A Madiana
— Par Myriam Barthélémy —
Comme le nom du film l’indique, les « Nouveaux sauvages » ou « Relatos Salvajes » est une série de six brèves narrations où le fil conducteur paraîtrait être la violence. Du moins, c’est ce qui se dégage de manière immédiate de l’ensemble de ces six « courts métrages ».
Toutefois, il est possible de dépasser cette première lecture, et d’analyser d’autres thématiques qui sont en jeu dans l’oeuvre de Szifrón. D’abord, il est très clair que le film parle de la nature humaine. Pour se faire, le réalisateur prend des faits de la vie quotidienne (associés à des sentiments de vengeance, de justice, de protection) et à partir d’eux il construit ce qui est probable dans chaque histoire. Les points respectifs de revirement des histoires (dont est fait ce quotidien) sont tournés à l’absurde, ce dernier devient alors illogique, exacerbé, délirant.
C’est là qu’apparaît la violence, mais elle est loin d’être une solution, ou quelque chose de positif ou de cathartique pour le spectateur, elle est présente pour dénoncer les relations de pouvoir asymétriques que l’être humain établit avec son environnement.
L’argent (un autre des grands sujets du film) et la violence, ont seulement capacité dans cet univers de fiction de montrer la face visible du pouvoir. Paradoxalement, dans ces relations asymétriques de pouvoir, propres à l’être humain, ce qui est mis en évidence c’est la déshumanisation progressive. Ce n’est pas un hasard si la bande annonce au début du film présente et associe chaque acteur à un animal sauvage (du faucon – Darín- au renard – Szifrón- lui-même en passant par un faon – Sbaraglia-).
La folie (par définition une action imprudente, insensée ou peu raisonnable qu’effectue une personne de manière irréfléchie ou imprudente) est ce qui fait que les personnages perdent du réalisme. Celui qui veut voir dans les « Nouveaux Sauvages » une métaphore de la réalité du pays (Argentine), oublie le fait que les personnages agissent à partir de ce qui est irrationnel. Ce petit détail est ce qui empêche le film de se transformer en une radiographie de la société et le place comme une critique très acide de la nature humaine.
Un des grands succès du film est le ton grotesque qu’il imprime aux histoires. Ce qui est grotesque exhibe la face obscène de toute réalité, fait tomber les masques, évoque à la fois ce qui est tragique et ce qui est comique, fait appel au rire qui est confondu avec l’angoisse. Dans tous les épisodes le moment où on montre cette chute du masque est claire (toujours représentée par un regard qui paradoxalement aveugle le personnage).
À partir de ce moment, on néglige le quotidien, le lieu commun avec lequel Szifrón « a attrapé » le spectateur, et il passe à ce qui est grotesque, à l’exagération qui produit un rire devant l’horreur et ce qui est absurde.
L’oeuvre de Damián Szifrón fut, peut-être et avec raison, la plus attendue de l’année à l’affiche du cinéma argentin. Au-delà des mérites indubitables du film lui-même, il est intéressant d’analyser que d’une part, Szifrón a sû réunir les acteurs les plus célèbres du cinéma argentin avec Ricardo Darín en tête, suivi de près par Leonardo Sbaraglia, et d’autres acteurs qui sont les meilleurs de leur génération comme Rita Cortese, Darío Grandinetti, Oscar Martínez, Erica Rivas et, bien d’autres comme, Julieta Zylberberg . Et d’autre part , il y a déjà quelques années en 2009 grâce au film « Dans ses yeux » ou « El secreto de sus ojos » de J.Campanella, le cinéma argentin comprit qu’il fallait penser les films dans une industrie qui demande non seulement bonnes idées et bons acteurs, mais aussi les inclurent dans un appareil de marketing !!!
En ce sens, il est évident que « Nouveaux Sauvages » a tout pour plaire : de bons acteurs, une bonne narration compréhensible sans pour autant tomber dans la torture mentale, et un appareil de production qui soutient tout ce qui précède.
Un des meilleurs films de l’histoire du cinéma argentin ? Sûrement. L’oeuvre marquera-t-elle une rupture dans l’industrie cinématographique nationale ? Il est difficile de le dire. Il est évident que « Les Nouveaux Sauvages est violent, audacieux, perturbateur. Plus qu’un film, un événement socio-culturel qui nous laisse penser ce que nous serions capables de faire si nous arrivions à perdre la tête !
Schoelcher le 29/01/2015,
Myriam Barthélémy