— Par J. José ALPHA ex Directeur des affaires culturelles de la Ville de Schoelcher —
L’intercommunalité existe aujourd’hui en Martinique.
Elle est encadrée par les lois d’orientation de février 1992, de février 1995, et notamment celle de juillet 1999 qui crée les communautés d’agglomération en leur conférant entre autres compétences obligatoires, le développement et l’aménagement économique, social et culturel du territoire. Cette loi de février 99 propose également l’entretien et la gestion d’équipements culturels et sportifs d’intérêt communautaire.
Et puis, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (LRL) a mis en place des dispositifs de fusion des Etablissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) assortis de compensations, en leur imposant de procéder à la reconnaissance de l’intérêt communautaire nécessaire à l’exercice d’une compétence transférée.
C’est-à-dire plus simplement, que la compétence Culture par exemple, si elle est demandée par les trois nouvelles collectivités, CAP NORD (18 communes), CACEM (4 villes du Centre) et ESPACE SUD (12 communes), peut être obtenue de l’Etat, en la déclarant d’intérêt communautaire sur les trois territoires. Ce qui permettrait la mise en œuvre d’une réelle politique culturelle en adéquation avec le développement économique et social sur l’ensemble de la Martinique.
Les intercommunalités qui souhaitent logiquement obtenir la reconnaissance des milieux culturels de leur territoire, peuvent légitimement agir aujourd’hui dans le champ des politiques culturelles qu’elles estiment nécessaires à l’épanouissement de leurs populations et au développement cohérent de leur territoire.
En choisissant la compétence culturelle au même titre que le transport, le développement énergétique, le désenclavement, l’aménagement des territoires, la compétence Culture pourrait même constituer, pour certaines collectivités, le domaine majeur de la coopération intercommunale.
Et pourtant.
Le développement culturel, sa production et la protection du patrimoine ne font toujours pas partie des compétences prises en charge par les intercommunalités.
La politique culturelle en Martinique, toujours indéterminée par les municipalités est, fort heureusement, impulsée par la seule Région Martinique dont le président attend certainement, ainsi que l’Etat, de véritables projets culturels de territoire portés par des logiques collectives.
Et les questions reviennent inlassablement parce que les réponses n’ont pas trouvé d’application :
Qu’est ce qu’une politique culturelle de territoire ?
Comment peut- elle être considérée d’intérêt communautaire ?
Pourquoi privilégier encore les démarches individuelles et de communautarisation en matière culturelle notamment ?
Une nouvelle base de lancement de la politique culturelle en Martinique
L’intercommunalité est une évolution considérable qui participe indiscutablement à la recomposition du paysage des politiques culturelles. Elle joue un rôle significatif dans la redéfinition du partage des rôles, en repositionnant l’échelon local par rapport aux niveaux départemental et régional. Et sa montée en puissance offre à l’État, le Ministère de la Culture, la possibilité de reconfigurer ses multiples partenariats avec les collectivités locales et leurs modalités.
Quand on regarde la diversité des situations et des trajectoires intercommunales en Martinique, on comprend mieux l’impact de la matière culturelle sur les décisions, les orientations et les applications efficientes dans les domaines de la Formation, de l’Education, de la Production et manifestement de l’Exportation artistique et culturelle, ajouterait le Directeur délégué de la Sacem/Sacd.
Rappelons que le principe de traitement des affaires culturelles d’une intercommunalité, outre le fait d’assurer le cofinancement des projets et la responsabilité de certains équipements culturels et sportifs, étant bien entendu la réorganisation stratégique et logistique des actions sur l’ensemble des territoires par la transversalité. La garantie d’une meilleure prise en compte du citoyen, de l’usager, de la famille qui souhaite avoir accès sur son territoire, à une école de musique, à un cours de danse, une classe de théâtre, un atelier d’images et de son. Autant d’espaces de créativité et de productivité, régulateurs des tensions sociales, qui participent effectivement à la cohésion sociale du territoire.
Avec la compétence obtenue, ces actions communautaires et parfaitement assimilées par les élus, seraient de facto mutualisées tant sur les plans humains, techniques et logistiques, pour être ainsi valorisées sur l’ensemble des trois territoires.
La priorité accordée par le Ministère de la Culture, par exemple à l’Education artistique et culturelle et aux pratiques amateurs, deux champs qui se situent au cœur des problématiques intercommunales, trouvent de fait leur place au sein de l’intercommunalité culturelle.
La circulation des créations et des œuvres sur l’ensemble des communes assurée par les intercommunalités, assurerait là encore, non seulement le désenclavement culturel et artistique mais renforcerait l’attractivité des territoires autant que le sentiment d’appartenance à un pays, à une terre, à un peuple ou à une population.
Les intercommunalités constituent manifestement un espace de renouvellement, d’innovation et d’invention en matière de politiques culturelles, que l’État est en mesure d’accompagner aux côtés des acteurs territoriaux. Avec le développement culturel, elles participent directement aux dynamiques de l’identité territoriale.
Mais la période actuelle semble encore être celle d’une transition entre le tout municipal et l’intercommunal. Une période qui reste propice aux tâtonnements et aux pratiques variées qui, si elle perdure, pénalisent les populations, les artistes et contraignent l’initiative.
Alors que la réflexion qui préside à l’élaboration des lignes d’action culturelle à l’échelle communautaire, est en mesure d’intégrer les mutations récentes de la vie culturelle, la double finalité de la culture serait là aussi utile aux élus concernés par la mise en œuvre d’un projet intercommunal. D’autant que la promotion de la production culturelle impacte nécessairement le développement économique, le tourisme et l’économie de l’arrière-pays (terroir).
Enfin, le Ministère de la Culture et de la Communication, par son expertise, peut inciter à une meilleure prise en compte des dimensions culturelles dans la construction cohérente des territoires et favoriser ainsi des périmètres d’intervention pertinents pour la mise en œuvre de politiques culturelles locales.