— Par Jean-Marie Nol, économiste —
Le climat politique dégradé de la nouvelle Calédonie est à notre avis désormais une impasse politique orchestrée magistralement par le pouvoir central. La situation en Nouvelle Calédonie s’intensifie dans une atmosphère délétère, évoluant vers un état d’insurrection que certains considèrent comme une impasse politique préméditée par le pouvoir central. En effet, nous serions bien selon toute vraisemblance en présence d’un scénario d’anticipation de l’explosion prévisible de la poudrière calédonienne. En langage de stratégie militaire, cela s’appelle allumer un contre feu.
Dans ce contexte tendu, les indépendantistes se retrouvent piégés, tandis que les événements violents semblent compromettre les intérêts du peuple kanak.Le rapport de force ne semble pas en faveur des indépendantistes, et l’issue des discussions, suite à l’invitation d’Emmanuel Macron, est attendue avec anxiété mais sans surprise. Cependant, rien de ce qui se déroule actuellement en Nouvelle Calédonie n’est anodin, et les hauts fonctionnaires en charge de l’outre-mer suivent de près chaque événement. Mais quel est le fond du véritable problème ?
La stratégie du pouvoir central empruntée au grand stratège militaire Clausewitz est d’après moi la suivante : allumer un contre feu est une stratégie visant à créer une distraction ( gel du corps électoral) ou semer le doute ( violences et émeutes ) afin de détourner l’attention d’une question principale ( la quasi faillite de l’industrie du nickel et la revendication d’indépendance du peuple Kanak). La production de nickel a ainsi chuté de 32% au premier trimestre. Le groupe français Eramet et sa filiale Société Le Nickel (SNL), premier employeur de l’archipel, a enregistré une chute de ses ventes de 50%. Dans le nord, l’usine KNS contrôlé par les indépendantistes kanaks a été mise en sommeil suite à l’annonce du départ de l’entreprise Glencore. La Nouvelle-Calédonie est en proie à des émeutes dues aussi pour des raisons imputables au chômage et à la marginalisation sociale des jeunes kanaks et surtout à l’effondrement de l’économie du nickel, sa principale richesse. Le Caillou autre appellation de la nouvelle Calédonie est également touché par des fortes inégalités économiques : selon une étude de l’Institut de la statistique et des études économiques (Isee) de Nouvelle-Calédonie, 51.000 personnes vivaient sous le seuil de pauvreté, soit un Calédonien sur cinq. Les affrontements ont déjà causé quatre morts à Nouméa, déclenchés par un projet de réforme du corps électoral. Cette crise ravive les tensions entre les loyalistes et les Kanaks. Le projet de loi, élargissant la base électorale, divise encore davantage et n’est autre que l’arbre qui cache la forêt. Près d’un quart des salariés de l’île travaillent dans le nickel, mais la demande a chuté de manière drastique. Les principales entreprises minières se désengagent financièrement, menaçant des milliers d’emplois et promettant une situation sociale explosive sur l’île. Malgré les efforts du gouvernement pour sauver l’industrie minière, la Nouvelle-Calédonie se retrouve confrontée à une crise économique majeure, exacerbée par des préoccupations environnementales et une concurrence accrue de l’Indonésie sur le marché mondial du nickel. Les violences et les destructions de commerce étaient prévisibles, soulignant ainsi la responsabilité du gouvernement qui ne pouvait ignorer la tournure des événements.Rien de ce qui se passe aujourd’hui en nouvelle Calédonie n’est fortuit et encore moins le fruit du hasard. Tout était prévisible y compris la colère et le ressentiment qui ont engendré les violences et destructions de commerce. Dès lors, le gouvernement ne pouvait nullement ignorer la tournure des événements vers un climat de violence, et c’est pourquoi je fais volontairement référence au piège dans lequel ont foncé tête baissée les indépendantistes kanaks et à la préméditation et l’orchestration des faits actuels sur le territoire. Cette préméditation et ce piège politiques sont difficilement compréhensibles pour la masse, mais ils demeurent un point crucial dans l’analyse de la situation.Comme le dit si bien le proverbe, « quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt ». Dans ce cas, la manipulation politique semble être la lune que beaucoup ne voient pas, se concentrant plutôt sur les événements immédiats. Ainsi le gouvernement a instauré l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et y a interdit le réseau social TikTok, largement utilisé par les émeutiers. Cette mesure d’interdiction intervient également sur fond de crainte d’ingérences et de désinformation sur les réseaux sociaux venant de pays étrangers qui chercheraient à attiser les tensions pour s’implanter dans la région et supplanter l’influence française, selon des sources gouvernementales et de sécurité, évoquant des pays comme la Chine ou l’Azerbaïdjan. Et en dépit des apparences, certains experts estiment que la situation politique et géostratégique est parfaitement sous contrôle pour l’État français. Le dégel du corps électoral est considéré comme une provocation stratégique, visant à affaiblir la revendication d’indépendance des kanaks en vidant cette dernière de toute substance.Alors que les tensions persistent en Nouvelle Calédonie, l’avenir politique de l’archipel demeure incertain. Les discussions en cours et les actions futures du gouvernement central seront cruciales pour déterminer la voie à suivre et l’issue de cette crise politique et sociale.
Jean-Marie Nol, économiste