Les jeunes Guadeloupéens et Martiniquais face à la crainte de leur avenir !

— Par Jean-Marie-Nol —

Chômage, pauvreté, décrochage scolaire, illettrisme , addictions, perte de confiance en l’avenir : la situation de certains 16-30 ans interpelle en Guadeloupe comme en Martinique . Mais dans un autre registre, voilà que les autres jeunes 16/30 ans plus diplômés, une generation dorée, mais qui semble avoir aussi perdu foi en l’avenir. Demain, dans leur globalité, les jeunes Guadeloupéens et Martiniquais seront confrontés à une inquiétude croissante face à leur avenir. Chômage, précarité, violence , crises économiques et financières, changement climatique, perte de confiance dans l’ascenseur social , tout semble converger vers un pessimisme grandissant au sein de la jeunesse. Cette situation n’est pas propre à la Guadeloupe et à la Martinique , mais elle y prend une dimension particulière du fait de leurs spécificités économiques et sociales.

Les chiffres et les études récentes montrent que la jeunesse française dans son ensemble se sent désabusée. Elle est la plus pessimiste d’Europe, marquée par un repli sur elle-même et une méfiance vis-à-vis des institutions et des autres générations. En Guadeloupe et en Martinique , ce malaise est exacerbé par un marché de l’emploi peu accueillant pour les jeunes, des politiques publiques jugées inefficaces et une éducation qui peine à remplir ses promesses d’égalité des chances.

L’école, pilier de l’intégration sociale et de la promotion individuelle, est mise en cause. Le modèle méritocratique républicain, qui fonctionnait jadis comme un ascenseur social, semble aujourd’hui grippé. L’enseignement de masse a diversifié les profils et les aspirations des élèves, mais le système peine à s’adapter à cette réalité. Le sentiment d’injustice grandit face à une école qui ne parvient plus à garantir une véritable égalité des chances. Et pourtant, l’enseignement va profondément se transformer sous l’effet de l’intelligence artificielle, qui s’impose désormais comme un élément incontournable dans l’enseignement supérieur. Alors que les étudiants s’apprêtent à finaliser leurs candidatures sur la plateforme « Mon Master », les formations en bac+5 évoluent pour répondre aux nouvelles exigences du marché du travail. L’intégration croissante de l’intelligence artificielle dans ces cursus marque une transition majeure dans la manière d’enseigner et d’apprendre.

Pour de nombreux étudiants, l’IA est une révolution fascinante. Cet enthousiasme témoigne de la manière dont l’intelligence artificielle s’impose comme un domaine clé, attirant des talents motivés par la promesse d’inventer et d’améliorer notre quotidien.L’évolution la plus significative ne réside cependant pas uniquement dans la création de nouvelles formations dédiées à l’intelligence artificielle, mais dans son intégration transversale à l’ensemble des disciplines. L’intelligence artificielle est désormais un sujet incontournable dans des formations aussi variées que les sciences politiques, les sciences dures, les arts ou encore la santé. Pour un spécialiste du numérique à la Conférence des grandes écoles, une formation supérieure qui n’intègre pas l’IA est aujourd’hui incomplète. Il est essentiel de comprendre les implications de cette technologie, qu’il s’agisse de ses avantages, de ses biais, de ses limites ou encore de son impact environnemental et sociétal. Les étudiants de l’université des Antilles, eux-mêmes sont conscients de la nécessité d’adopter cette transformation. Pour ce qui me concerne , il est évident que les métiers de demain vont subir des mutations profondes, avec certaines professions amenées à disparaître tandis que d’autres émergeront. L’intelligence artificielle devient un outil indispensable pour s’adapter à ces bouleversements et garantir une employabilité à long terme. Les établissements d’enseignement supérieur répondent à cette demande en adaptant leurs formations. À l’Université Paris Dauphine-PSL, par exemple, l’on développe de nouveaux cursus visant à former des esprits critiques capables de comprendre et de maîtriser les impacts sociétaux de l’IA. L’objectif est double : permettre aux étudiants de naviguer dans un environnement technologique en perpétuelle évolution et leur offrir les compétences nécessaires pour encadrer et réguler ces avancées.

