— Par Nicolas Mathey —
Dans une des cinq classes de l’école publique Ange-Guépin, située dans le quartier populaire de Malakoff à Nantes, qui met en pratique la méthode Freinet.
Pour son 52ème congrès, l’Institut coopératif de l’école moderne (ICEM-pédagogie Freinet) a fait la preuve qu’il est possible de résister dans les écoles au désordre néolibéral et à son travail de sape du service public d’éducation.
Le demi-millier de participants réuni à Aix-en-Provence du 19 au 22 août dernier a ainsi pu profiter d’une joyeuse effervescence pédagogique, à travers des dizaines d’ateliers exprimant la vitalité de ce mouvement d’éducation populaire et émancipatrice, fortement attaché au respect de la globalité de l’enfant et de ses droits. En exposant une multitude de production d’élèves et de projets de classe, en donnant à voir la qualité de leurs publications et revues, les militants de l’ICEM ont, une fois de plus, plaidé pour une certaine idée de l’Ecole, à même de « résister et se construire par la culture », comme y invitait le thème de ce congrès.
Ce congrès a aussi été l’occasion pour les militants de l’ICEM de réagir à l’application des deux réformes ministérielles qui vont faire l’actualité de la rentrée scolaire : les nouveaux programmes en maternelle et l’enseignement moral et civique. Concernant ces nouveaux programmes, Sylvie Pralong, membre du chantier-maternelle de l’ICEM, juge qu’« une première lecture nous fait découvrir un vocabulaire, des affirmations, des expressions que les militants du mouvement Freinet utilisent depuis toujours pour expliquer leur pratique ». Le fait que ces programmes reprennent les notions de bienveillance et d’autonomie, ainsi que la priorité accordée au jeu et à l’expression, ne l’empêchent cependant pas de rappeler que « la question des moyens, au terme d’une année scolaire au cours de laquelle la mise en place des TAP, APC, nouveaux rythmes scolaires sur tout le territoire a fait apparaître de manière criante l’inégalité des conditions d’éducation des enfants suivant leur secteur scolaire ».
L’enseignement moral et civique « n’est pas un enseignement en soi ».
Quant à l’application de l’enseignement moral et civique, Catherine Chabrun, une des animatrices du mouvement Freinet, qui fut rédactrice en chef invitée de L’Humanité en mars 2013, affirme que « ce n’est pas un enseignement en soi, mais un exercice au quotidien de pratiques permettant une construction de la citoyenneté pas à pas et dans tous les temps et espaces de l’Ecole ». D’autant que cet enseignement risque d’être abordé superficiellement, alors qu’il s’agit bien de changer les pratiques pédagogiques pour résister, encore et toujours, que ce soit à la sélection, au tri social, ou à l’individualisme consumériste. « La morale ne s’enseigne pas, elle se vit », affirmait Célestin Freinet, l’inspirateur de cette pédagogie active. La plupart des points de cette réforme se pratiquent déjà dans les classes coopératives des enseignants Freinet, estime Catherine Chabrun. D’où la nécessité selon elle de relancer une véritable politique de formation des enseignants, alors que par souci d’austérité le gouvernement socialiste tronque la formation initiale, les stagiaires se partageant à mi-temps dans les ESPE et sur le terrain, et que la formation continue n’a pas été restaurée pour les enseignants plus anciens. « Formation qu’en dis-tu ? », interrogeait à ce titre Catherine Chabrun en conclusion d’un récent billet de son blog.
Lors du précédent congrès, en août 2013, la ministre déléguée à la réussite éducative de l’époque, George Pau-Langevin, était venue présenter les projets socialistes de refondation de l’école. En revanche, à l’occasion de ce congrès, les militants de l’ICEM se sont montrés bien plus distants vis-à-vis de la politique éducative du gouvernement en place…