est toute l’hypocrisie sociale de cette petite bourgeoise qu’il s’agit de décaper .
Les trois femmes basculent rapidement dans le délire et le déluge verbal et on sent que tout cela va se terminer sur une catastrophe. Trois comédiennes hors pairs incarnent ces personnages de femmes aussi hallucinées que douloureuses. Comédiennes dont la réputation n’est plus à faire et qui s’investissent dans leurs rôles de façon absolue. Par leur démesure ces trois personnages monstrueux sont investis d’une dimension mythique, elles excèdent l’humain. La mise en scène de Laurent Fréchuret fait la part belle aux trois héroïnes. L’essentiel repose sur leur jeu. La sobriété de la scénographie est en raison inverse de la folie des personnages. Tout le drame se joue le soir de Noël, devant un sapin et autour d’une table, dans un lieu clos supposé être une cuisine. Il y est question de pâté de foie, de viande séchée et de charcutailles en tout genre, métaphore sanglante de ce qui se joue dans les entrailles et dans les coeurs des hommes. Le petit Jesus est invoqué à tout propos de façon ironique. On ingère, on digère et on défèque et le drame de l’humain est intestin. Mémorable!
Michèle Bigot
Avec Mireille Herbstmeyer, Flore Lefebvre Des Nouettes, Laurence Vielle
création juilet 2021, production Théâtre de l’Incendie
Festival d’Avignon, le 11. Avignon
7>29/07/2021, relâche les 12, 19 et 26