Cette transformation de l’enseignement supérieur s’accompagne d’une prise de conscience plus large : la maîtrise de l’intelligence artificielle n’est plus une option pour la Guadeloupe et la Martinique, mais une nécessité. Les établissements, les enseignants et les étudiants doivent tous s’adapter à cette nouvelle réalité. Loin d’être une simple évolution pédagogique, il s’agit d’un bouleversement qui redéfinit les contours de l’apprentissage et du travail. Dans cette course au progrès, la France tente de se positionner en leader de la formation aux nouvelles technologies, attirant des étudiants du monde entier et façonnant les experts de demain. L’intelligence artificielle, loin de remplacer les savoirs traditionnels, devient un prisme à travers lequel chaque discipline se réinvente pour affronter les défis du XXIe siècle.

Pour des territoires comme la Guadeloupe, où l’excellence scolaire reste un défi et où le taux d’échec et de décrochage scolaire est préoccupant, l’intégration de l’intelligence artificielle s’avère indispensable dans les cursus universitaires et pourrait représenter un levier majeur de transformation. L’IA permettrait d’adapter les parcours éducatifs en fonction des besoins spécifiques des élèves grâce à des outils d’apprentissage personnalisés. Par exemple, des plateformes d’enseignement basées sur l’intelligence artificielle pourraient aider à repérer précocement les élèves en difficulté et proposer des modules de rattrapage adaptés. De plus, l’enseignement à distance facilité par l’IA pourrait pallier le manque de ressources et de personnel qualifié, en permettant aux étudiants d’accéder à des cours et des experts situés hors du territoire.

L’IA peut également favoriser un meilleur accompagnement dans l’orientation professionnelle, en aidant les étudiants à identifier les formations et les métiers en adéquation avec leurs compétences et leurs aspirations. Dans un petit territoire comme la Guadeloupe confronté à des problématiques de chômage et de fuite des talents, ces outils pourraient jouer un rôle crucial pour renforcer l’employabilité locale et favoriser l’insertion professionnelle des jeunes diplômés. Toutefois, cette transition ne pourra être efficace que si des investissements conséquents sont réalisés dans l’infrastructure numérique et la formation des enseignants. Sans une adaptation du système éducatif aux réalités technologiques, le risque serait d’aggraver les inégalités entre les territoires, laissant les étudiants ultramarins en marge de cette révolution numérique. Il est donc urgent d’intégrer l’intelligence artificielle dans une politique éducative globale visant à combler les écarts et à garantir une égalité des chances pour tous les étudiants, qu’ils soient en métropole ou dans les Outre-mer. Au-delà du cadre éducatif, d’autres menaces viennent renforcer ce climat d’incertitude. La remise en cause du modèle social français, liée à la crise de la dette et aux réformes économiques, laisse entrevoir un avenir plus incertain encore pour les jeunes. En Guadeloupe, cette situation est aggravée par l’essor du narco-trafic, qui fragilise davantage le tissu social et propose une alternative dangereuse à l’emploi formel. Les transformations technologiques, avec l’automatisation et l’intelligence artificielle, remodèlent le marché du travail et laissent planer la crainte d’une marginalisation accrue pour ceux qui ne parviennent pas à suivre cette évolution.

Le dérèglement climatique constitue une autre source d’angoisse. La Guadeloupe, territoire insulaire, est particulièrement exposée aux risques liés aux changements climatiques : montée des eaux, cyclones de plus en plus violents, destruction des ressources naturelles. Ces enjeux environnementaux menacent directement les perspectives d’avenir des jeunes générations, qui craignent de voir leur cadre de vie dégradé et leurs opportunités économiques se réduire.

Face à ces multiples défis, les jeunes Guadeloupéens ont-ils raison d’avoir peur de l’avenir ? La réponse est nuancée. Si les obstacles sont réels et nombreux, il existe également des opportunités à saisir. L’économie locale pourrait être dynamisée par l’entrepreneuriat, les nouvelles technologies et une transition écologique adaptée aux réalités de l’île. Les jeunes disposent d’une capacité d’adaptation et d’une résilience qui leur permettent d’innover et de créer de nouvelles dynamiques sociales et économiques. Pour autant, cela ne pourra se faire sans une véritable prise en compte de leurs difficultés par les pouvoirs publics et une refonte des politiques d’éducation, d’emploi et de logement.

L’avenir des jeunes Guadeloupéens reste incertain, mais il n’est pas condamné. Leur crainte est le reflet d’un système en crise, mais aussi d’une détermination à vouloir mieux. C’est en leur donnant les moyens d’agir et en leur redonnant confiance dans l’avenir que cette situation pourra être inversée.

Jean-Marie Nol économiste