Les masques et postures tombent

— Tribune d’Habdaphaï(*) —
La Martinique traverse une crise profonde sous la pression exercée par le Rpprac, et il est impératif que nos politiciens reprennent le pouvoir pour restaurer nos libertés. Dès les premières heures de cette mobilisation, j’ai soutenu la légitimité des revendications contre la vie chère, convaincu que c’était une cause juste et noble. Cependant, cette cause a rapidement dérivé vers l’autoritarisme, incarné par le « R », le Rpprac et les extrêmes. Ce que j’ai vu m’a révélé une réalité inquiétante et sombre que je ne peux plus ignorer.
Le malaise est palpable. Il n’y a aucune considération pour les travailleurs et les entrepreneurs dont les activités se sont effondrées. Ces acteurs, pourtant essentiels au dynamisme de l’économie martiniquaise, sont marginalisés. En lieu et place du soutien, on assiste à une glorification du vandalisme et des barrages sauvages, comme si le chaos était un mode d’expression légitime. Ce n’est pas acceptable.
Monsieur Eli Domota a exposé le vrai visage du « R » et du Rpprac, révélant la manipulation qui les anime. Ils détournent une situation sociale à des fins politiques, prétendant parler au nom des populations sans aucune légitimité. Le mouvement, loin d’être démocratique, s’enlise dans la manipulation et l’intimidation. Aude Goussard, laminée lors des dernières élections législatives, manipule désormais les jeunes, les incitant à se dresser contre ceux qui, comme moi, respectent encore le droit et la liberté.
Elle n’hésite pas à nous traiter de « microbes » et à nous exposer sur les réseaux sociaux, livrant nos noms à la vindicte populaire orchestrée par le Rpprac. Ce genre de comportements est typique des extrêmes. Le « R », le Rpprac et le RN prennent en otage une partie de la population, jouant sur l’émotion et la colère légitime face à la vie chère. Mais ce qui était une revendication démocratique s’est transformée en un instrument de chaos.
Chaque jour qui passe, le malaise s’intensifie. Si les pouvoirs publics n’interviennent pas rapidement, cette révolte pourrait entraîner les plus démunis dans une spirale de destruction sous le prétexte d’une révolte populaire. Nous devons dire non aux barrages, non à l’obscurantisme. Nous vivons sur une île libre, partie intégrante de la France, et je refuse que ma liberté soit bafouée par des individus qui s’autoproclament leaders.
Il est temps de se réveiller, de déclarer haut et fort que ce désordre ne nous sert pas. Au contraire, il nous humilie. Il humilie nos politiciens, nos syndicats, nos entrepreneurs et notre culture martiniquaise. Ce mouvement, qui avait initialement des revendications légitimes, a sombré dans l’insulte collective. Si nous restons passifs, si nous n’agissons pas, ce sont environ trois mille individus qui détruiront ce que nous avons tous patiemment construit. Ils s’attaquent à l’essence même de la Martinique, à son identité et à ses valeurs de solidarité et de paix.
Nous devons dire non, ici et maintenant. Il est crucial que nos politiciens reprennent le contrôle pour éviter que cette destruction ne continue. Nous devons encourager le dialogue et combattre ce climat de haine et de terreur. Ces comportements rappellent les heures sombres du macoutisme, mais ce n’est pas la Martinique. La Martinique est une terre de liberté, un peuple de résilience et de paix. Il est temps de reprendre notre destin en main.
Il faut rejeter les projets du « R », du Rpprac, du RN et de tous les extrémismes qui propagent la peur et la violence. C’est ensemble que nous devons nous lever pour défendre nos libertés, notre dignité et notre île. Nos politiciens doivent se réapproprier leur rôle, renforcer nos institutions et affirmer les valeurs qui font notre force. C’est ainsi que nous préserverons la fierté et l’avenir de la Martinique.

Habdaphaï

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(*)Jean Crépin Alerte, connu sous le pseudonyme d’Habdaphaï, est une figure incontournable de l’art contemporain martiniquais. Né en 1960 à Fort-de-France, il embrasse très tôt une carrière artistique d’abord comme danseur, avant que la peinture ne s’impose comme sa véritable passion. Formé aux arts graphiques à Fort-de-France, il fait ses premiers pas artistiques dans l’île avant de s’envoler pour des horizons lointains qui enrichiront son regard.

C’est en 1982, lors d’un voyage en Haïti, qu’il adopte son nom d’artiste, un symbole fort qui reflète sa quête d’identité et de reconnaissance dans le monde artistique. Habda, « celui qui attire les autres », et Faye, un nom d’origine africaine, se conjuguent pour illustrer l’essence même de son art : un appel à la rencontre et à l’ouverture à l’Autre. Son séjour en Haïti marque le début d’une démarche artistique qui ne cessera de se nourrir d’influences multiples.

Après une période d’études à Paris, de 1987 à 1990, grâce à l’obtention d’une bourse, Habdaphaï parcourt le monde : Sénégal, Maroc, Haïti. Ces voyages lui permettent de développer son concept du « syncrétisme pictural », un dialogue entre les cultures, les symboles et les couleurs. De retour en Martinique, il ne cesse d’expérimenter et d’innover, mettant en avant la richesse du multi-métissage, qu’il considère comme un acte créatif régénérateur. « Le multi-métissage met au monde un homme neuf », affirme-t-il, conscient du potentiel créatif qu’offre la diversité des origines.

Son œuvre, profondément marquée par les masques, les totems et les symboles, est un langage visuel unique, où les traces et les signes racontent une histoire, celle du Martiniquais, de son identité plurielle et de ses racines complexes. Ses créations, à la fois critiques et poétiques, font de lui un véritable chroniqueur de la société martiniquaise. Habdaphaï est un artiste insulaire qui, tout en restant ancré dans son île, dialogue avec le monde. Il traduit dans ses œuvres l’essence même de la Martinique, à travers une luxuriance de couleurs et de formes qui résonnent avec les réalités contemporaines.

Au-delà de sa production artistique personnelle, il a été à l’initiative de manifestations majeures dans le paysage culturel de l’île, telles que le Festival des Sens, le Marché de l’Art Contemporain du Marin, et la Pool Art Fair Martinique. Ces événements ont permis de dynamiser la scène artistique locale et d’offrir aux artistes caribéens une plateforme d’expression.

Artiste multidisciplinaire, Habdaphaï ne se limite pas à la peinture. Il est également photographe, vidéaste et performer. Toujours là où on ne l’attend pas, il laisse libre cours à sa curiosité insatiable et à son envie de repousser les frontières. À travers chaque médium, il interroge la complexité du monde et sa propre place en tant qu’artiste caribéen. Explorateur infatigable, il voyage non seulement physiquement mais aussi intérieurement, cherchant toujours à capturer l’essence de l’humain dans toute sa diversité et sa richesse.

Habdaphaï incarne ainsi une vision artistique singulière, à la croisée des cultures, des époques et des formes d’expression. Son œuvre est un miroir tendu à la société martiniquaise et au monde, un hommage à la richesse des différences et une invitation à célébrer le métissage sous toutes ses formes.