Les inégalités nuisent gravement à la croissance, selon les participants à un séminaire du FMI

"Si le FMI le dit..."

—Bulletin du FMI—

inegalites_riches_pauvres-2Un consensus croissant offre une occasion unique d’agir pour remédier aux inégalités
Les politiques macroéconomiques peuvent atténuer les inégalités
Parmi les remèdes : des dépenses de santé et d’éducation mieux ciblées, une fiscalité plus progressive

Croissance et inégalités sont incompatibles, de l’avis général des participants à un séminaire de haut niveau qui s’est tenu pendant les réunions du FMI et de la Banque mondiale. Cependant, les avis divergent énormément quant aux priorités à retenir pour remédier à l’accentuation des inégalités observée depuis plusieurs décennies.

L’inégalité de revenu s’est aggravée partout dans le monde. Lors de ce séminaire du FMI intitulé «La macroéconomie de l’inégalité de revenu», Oxfam a affirmé que les 85 personnes les plus riches du monde détiennent aujourd’hui la moitié de la richesse mondiale.

Selon Guy Ryder, Directeur général de l’Organisation internationale du travail, un consensus croissant sur les effets dommageables des inégalités offre une occasion sans précédent d’agir pour y remédier.

Jusqu’à présent, l’inégalité était considérée comme le prix à payer pour que l’économie mondiale fonctionne bien. «Mais aujourd’hui, le FMI et d’autres organisations nous disent qu’il y a convergence entre un meilleur fonctionnement de l’économie mondiale, la création des emplois dont nous avons besoin et la suppression des inégalités», a déclaré M. Ryder.

«Si c’est un problème, et si nous sommes tous d’accord pour dire que c’est un problème, qu’allons-nous faire pour y remédier?», a-t-il ajouté.

L’inégalité est «moralement répréhensible»

L’inégalité n’est pas seulement mauvaise pour la croissance et une menace pour la démocratie; elle est aussi «moralement répréhensible», a estimé Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l’organisation de bienfaisance Oxfam.

«On ne peut admettre que des millions de personnes vivent dans la pauvreté la plus abjecte pendant que d’autres — les 85 personnes dont nous avons déjà parlé —, même si elles avaient mille vies, ne réussiraient pas à dépenser tout ce qu’elles possèdent», a-t-elle déclaré.

Jeffrey Sachs, chef du Earth Institute de l’Université Columbia, a recensé de nombreux types d’inégalité, dont l’inégalité de revenu, de patrimoine, de pouvoir et de bien-être. Il s’est insurgé contre l’aggravation stupéfiante des inégalités aux États-Unis qui, a-t-il dit, a permis aux plus riches de confisquer le processus politique à leur profit.

Les publications du FMI sur l’inégalité

Au cours de l’année écoulée, le FMI a publié deux grandes études sur l’inégalité qui en expliquent les effets sur la croissance et qui montrent comment la fiscalité et les politiques de dépenses peuvent être conçues de manière à assurer la redistribution des richesses à un coût minime pour l’efficacité économique.

Plusieurs participants ont salué la publication des études du FMI, qui ont contribué à la formation d’un consensus croissant sur la nécessité d’y remédier.

Selon le Directeur adjoint du FMI, Min Zhu, il serait possible de remédier aux inégalités par l’action publique. «Les politiques macroéconomiques ont leur importance à cet égard», a-t-il dit. C’est une considération qui est désormais intégrée systématiquement dans les travaux du FMI. «Lorsque nous donnons des conseils aux autorités nationales, nous prenons toujours en compte l’emploi et la croissance dans la formulation des politiques économiques».

Il estime essentiel que le FMI comprenne l’impact de la macroéconomie et conçoive les politiques qu’il préconise en conséquence. «Réfléchissons une minute : si le revenu est concentré dans les mains d’un petit groupe de personnes, la consommation en sera modifiée parce que la capacité de consommation diffère en fonction du niveau de revenu», a-t-il souligné.

Propositions pour remédier aux inégalités

Tyler Cowen, professeur à l’université George Mason, a proposé des mesures qui pourraient contribuer à réduire les inégalités au niveau mondial, notamment des mesures d’encouragement de l’immigration, des transferts monétaires sous condition de ressources, et l’investissement dans la santé publique et l’agriculture.

«Je pense que l’inégalité est un symptôme d’un problème plus profond qui est celui du manque de débouchés», a déclaré M. Cowen, en ajoutant que ses propositions ouvriraient de nouvelles possibilités pour les pauvres.

«Si nous trouvons l’inégalité préoccupante, je dirais qu’il faut s’y attaquer sous l’angle de problèmes à résoudre», a-t-il estimé.

Plusieurs participants se sont élevés contre la fraude fiscale et les flux financiers illicites dont se rendent coupables certaines entreprises et dans lesquels Mme Byanyima voit de l’argent qui pourrait être dépensé sur des services publics, lesquels sont un «revenu réel pour les pauvres».

Les effets des inégalités sur «l’homme de la rue»

Selon M. Ryder, il n’est pas nécessaire de regarder les exemples «extrêmes» d’évasion et de fraude fiscales caractérisées. «Il suffit de regarder le milieu, estime-t-il. Comment allons-nous remettre de l’argent dans les poches des gens? Regardons ce qui se passe ici même, en ce moment même, pour l’homme de la rue.»

M. Sachs a expliqué que, souvent, l’inégalité passait en s’amplifiant d’une génération à l’autre, que les riches pouvait effectuer plus d’«investissements dans le capital humain», par exemple l’éducation et la santé, que les pauvres.

«Imposer les riches pour permettre à tout le monde de s’en sortir n’est qu’un morceau de ce puzzle. Il ne s’agit pas d’opposer équité et croissance, mais de concilier les deux», a-t-il conclu.

http://www.imf.org/external/french/pubs/ft/survey/so/2014/res041214af.htm