Les organisations féministes signataires expriment, une fois de plus, leurs plus vives préoccupations par rapport aux tensions, qui prévalent dans le pays à l’approche du 7 février, qui marque, selon la Constitution en vigueur, la fin du mandat présidentiel et rappelle les conquêtes démocratiques après 29 ans de dictature duvaliériste.
La crise multidimensionnelle, que connaît le pays, s’est considérablement accrue, ces derniers mois, avec les protestations antigouvernementales et le climat d’insécurité, instauré par les gangs armés qui terrorisent la population partout sur le territoire, sous le regard complaisant, voire complice, du pouvoir. Dans ce contexte, les kidnappings et les violences envers les femmes, en particulier les féminicides de jeunes femmes, se multiplient en toute impunité. La population est plongée dans le désarroi et l’incertitude par rapport au devenir national.
La tolérance de la police envers les bandits, qui ont défilé dans les rues de la capitale les 22 et 26 janvier 2021, et la réponse positive du Président Jovenel Moïse à leurs revendications concernant la révocation de la ministre des Affaires sociales et du travail, indiquent des accointances et dénotent une volonté du pouvoir de faire de ces groupes sa base sociale. Alors que les gangs occupent l’espace public sans être inquiétés, les manifestations pacifiques, réclamant le respect des droits humains et contestant le pouvoir, sont fortement réprimées.
Le Président Moïse s’est enlisé dans une logique des pleins pouvoirs. D’une part, il tente de légaliser ses agissements en édictant des décrets scélérats, notamment ceux relatifs au renseignement et à la sécurité, qui s’apparentent à ceux de la dictature des Duvalier. D’autre part, le Président Moïse met à l’écart la Constitution en vigueur pour imposer unilatéralement une nouvelle Constitution au pays et réaliser des élections taillées sur mesure avec un Collège électoral illégitime et illégal.
Force est de constater que le Président Moïse se croit au-dessus des lois de la République car, il n’entend pas s’appliquer à lui-même les prescrits constitutionnels qu’il avait évoqués pour constater, le 13 janvier 2020, la fin du mandat des parlementaires et donc la caducité du parlement. Il n’a pris aucune disposition pour organiser à temps les élections pour le renouvellement du personnel politique. Cette volonté de s’attacher coûte que coûte au pouvoir est néfaste pour le pays.
Les féministes prennent également acte du fait que la communauté internationale cautionne les dérives du régime, fait fi des revendications de la population et signifie ainsi que les principes démocratiques sont optionnels, lorsqu’il s’agit de pays périphériques comme Haïti.
A l’échéance du 7 février, la situation politique sera davantage compliquée. Une voie de sortie de crise porteuse pour le pays s’impose pour éviter que la population paie encore le prix du chaos.
Les féministes restent et demeurent attachées aux acquis démocratiques, que symbolise le 7 février, et continueront à œuvrer pour l’instauration durable d’un État de droit démocratique.
Port-au-Prince, le 5 février 2021.
Les signataires :
1. Kay fanm
2. Solidarite fanm ayisyèn (Sofa)
3. Fanm Deside Jakmèl
4. Rezo fanm radyo kominotè ayisyen (Refraka)
5. Nègès Mawon
6. Fanm yo la
7. Groupe d’appui au développement du Sud (Gades)
8. Fondation Toya
9. Asosyasyon Fanm Soley d Ayiti (Afasda)
10. Marijàn
11. Dantò
12. Sabine Manigat, féministe indépendante
13. Antoinette Duclaire, féministe indépendante