— Par Zoé Courtois ( Le Monde des Livres)—
La légende perse d Leila et Majnoun raconte la passion d’un jeune homme pour Leila dont on lui refuse la main. Éperdu de douleur, il se met à entendre une voix terrible et magnifique qui sans cesse lui susurre le nom de son amour. Mais lorsque l’aimée vient enfin s’offrir à sa porte, le mjnoun ( le fou) gagne le désert. Car vivre avec Leila, dit-il, l’empêcherait de penser à l’amour qu’il a pour Leila. Autrefois visitées par Aragon et Darwich et même par Éric Clapton, ces célèbres figures de l’amour impossible trouvent dans ce fin et superbe poème d’Alfred Alexandre un nouveau visage. Ce n’est pas ici au poète qu’i incombe de chanter sa muse, mais à lui d’être le récipiendaire et le héraut des mots de l’aimée qui, comme dans la légende, s’est éloignée au profit de sa seule voix. D’où une anaphore qui insuffle au long poème son souffle singulier ( « Leila dit que »); d’où également l’amertume poignante du poète à qui l’absente refuse tout autre rendez-vous amoureux que celui qu lieu dans la poésie elle-même. Alexandre déjà romancier et essayiste, subjugue dans son premier ouvrage poétique par la beauté des images qu’il construit et l’envoûtante mélancolie qui s’en dégage.
La ballade de Leila Khane, d’Alfred Alexandre, Mémoire d’encrier, 56p., 12 €
Source Le Monde des livres du Vendredi 21 juin 2019