— Par Max Orville —
«Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leur parole, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien ni de personne, alors c’est là en toute beauté et toute jeunesse le début de la tyrannie. » (Platon, La République) Le déferlement de violence qui a sévi ces derniers jours en Martinique, les saccages sur les biens publics et privés, les pillages, les appels à la haine sur des descendants de colons, un meurtre non élucidé, des morts de jeunes en moto roulant en sens inverse, les voitures brûlées, les armes de gros calibre qui circulent allègrement,… Tout cela ne peut incarner raisonnablement la lutte contre la vie chère. Cette demande exigeante, juste et fondée. Aujourd’hui, l’économie martiniquaise déjà fragile est à terre. Combien de familles martiniquaises se retrouvent au chômage du fait de la destruction de leur entreprise ? On lutte contre la vie chère et le prix des assurances va flamber compte tenu des dégâts occasionnés !
En créant partout le désordre et le chaos, la jeunesse doit savoir que le réveil sera encore plus douloureux, avec une économie demain davantage sinistrée !
Une Martinique divisée, fracturée
Oui la vie est chère, même très chère. Mais ce combat contre la vie chère aurait dû se mener dans un autre cadre, celui de la République et de la démocratie. Or dans une démocratie, le pouvoir appartient au Peuple via ses représentants. C’est à eux qu’il appartenait de livrer ce combat, même si la population montre une réelle défiance à leur égard.
Aujourd’hui, nous avons une Martinique divisée, fracturée. Fracturée socialement, fracturée racialement, fracturée politiquement et défiante envers la République ! Comme le dit l’écriture : « un pays divisé contre lui-même ne peut subsister ! »
Face aux crises que la Martinique traverse : la vie chère, la Santé, l’eau, les transports, la démographie déclinante, l’exode de nos jeunes,.. Il convient de se réconcilier d’abord, faire preuve de résilience, surmonter nos passés douloureux, apprendre à se faire confiance, dépasser nos égoïsmes et renouer le dialogue. A défaut, des heures sombres se préparent !
Aimé Césaire avait cette vision, cette aura, cette autorité morale quand il planta l’arbre de la réconciliation entre békés et nègres à l’Habitation Clément le 17 décembre 2001. Malheureusement ce processus initié, n’a pas été poursuivi par ses successeurs.
On entend désormais aussi, dans le cadre de cette crise, une demande d’autonomie ! Est ce la réponse à la vie chère !!! Il convient de dire avec clarté et dans le cadre d’une nouvelle consultation, si la population martiniquaise veut demeurer dans la République ?
Aujourd’hui, un autre péril pointe à l’horizon, celui d’une jeunesse désenchantée, sans avenir sauf l’exode !
Cette jeunesse, face à l’injustice subie, celle de la vie chère, se révolte et ne reconnait que la loi du plus fort, car leurs représentants peinent à faire valoir la loi du plus juste.
Pourtant, dans les revendications, on entend la demande d’une égalité totale avec l’hexagone, pour lutter contre la vie chère. « Si nous sommes français, nous devons bénéficier des mêmes droits ! Français à part entière et non entièrement à part ! »
Cet héritage demeure !
Cette demande est conforme à la promesse de 1848, sur l’avant-projet du décret de l’abolition de l’esclavage : “La République reconnait les crimes commis envers les anciens esclaves, en leur donnant pour patrie la France et pour héritage tous les droits du citoyen français.”
Cet héritage demeure ! Malheureusement nos dirigeants locaux, depuis des lustres, n’ont de cesse de cultiver leurs différences, leurs spécificités, au lieu d’enraciner nos droits à l’égalité. Passion de l’égalité mais culte du privilège !
Aujourd’hui, la demande populaire exige l’égalité et l’alignement des prix avec l’hexagone. À bon droit ! Mais prudence encore, comment réagiraient nos fonctionnaires martiniquais, si l’Etat accédait à cette doléance de nos compatriotes et retourne cette demande d’égalité, en évoquant dès lors la suppression de la surrémunération de 40% dont ils bénéficient ? Justement en raison de la cherté de la vie ! Mais il est aussi vrai que tout le monde n’est pas fonctionnaire en Martinique.
Enfin, dans le monde mondialisé dans lequel nous vivons, nos petits territoires constituent aussi des enjeux géostratégiques dans lesquelles certaines puissances étrangères ont la tentation à peine voilée de bousculer la France.
Député européen, j’avais milité et obtenu en janvier 2023 un avis favorable de la Commission Emploi du Parlement européen, pour la mise en place de zones franches dans les RUP (régions ultra-périphériques) afin d’expérimenter une mesure originale, pour lutter contre la cherté de la vie dans nos territoires. Le principe était clair : exonération des charges salariales et charges patronales. Salaire brut devenant salaire net, donc augmentation du pouvoir d’achat et exonération des charges patronales afin de faciliter l’embauche locale et réduire le chômage. Proposition non reprise par nos parlementaires nationaux.