« Les Filles du Nil : quand le théâtre devient un acte de rébellion

Mercredi 16 octobre à 18h30 à Madiana

Mercredi 16 octobre à 18h30
« Les Filles du Nil », un film de Ayman El Amir, Nada Riyadh
Madiana
29 janvier 2025 en salle | 1h 42min | Documentaire
| Par Nada Riyadh, Ayman El Amir
Titre original Rafaat Einy LL Sama
Synopsis
Dans un village du sud de l’Égypte, une bande de jeunes filles se rebelle en formant une troupe de théâtre de rue. Rêvant de devenir comédiennes, danseuses et chanteuses, elles défient leurs familles coptes et les habitants de la région avec leurs performances audacieuses. Filmé sur 4 années, Les Filles du Nil suit le parcours de ces jeunes filles qui deviennent femmes.

Madinin’Art en parle :

— Par Hélène Lemoine —
Depuis El-Barsha, un petit village copte du sud de l’Égypte, une révolution discrète mais puissante a vu le jour. C’est là que Nada Riyadh et Ayman El-Amir ont découvert, en 2017, un groupe de jeunes femmes courageuses qui utilisaient le théâtre de rue pour défier les normes sociales étouffantes auxquelles elles étaient confrontées. Majda, Haidi, Monika, et leurs amies ont créé des saynètes où elles exposaient avec audace les réalités qu’elles vivaient au quotidien : mariages précoces, harcèlement et contrôle des corps féminins. Malgré les insultes, les pierres lancées, elles ont persisté, frappant leur darbouka ou agitant leurs maracas, leurs voix s’élevant contre l’oppression.

Cette incroyable aventure a donné naissance au documentaire « Les Filles du Nil », un film tourné sur quatre ans qui capture les rêves et les luttes de ces jeunes performeuses issues de la minorité copte. Leur troupe, « Panorama Barsha », n’était pas seulement un groupe artistique, mais un espace où les jeunes femmes pouvaient s’exprimer librement, loin des contraintes sociales rigides. Leurs performances, souvent confrontées à l’hostilité du public conservateur de leur région, ont mis en lumière des sujets tabous : les mariages précoces, le droit de choisir son partenaire, ou encore celui de retarder la maternité. Ces questions, peu posées dans le centre et le sud de l’Égypte, prennent une nouvelle dimension grâce au courage de ces jeunes femmes.

Le film montre également la complexité des relations familiales et des tensions entre tradition et émancipation. Haidi, par exemple, rêve de devenir danseuse, mais se retrouve en conflit avec son fiancé, qui souhaite la voir abandonner le théâtre une fois mariée. Son père, pourtant ancré dans les traditions, devient un allié inattendu, encourageant sa fille à poursuivre son art. Cette scène, où il tente de la convaincre de rester dans la troupe, montre l’évolution des mentalités, même au sein des structures patriarcales.

Ce film, bien plus qu’un simple témoignage artistique, devient un espace de transformation sociale. Les jeunes femmes de « Panorama Barsha », sans même avoir lu de textes féministes, incarnent une résistance profondément féministe, exprimant leurs désirs et revendiquant leur liberté dans une société qui tente de les réduire au silence. Leur démarche est une bouffée d’air frais dans un contexte où la culture et l’expression artistique sont souvent étouffées, particulièrement en dehors de la capitale.

« Les Filles du Nil »* n’est pas seulement un documentaire sur le théâtre. C’est une immersion dans les vies de ces jeunes femmes, à un moment critique où elles doivent choisir entre suivre les chemins tracés pour elles ou embrasser pleinement leurs aspirations artistiques. Certaines ont vu leurs rêves brisés, d’autres continuent de se battre pour leur place dans le monde. Mais toutes, sans exception, montrent une force et une détermination qui inspirent.

Alors que le film s’apprête à sortir en France, il reste un témoignage poignant de l’impact que l’art peut avoir sur les individus et les communautés. Les performances des filles de « Panorama Barsha » sont bien plus qu’une simple distraction, elles sont un acte de rébellion, un cri pour la liberté.